Pluralisme idéologique : facile à proclamer, beaucoup plus difficile à réaliser !

mardi 5 octobre 2021.
 

Le PS prendra-t-il les mesures politiques pour qu’une autre gauche que celle qu’il incarne puisse s’exprimer largement dans les médias ?

Exiger et se battre pour la liberté d’expression et d’information au sein des médias constitue un enjeu politique majeur non seulement pour la survie de la démocratie et un principe de justice mais aussi pour la progression de l’audience des idées du Front de gauche dans notre pays.

C’est la raison pour laquelle nous avons consacré sur ce site plusieurs articles concernant les médias et dont les suivants :

La censure larvée remplace les armes d’une dictature militaire pour empêcher le Front de gauche d’arriver au pouvoir : http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

La télé implémentation du biologiciel libéral dans les 45 millions de cerveaux connectés aux médias. http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Maintenant que le parti socialiste contrôle le pouvoir exécutif, qu’il est majoritaire à l’Assemblée nationale et au Sénat et qu’il est majoritaire dans toutes les régions, ce parti dispose de tous les moyens politiques pour pouvoir instaurer dans notre pays une véritable politique pluraliste et démocratique de l’information.

- L’histoire récente incite néanmoins à modérer nos espérances puisque pendant les 14 années de présidence de François Mitterrand, il n’y a eu guère de changement dans la manière dont ont fonctionné les médias, notamment à l’égard des syndicats. Pire, l’autoritarisme et l’anti syndicalisme de Claude Allègre à l’encontre du monde enseignant, relayés abondamment par la presse de droite (dont ce sinistre ministre a été un chroniqueur) a contribué largement à la défaite de Lionel Jospin qui a perdu les voix qui lui manquaient pour battre Jean-Marie Le Pen. Plusieurs centaines de milliers de voix d’enseignants ont fait défaut, alors que ceux-ci votaient traditionnellement, dans leur majorité, socialiste. Les médias et le PS, en grande partie responsables, ont préféré mettre exclusivement sur le dos de Chevènement, le"diviseur", cet échec. Mais ce genre d’argument n’a marché que pour ceux qui ne connaissaient pas la réalité du terrain.

- Une autre raison qui incite à modérer nos espoirs est que le parti socialiste est un parti social libéral qui ne remet nullement en cause le tout pouvoir de l’économie de marché. Même les positions néo keynésiennes ne sont pas majoritaires au PS.

- Enfin la troisième raison, est que le PS n’a nullement l’intention d’avoir à sa gauche une organisation trop puissante qui pourrait remettre en cause son hégémonie politique.

Mais essayons de croire que le PS a changé, a tenu compte des erreurs du passé : ne faisons pas de mauvais procès d’intention au PS et examinons sur cette question de l’information des médias quelles sont ses positions en consultant son site Internet. Nous commenterons ensuite ses prises de position.

Tout d’abord voici des extraits d’une contribution au congrès de Toulouse du PS qui se tiendra du 26 au 28 octobre 2012.

Soustraire la culture à l’emprise du pouvoir économique et politique source : http://www.parti-socialiste.fr/cong...

"Contre la tentation économique libérale, œuvrons pour des médias soustraits à l’emprise du pouvoir économique et politique

L’État sous la Droite se désengageait financièrement des structures, paradoxalement, il demeurait très présent à travers l’ancien Président de la République en particulier lorsque celui-ci intervenait dans la gestion des ressources humaines de l’audiovisuel comme dans la nomination des directeurs jusqu’au choix de salariés.

