Contre-budget du Parti de Gauche

samedi 24 novembre 2012.
 

2) Contre-budget du PG : un seuil de crédibilité (par Jean-Luc Mélenchon)

Pour vaincre la résignation c’est tout un traitement qui doit être appliqué. Parmi les remèdes figure en bonne place la preuve à donner qu’on peut faire autrement, que d’autres choix sont possibles et qu’ils sont réalistes, c’est-à-dire applicables. C’est ce que nous avons appelé, pendant toute la campagne présidentielle « la radicalité concrète ». Elle permet de franchir le seuil de crédibilité à partir duquel des gens décident de se mettre en mouvement, d’adhérer et de prendre leur part personnelle dans le combat commun. Agir de cette façon c’est aussi se préparer nous-même à faire face si les circonstances l’exigent. C’est dans cet état d’esprit que nous avons demandé à notre « chef économiste », Jacques Généreux et à Guillaume Etiévant, le président de la commission économique du Parti de Gauche, de préparer un « contre-budget ».

Au moment où le budget de l’Etat se discute au parlement, il nous paraissait essentiel d’aller plus loin que l’opposition ligne à ligne face au budget d’austérité du nouveau gouvernement qui se décidait. C’est la meilleure façon de montrer très concrètement à la fois que l’austérité n’est pas une fatalité et que nous savons comment gouverner autrement. Le budget d’austérité de Hollande et Ayrault pour 2013 n’est donc plus la seule solution qui existe. Une autre proposition budgétaire est désormais sur la table. C’est d’ailleurs la seule à ce jour. Bien sûr, vous n’en avez pas entendu parler sur TF1 et France 2, chez lesquels nous sommes interdits de journaux télévisés depuis l’élection de Hollande. C’est donc entièrement sur nous même que repose l’effort d’information. Je vous invite ainsi à diffuser largement ce contre-budget. Dans la semaine nous avons tenu neuf meetings dans le pays pour présenter ce projet. Les responsables nationaux du parti sont disponibles pour en tenir autant qu’il faudra. L’important est que le texte circule et que le nombre de ceux qui en partagent le contenu de façon consciente et éclairée aille en augmentant autour de nous.

Vous pouvez retrouver l’intégralité des mesures chiffrées de ce contre-budget dans la brochure complète de présentation qui est diffusée.

Mais je vous en dis ici quelques mots de présentation. Ils peuvent d’ailleurs vous servir si vous prévoyez d’organiser une réunion avec des amis sur le sujet. Ce contre-budget décline concrètement notre programme « L’Humain d’abord ». Il s’appuie sur une solide analyse macro-économique que Jacques Généreux a rappelée pour l’occasion. Vous en aviez eu l’essentiel dans l’appel des 120 économistes contre le Traité TSCG et l’austérité. L’austérité mènera à la catastrophe en France comme elle y mène déjà en Grèce, en Espagne et au Portugal. Nous proposons au contraire un budget de relance de l’activité. Il s’appuie sur deux puissants moteurs : l’investissement public et le partage des richesses. Notre budget est robuste et réaliste. D’ailleurs il « rapporte » plus qu’il ne coûte. Il permettrait ainsi de stopper la spirale d’appauvrissement de l’Etat. Nous proposons d’ailleurs d’économiser 20 milliards d’euros dès 2013 sur les intérêts de la dette qui s’élèvent à 47 milliards d’euros au total. C’est possible en faisant acheter des obligations d’Etat à taux très réduits au Pôle financier public dont nous proposons la création. Les banques publiques du Pôle pouvant ensuite se refinancer autant que de besoin auprès de la BCE. Nous pourrions ainsi rompre concrètement et rapidement l’actuel circuit absurde de la dette publique payée au prix fort aux banques privées.