Quand ce n’était pas pour s’immiscer dans les contenus de programmes, ce qui entraînait cette forme de dictature idéologique et d’autocensure que nous dénoncions et qui ne sont pas sans conséquences pour les personnels aujourd’hui

Commençons par restituer le droit d’informer accessible à tous. Faisons bénéficier aux médias sans but lucratif - parmi eux les médias associatifs et syndicaux- en priorité des aides publiques, directes et indirectes. Ces aides bénéficient à ce jour aux médias les plus mercantiles et aux publicitaires. En revanche, les médias sans but lucratifs doivent être soutenus par un fonds mieux doté et étendu aux télévisions associatives. Celles-ci, à l’instar des radios associatives, devront bénéficier d’un droit d’accès à tous les réseaux de diffusion affranchis de la pression des actionnaires et des publicitaires

Faire barrage aux éventuelles tentatives de privatisation, c’est lutter contre le renforcement des groupes privés. Nous demandons qu’aucun propriétaire de groupes industriels liés à l’armement ne puisse posséder et de fait contrôler un seul média. Cette concession des chaînes privées à des groupes quels qu’ils soient, dépendants de marchés publics doit cesser. Les dispositifs contre les concentrations multimédias doivent être renforcés

Renforcer le pluralisme des médias. Moderniser le dispositif de contrôle pluri-médias pour y intégrer la presse, y compris gratuite, et Internet. Revendiquer le service public et les nationalisations dans l’audiovisuel et le cinéma (TFI et CNC européen). N’acceptons plus que les principaux médias soient encore contrôlés par des intérêts privés, contrairement au programme du Conseil national de la Résistance et aux ordonnances sur la presse de 1944.

Contre les restrictions à la liberté de la presse, il nous faut renforcer l’indépendance des rédactions et soutenir la presse de l’audiovisuel public

Pour le droit de chacun à une information de qualité, pourquoi ne pas inscrire dans la constitution elle-même le droit du public à une information honnête et de qualité ?"

Fin de citation des extraits.

Il s’agit ici de fragments, et le lecteur peut consulter l’intégralité du texte à la source citée.

Voici maintenant un texte cité in extenso : un communiqué du Bureau national du PS. Garantir la liberté des médias et le pluralisme de l’information

Source : http://www.parti-socialiste.fr/comm...

"La méfiance de Nicolas Sarkozy vis-à-vis des contre-pouvoirs s’est particulièrement illustrée dans ses tentatives d’étouffement du « quatrième pouvoir » qu’est celui des médias.

A l’inverse, le Parti socialiste est attaché à la liberté de la presse et au pluralisme de l’information et propose de mettre en place un cadre juridique plus efficace pour les protéger

A cette fin, une grande loi sera adoptée. Elle poursuivra trois objectifs essentiels et complémentaires : la lutte contre la concentration, la garantie d’une véritable indépendance des Rédactions et une réelle protection des sources des journalistes.

La loi délimitera ainsi de nouveaux plafonds d’audience pour les groupes médias en radio, télévision et presse écrite, encadrera la participation des médias nationaux dans les médias locaux et modernisera le dispositif de contrôle plurimédia pour y intégrer la presse (y compris la presse gratuite) et Internet.

Elle complétera les critères que le CSA est en charge d’apprécier pour les acquisitions ou les lancements de chaîne mais aussi pour les renouvellements de licence. Il lui sera explicitement demandé de privilégier les services proposés par des opérateurs indépendants des groupes titulaires de marchés publics.

Parallèlement, cette loi établira la reconnaissance légale de l’équipe rédactionnelle dans chaque entreprise de presse et exigera la définition d’une charte éditoriale et déontologique précise, énonçant les garanties d’indépendance éditoriale et les engagements souscrits à l’égard des lecteurs par tous ceux qui concourent à la publication.

En ce qui concerne la protection des sources, nous reviendrons sur la loi votée en 2010, régulièrement bafouée par le pouvoir exécutif et qui ne répond manifestement pas aux enjeux, afin de la rapprocher de la loi belge.

Pour ce qui concerne, par ailleurs, l’avenir de l’audiovisuel public, le Parti socialiste réaffirme sa volonté de lui donner force et indépendance.

Nous proposons la mise en place d’une nouvelle gouvernance en mettant fin aux nominations des responsables de l’audiovisuel public (France Télévisions, Radio France, Audiovisuel Extérieur de la France) par le Président de la République. Ces nominations seront désormais confiées à des conseils d’administration renouvelés afin d’assurer leur indépendance vis à vis du pouvoir exécutif.

Pour donner une nouvelle ambition au service public audiovisuel, nous proposons :
- la création d’une chaîne jeunesse (enfants, adolescents et jeunes adultes), sans publicité, sur le canal de France 4,
- la création d’un nouveau portail d’information alimenté par l’ensemble des opérateurs publics,
- 250 millions d’euros par an, au bout de cinq ans, consacrés à la recherche et à l’innovation,
- la création d’une marque permettant au service public de se distinguer, un « label ombrelle », dont les trois éléments phares seront de favoriser le vivre ensemble, de restaurer la confiance du public et d’encourager l’innovation en son sein,
- une politique volontaire de mise à disposition, sur Internet, de certains programmes à destination du public.

Pour financer cette nouvelle ambition, et pour permettre au service public de maintenir sa fonction de contributeur essentiel à la création et à la diversité culturelle, il est nécessaire de préserver les ressources actuelles des opérateurs publics. Si nous excluons de rétablir la publicité en soirée, nous la maintiendrons avant 20h sauf sur la chaîne jeunesse. Ce financement sera, par ailleurs, accru grâce à la progression mécanique induite par l’indexation de la redevance sur le coût de la vie et par le rétablissement de l’imposition des résidences secondaires. Les marges de manœuvre budgétaires ainsi dégagées seront prioritairement consacrées à l’innovation et au développement.

Libéré de la dépendance tant politique que financière dans laquelle Nicolas Sarkozy l’a plongé, l’audiovisuel public pourra à nouveau jouer pleinement son rôle historique de fédérateur de la société française au sein d’un paysage médiatique assaini par un cadre garantissant le pluralisme effectif des médias."

Fin de la citation du communiqué.

Notre commentaire

Nous sommes évidemment d’accord pour l’essentiel avec la teneur de ces propos, mais au-delà des paroles il y a les actes. Le parti socialiste se trouve donc maintenant au pied du mur et il a désormais tous les pouvoirs politiques pour mettre en œuvre ses dires.

Plus concrètement le pluralisme signifie que la dictature idéologique du libéralisme au travers les médias cesse. La quasi-totalité des journalistes et commentateurs en économie, en politique, en sociologie, en philosophie, etc. sont des libéraux qui diffusent leur idéologie sous de multiples formes adaptées à leurs multiples cibles. Nous n’insisterons pas ici sur ce conditionnement sophistiqué des esprits tous azimuts que nous avons analysé dans des articles précédents. La gravité de la crise du capitalisme mondial actuelle a pourtant montré l’absurdité et l’absence de tout fondement scientifique des thèses diffusées par ces gardiens du temple capitaliste. Il est temps que d’autres manières de penser puissent s’exprimer notamment celles qui n’acceptent pas le système économique tel qu’il est, y compris dans ses fondements.

Les porte-parole des organisations syndicales devraient trouver la place qui leur revient dans les médias. Ceux-ci n’ont de possibilité d’expression – du reste fort limitée - que lors de mouvements sociaux importants et sont présentés ainsi uniquement comme des porte-banderoles vociférant et n’étant capables que de protestation . Pourtant la vie syndicale est très loin de se réduire à quelques mouvements de rue et les organisations syndicales sont aussi des forces de propositions concrètes élaborées collectivement et démocratiquement notamment lors de leurs congrès nationaux. Cette parole collective est complètement bâillonnée. Il est temps que cette situation de censure qui tend à considérer les syndicalistes comme des "ennemis intérieurs" – j’exagère à peine – cesse, alors que le droit syndical est reconnu dans la constitution. On connaît le vocabulaire de l’anti syndicalisme chronique des grands médias : les syndicats sont corporatistes, archaïques, cramponnés à leurs "intérêts acquis", prisonniers de la "langue de bois", incapable d’accepter quelconque réforme (réformes qui sont en fait des régressions sociales), etc. Ces médias réactionnaires sont responsables en grande partie, avec le chantage à la peur de la perte d’emploi quand on est syndiqué dans le privé , du faible taux de syndicalisation existant dans notre pays. Ne pouvant plus cacher le déséquilibres considérable existant entre le pouvoir des actionnaires et celui des salariés au détriment de ces derniers , ces mêmes médias sont amenés parfois à verser des larmes de crocodile en déplorant la faiblesse des syndicats. alors qu’ils sont responsables en grande partie de cette situation.