Au total notre budget prévoit 130 milliards de ressources nouvelles. Cela représente une hausse du taux de prélèvement obligatoires de 5 points de la richesse nationale. Ce taux passerait à 49% de la richesse. Comme au Danemark. Nous l’assumons. Cette hausse serait bénéfique à l’économie car elle est concentrée sur les montagnes d’argent qui dort aujourd’hui dans le pays. Alors que les banques sont gorgées d’argent par la BCE et les Etats et que les actionnaires font exploser leurs dividendes, cet argent ne se retrouve nulle part dans l’économie réelle. Ni dans les poches des ménages, via les salaires, ni dans l’investissement productif qui est au point mort. Notre budget prend cet argent qui dort pour le réinjecter utilement dans l’économie. Je vous en donne quelques exemples. Nous proposons de supprimer les niches fiscales sans utilité économique, sociale ou écologique pour 42 milliards sur 62 milliards de niches au total. Seraient également supprimées les exonérations de cotisations sociales qui ont montré leur inefficacité, à hauteur de 20 milliards sur la trentaine de milliards d’exonérations. Nous proposons un véritable impôt sur le revenu à 14 tranches et un revenu maximum avec tranche à 100 % au-delà de 20 fois le revenu médian. Nous considérons qu’au-delà de 20 fois ce que gagnent la moitié des Français, l’accumulation de revenus par une même personne n’a plus d’utilité sociale et économique. Notre impôt sur le revenu taxerait effectivement les revenus du capital comme ceux du travail. Au total, il rapporterait 20 milliards d’euros supplémentaires. Nous proposons aussi une TVA à 33% sur les produis de luxe et une surtaxe des hautes transactions immobilières qui rapporteraient 9 milliards au total. Autre mesure importante, elle concerne la lutte renforcée contre la fraude et l’évasion fiscale. Cela permettrait de récupérer 7 milliards d’euros dés 2013 sur les 25 milliards de fraude actuellement estimés.

Ces recettes permettraient de financer 100 milliards d’euros de dépenses nouvelles dés 2013 au service du progrès social et écologique. Nous proposons d’augmenter de 20% les investissements publics pour enclencher la planification écologique. Cela serait possible en doublant les dotations d’investissements aux collectivités locales. Car ce moteur principal de l’investissement public est aujourd’hui mis à l’arrêt par le gouvernement. Ces moyens nouveaux permettraient aux collectivités d’agir dans le plan massif d’investissement pour les énergies renouvelables que nous voulons doter de 9 milliards d’euros de moyens nouveaux de l’Etat. Nous voulons également affecter 2,5 milliards pour permettre la mise aux normes énergétiques de 700 000 logements et bâtiments publics. Et investir 1,9 milliards d’euros dans le développement des transports ferroviaires, fluviaux et côtiers. L’autre grand axe de notre plan d’investissement public concerne le logement. Le but est de financer la construction de 200 000 logements sociaux par an, comme dit et répété pendant la campagne électorale.

Notre contre-budget place aussi l’éducation et la culture en tête. 14,9 milliards sont mobilisés au total dès 2013. Nous pourrions ainsi financer la scolarité obligatoire de 3 à 18 ans, la relance de l’enseignement professionnel public et la hausse des bourses. Nous créerions aussi 5 000 postes pour l’enseignement supérieur et la recherche en réalisant la première tranche d’un plan de doublement de ce budget en 5 ans. Nous financerions aussi la mise en place d’un véritable service public de la petite enfance avec la création de 100 000 places en crèches. Enfin nous porterions le budget de la culture à hauteur de 1,5 % du budget de l’Etat, là où il est redescendu aujourd’hui en dessous du fameux seuil de 1 % qu’il avait atteint sous Lionel Jospin.

Comme le but économique de ce contre-budget est la relance de l’activité, il prévoit de soutenir aussi fortement le pouvoir d’achat populaire. Grâce au Pôle financier public, la hausse du SMIC à 1 700 euros bruts ne mettrait pas en péril les entreprises. Notamment les plus petites qui retrouveraient des marges de manœuvre en trésorerie qui leur font aujourd’hui cruellement défaut. Nous augmenterions fortement les minimas sociaux pour les relever au dessus du seuil de pauvreté et les indexer à l’avenir sur le SMIC. Enfin nous revaloriserions le point d’indice des fonctionnaires pour rattraper la perte de pouvoir d’achat accumulée depuis 2000. Et nous titulariserions les 800 000 précaires de la fonction publique. Une mesure qui ne coûte rien la première année. Cela permettrait même d’économiser dans un premier temps les dépenses récurrentes de gestion et recrutement de non titulaires ainsi que la couverture chômage que l’Etat paye quand il se débarrasse périodiquement des précaires.

1) Contre-budget du Parti de Gauche (éditorial national du PG)

- Une autre logique : à bas l’austérité
- Relancer l’activité et faire reculer le chômage
- Soutenir le pouvoir d’achat populaire
- Taxer la rente plutôt que le travail
- Un budget qui dépense pour l’Humain d’abord

« There is no alternative » est l’attitude adoptée par le gouvernement Ayrault, incapable de répondre à l’urgence de la crise actuelle. Dans la lignée de Schröder, Zapatero et Papandréou, la majorité PS-EELV reprend les recettes injustes et inefficaces de la social-démocratie européenne : hausse de la TVA, baisse de la dépense publique et des investissements, réformes favorables au capital et non aux salaires, absence de transition énergétique à la hauteur des enjeux écologiques, etc. Or une autre logique est possible ! Le contre-budget présenté par le PG le démontre. Le partage des richesses et l’investissement public pour la planification écologique y sont les moyens d’une relance de l’activité et de l’assainissement des finances publiques.