Le gouvernement socialiste devrait prendre toutes les dispositions légales nécessaires pour que les médias qu’ils soient publics ou privés, audiovisuels ou écrits, donnent la place qui leur revient aux organisations syndicales.

En outre, il est incroyable de constater qu’il existe une multiplicité considérable de chaînes privées spécialisées et aussi de presses spécialisées, alors qu’il n’existe aucun média spécialisé dans la diffusion des informations syndicales et professionnelles sous responsabilités syndicales, hormis évidemment les revues syndicales publiées par chaque syndicat à l’attention de ses propres adhérents. L’information syndicale reste ainsi encapsulée dans chaque cercle de convaincus et n’est pas accessible en kiosques ou sur les grandes chaînes de radio-télévision.

Introduire le pluralisme dans les médias, c’est aussi permettre à des économistes du Front de gauche ou soutenant celui-ci (une quarantaine de professeurs d’université ont soutenu la candidature de Jean-Luc Mélenchon), ou encore développant des thèses semblables sur des points importants (je pense par exemple à Frédéric Lordon) de pouvoir s’exprimer en toute liberté et dans des proportions de temps et des conditions d’audience qui soient équitables.

François Hollande a fondé sa campagne sur le principe de la justice : qu’il applique ce principe dans le monde des médias à ceux-là mêmes qui ont permis son élection ! Ce serait alors faire preuve non seulement de justice mais de loyauté.

En fait le PS a un choix politique à faire : ou bien il laisse la situation en l’état avec un Front de gauche et des syndicats marginalisés et censurés, ou bien il réagit résolument contre cette situation antidémocratique qui n’est rien d’autre qu’une dictature idéologique du libéralisme.

Dans le premier cas, il choisit de faire alliance avec la droite contre le Front de gauche et contre les organisations des salariés ; dans le second cas, il choisit de faire alliance avec le Front de gauche et les organisations des travailleurs. Dans le premier cas, contrairement à une analyse stratégique erronée, on n’aboutira pas à terme à un bipartisme à l’américaine : l’UMP/PS transfuge de républicains/démocrates mais à une prise du pouvoir par le Front National. Le PS préfère-t-il le Front National au Front de gauche ? C’est dès maintenant qu’il doit se poser cette question et y répondre !

La question de l’information économique et statistique.

Pour que chaque citoyen, et chacun de ses représentants, puisse se faire une idée exacte sur différentes questions économiques et politiques , il est nécessaire que les différents instituts de statistiques et d’études économiques publics puissent diffuser une information économique fiable. Le calcul des revenus et des coûts, l’évaluation du partage salaires/profit au niveau de chaque entreprise et au niveau national, l’évaluation exacte du patrimoine global de chaque ménage, par exemple, constituent des questions extrêmement sensibles que les outils statistiques actuels ne permettent pas de réaliser d’une manière satisfaisante. Les gouvernements de droite successifs ont toujours voulu maintenir une opacité concernant certaines données statistiques dont une évaluation fiable mettrait en évidence des inégalités encore plus considérables dans les revenus et les patrimoines, pour ne prendre qu’un exemple parmi d’autres. Il appartient au gouvernement actuel, en concertation avec des économistes de différentes obédiences et en concertation avec les organisations syndicales, notamment des instituts de statistiques, de permettre la mise au point d’outils conceptuels et statistiques opérationnels pour améliorer les évaluations actuelles souvent très insuffisantes.

Hervé Debonrivage


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