Une autre logique : à bas l’austérité

Alors que le gouvernement baisse les bras face à la finance et laisse se multiplier les plans sociaux, le contre-budget du PG prévoit la création d’un pôle financier public, via la nationalisation des activités de dépôt des banques privées. Cela permettrait d’investir massivement pour relancer l’activité et notamment aider les salariés à préempter les usines menacées de fermeture ou sauver la sidérurgie française en nationalisant Arcelor Mittal. En parallèle, nous obligerions les entreprises qui licencient malgré une activité viable à rembourser les aides publiques. Celles-ci seraient aussi strictement conditionnées à des critères sociaux et écologiques de relocalisation.

À l’opposé de l’absurde règle d’or, du dogme de la croissance infinie, nous proposons de suivre la règle verte en impulsant une planification écologique, avec des investissements massifs pour la conversion écologique de l’outil productif, des circuits de distribution et de consommation.

Relancer l’activité et faire reculer le chômage

Nous relevons donc le défi de mieux répartir la fabuleuse richesse créée par le travail des salariés pour la réaffecter aux usages les plus utiles au progrès écologique et social. Notre contre-budget 2013 s’émancipe ainsi de la pensée unique, réunissant PS et UMP, qui, sous prétexte de réduire les déficits, impose une cure d’austérité sans précédent au peuple. Nous misons au contraire sur la relance de l’activité pour attaquer le chômage.

Notre budget instaure donc immédiatement une dynamique macroéconomique favorable à l’emploi et aux productifs plutôt qu’aux spéculateurs. Il est accompagné d’une nouvelle politique du financement des entreprises, et notamment des facilités de crédit pour les PME permettant de soulager leur trésorerie. Un exemple très concret : une PME de 100 salariés qui investit 6 millions d’euros en empruntant à taux très bas proche de zéro grâce à un pôle financier public économiserait jusqu’à 341 euros par mois et par salarié par rapport à un prêt à 8 %. Cela correspond environ au montant de l’augmentation du SMIC à 1 700 euros bruts.

Soutenir le pouvoir d’achat populaire

Le contre budget du PG permet de soutenir la demande intérieure par une hausse du pouvoir d’achat et une redistribution des revenus :

- hausse du SMIC à 1 700 euros bruts,

- relèvement du traitement des fonctionnaires pour rattraper les pertes de pouvoir d’achat depuis 2000,

- hausse des minimas sociaux au dessus du seuil de pauvreté.

Au service de l’emploi, notre budget soutient aussi la redistribution des heures travaillées grâce au retour à la retraite à 60 ans, à l’application réelle des 35h et à la refiscalisation des heures supplémentaires. Une amélioration des conditions de travail financée par la suppression des exonérations de cotisations inefficaces (20 milliards sur 28) et la taxation des revenus financiers des entreprises.

Taxer la rente plutôt que le travail

Notre budget fait le choix du travail contre la rente. Il est conçu pour le peuple et non sous la dictée des « experts », des lobbies et de l’Union européenne. À mille lieux des préconisations de l’aberrant rapport Gallois et des exigences du MEDEF, nous proposons de prendre l’argent là où il dort pour le dépenser utilement :

Quand 85% des réductions d’impôts profitent aux 10% les plus riches, nous arrêterions les gaspillages : toutes les mesures fiscales injustes de la droite que le gouvernement Ayrault pérennise seraient supprimées. Refusant la pression du patronat, la « niche Copé » sur les plus-values de cession serait supprimée ainsi que la totalité des niches fiscales sans utilité économique, sociale ou écologique réelle. 42 Mds € seraient ainsi récupérés dès la première année.

Là où le pouvoir en place se contente de surtaxer les revenus d’activité supérieurs à 1 million d’euros à 75% en exonérant les revenus du capital, nous proposons une réforme complète de l’impôt sur le revenu afin de le rendre plus progressif (14 tranches ; un revenu maximum établi à 20 fois le revenu médian) et plus juste (suppression du prélèvement libératoire, réintégration des revenus du capital et concentration des hausses sur les très hauts revenus). 20 Mds € supplémentaires seraient ainsi récupérés par an, soit au moins vingt fois plus que la réforme de l’impôt sur le revenu du gouvernement Ayrault.

Au lieu d’augmenter aveuglément la TVA, impôt le plus injuste qui soit, pour reprendre 7 milliards à tous les Français, nous ciblerions les consommations nocives et inefficaces en récupérant 9,1 milliards via une TVA à 33% sur le luxe et l’imposition des hautes transactions immobilières. La révolution fiscale permettra ainsi de transformer le modèle de production en s’attaquant aux nuisances sociales et écologiques de toutes sortes : exploitation, spéculation, pollution, publicité, …

Un budget qui rapporte plus qu’il ne coûte

Dès la première année, les ressources nouvelles prévues dans le contre budget du PG s’élèvent au total à plus de 130 milliards d’euros. Ces marges de manœuvres permettraient de financer 100 milliards d’euros de dépenses nouvelles dés 2013 au service du progrès social et écologique. Comme le programme l’Humain d’abord, notre budget rapporte plus qu’il ne coûte. Il permettrait donc de stopper la spirale d’appauvrissement de l’Etat et de réduire effectivement la dépendance du pays face à la dette et aux marchés financiers.

Nous proposons d’ailleurs d’économiser 20 mds d’euros dès 2013 sur les intérêts de la dette (47 mds d’euros au total). C’est possible en faisant acheter par notre pôle financier public des obligations d’Etat à taux très réduits. Les banques publiques du pôle pouvant ensuite se refinancer auprès de la BCE pour rompre l’actuel circuit absurde de la dette publique vendue au prix fort aux banques privées.

Un budget qui dépense pour l’Humain d’abord

Nous mettrions en place les investissements écosocialistes qui s’imposent dont 55 Mds € pour partager les richesses et abolir l’insécurité sociale. 16 Mds € seraient aussi affectés en 2013 au financement de la planification écologique et pour donner la priorité à une agriculture paysanne saine. Nous stopperions l’aberrant projet de l’aéroport de Notre-Dame des Landes et investirions plus de 16 Mds d’euros dans des projets utiles socialement et écologiquement soutenables : création d’un pôle public de l’énergie, investissement dans les énergies renouvelables, sortie du nucléaire, plan pour le transport ferroviaire, etc. Un budget de gauche choisit l’émancipation humaine plutôt que les intérêts financiers des puissants : nous investirions donc massivement dans l’éducation, la recherche, la culture et l’éducation populaire à hauteur de 15 Mds d’euros de dépenses nouvelles. Nous donnerions des moyens pour la justice, l’égalité entre les territoires et les quartiers populaires et ainsi œuvrer pour une 6ème République à la hauteur de la devise Liberté, Égalité, Fraternité, capable de faire progresser la paix dans le monde et construire une défense souveraine et altermondialiste (4 Mds €).

Quelques mesures chiffrées

Plan d’urgence pour le logement, pour financer notamment 200 000 nouveaux logements sociaux par an : - 32 Mds €

Revalorisation du point d’indice des fonctionnaires pour remédier au décrochage constaté depuis 2000 : - 11,4 Mds €

Doublement en 5 ans de l’utilisation des énergies renouvelables : - 9 Mds €

Doublement du budget de l’enseignement supérieur et la recherche sur 5 ans, création de 5000 postes d’enseignants-chercheurs et d’agents techniques : - 4,6 Mds €

Scolarité obligatoire de 3 à 18 ans : - 3 Mds €

Multiplication des moyens de la justice par 4 sur 5 ans : - 2,7 Mds €

Plan national de remise aux normes énergétiques de 700 000 logements et bâtiments publics : - 2,5 Mds €

Mise en place d’un service public de la petite enfance (création de 100.000 places en crèche) et renforcement des moyens de la protection de l’enfance : - 2,3 Mds €

Arrêt des reconduites à la frontière des sans-papiers : économie de 0,5 Md €

Sortie du traité de l’Atlantique Nord et arrêt de la participation aux opérations OTAN : économie de 0,5 Md €

Un budget d’intérêt général

Contrairement au budget austéritaire de Jean-Marc Ayrault, le nôtre est juste et efficace économiquement. Il permettrait une sortie de crise par la relance de l’activité et la planification écologique. La réforme fiscale radicale que nous proposons entraînerait une hausse soutenable du taux de prélèvements obligatoires de 45 à 49% de la richesse produite (soit le niveau du Danemark par exemple). En se concentrant sur les hauts revenus et le capital, ce contre-budget permettrait de rendre au travail, à l’économie réelle et au peuple 7,5% de la richesse créée, en la reprenant au capital.

Boris Bilia et Damien Prat


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