Alerte ! Pillage d’un autre fleuron français : Alcatel

dimanche 30 décembre 2012.
 

Je ne voudrais pas que le prétendu accord signé par le gouvernement avec Mittal masque sa lamentable et honteuse capitulation dans les dossiers EADS et Sanofi. Et surtout la honte totale de ce qui se passe avec Alcatel-Lucent. On y retrouve Goldman Sachs, les patrons nord-américains, la veulerie des responsables français et l’inertie du gouvernement.

Alcatel est la première entreprise française en matière d’équipements de télécommunications. Héritière de la Compagnie générale d’Electricité, elle était le leader historique mondial en matière d’infrastructures de communication numérique (ADSL etc.) et de réseaux optiques. Beaucoup d’entre vous ont lu, j’en suis certain, ici où là, des informations qui leur ont appris la menace sur 1400 emplois. D’autant plus dramatique qu’il s’agit, comme dans le cas de Sanofi ou de PSA, une fois de plus du potentiel vivant de Recherche et Développement. Mais l’entreprise est aussi menacée dans son patrimoine technologique. C’est aussi celui de notre pays. Il s’agit des 29 000 brevets que détient Alcatel. Ils sont le fruit des dizaines d’années de recherches et d’investissements publics. Menacé de cessation de paiement, Alcatel a négocié une ligne de crédit de 1,6 milliards auprès d’un consortium de banques. Et pas n’importe quelles banques. L’opération est pilotée par le rapace Goldman Sachs, lourdement impliqué dans la crise grecque et, d’une façon générale dans de nombreuses très mauvaises actions. Elle est en bonne compagnie dans ce syndicat de la cupidité car il y a aussi la banque Crédit Suisse, experte en évasion fiscale. Les contreparties mise en gage par Alcatel pour son prêt sont inouïe.

Les banquiers vautours ont en effet pris en garantie hypothécaire la totalité du portefeuille de brevets. Ils ont aussi obtenu que pour équilibrer ses comptes le groupe s’engage à se dessaisir d’actifs. Notamment la perle de la couronne, l’activité de câbles optiques sous-marins. Ce sont là les deux segments les plus précieux du groupe puisque leur valeur représenterait 5 milliards d’euros. Et aussi les plus stratégiques pour la France. Car le câblage sous-marin conditionne une grande partie de nos communications avec le reste du monde. Cet accord a été signé vendredi. Il est engageant pour Alcatel mais doit être définitivement scellé d’ici un mois. Alcatel peut néanmoins encore en sortir, au prix de pénalités négociables. Mais à ce stade, l’action du gouvernement reste invisible. Or si rien n’est fait pour inverser cette logique, Alcatel risque de nouveaux incidents de paiements. Ils permettront alors à Goldman Sachs d’empocher les brevets sans aucun effort. C’est fait pour. Et comme Goldman Sachs est expert en manipulations de marché, on peut être sûr qu’elle fera tout pour qu’Alcatel ne redresse pas la tête. Exactement comme elle l’avait fait avec la Grèce en l’aidant à maquiller ses comptes puis en spéculant sur son défaut par l’intermédiaire des fameux CDS.

Il est fascinant de voir comment ce coup de force financier a été rendu possible par une mutation interne de la direction d’entreprise. Vous ne le savez peut-être pas si vous n’avez pas prêté attention à cette lutte, le plan de restructuration d’Alcatel organise le déménagement de ses activités de l’Europe vers les USA. C’est le fruit de la fusion calamiteuse d’Alcatel avec l’américain Lucent en 2006. A l’époque Alcatel était numéro 2 mondial de l’équipement Télécom. Avec 60 % dans le nouveau groupe, Alcatel avait théoriquement les moyens de conserver un potentiel productif de qualité en Europe et en France. Mais c’était sans compter avec des politiques économiques radicalement différentes en Europe et aux USA. Six ans plus tard, l’activité en Europe et en France s’est effondrée. Le groupe repose principalement sur son activité aux USA. Pourquoi ? L’Europe a totalement ouvert ses frontières. Se sont engouffrés dans les portes grandes ouvertes les équipements du chinois Huawei, entreprise stratégique dont le 1er actionnaire est l’armée chinoise. Portes grandes ouvertes mais mains liées. C’est « l’Europe qui protège » qui organise ce rapt. Car la Commission européenne interdit toute clause de localisation de la production dans les commandes non seulement aux opérateurs de téléphone européens mais aussi à ceux des Etats eux-mêmes. La situation est très différente aux USA où les commandes d’ATT et Verizon comportent des clauses de production sur le territoire des Etats-Unis. C’est par exemple le cas pour tout l’équipement en norme 4G des USA. Grâce à cette politique de souveraineté productive états-unienne, le potentiel d’Alcatel a été préservé aux USA. Et vidé de sa substance en Europe.

Le plan actuel de restructuration accélère ce glissement au profit des nord-américains. La direction financière est déjà tenue par un américain. Le directeur des ventes Amérique vient de prendre la direction des ventes mondiales, désormais pilotées depuis le Texas. Et la Recherche et Développement est désormais contrôlée depuis le New-Jersey et la Californie. Dans le reste de l’encadrement du groupe, les ingénieurs français sont systématiquement écartés. A la tête du groupe, le français Philippe Camus fait seulement illusion. Ancien directeur financier de Lagardère, il vit désormais aussi aux Etats-Unis. La France est donc en train de finir de se faire voler son fleuron de l’équipement télécom.

Face à ce pillage, le gouvernement ne fait rien de stratégique. Il bricole dans sa posture désormais habituelle de pompier des licenciements. Il négocierait une réduction du périmètre des actifs promis à Goldman Sachs. Et il explorerait la piste de rachats d’actifs par France Télécom. C’est-à-dire de couper encore des membres à Alcatel pour lui donner de la trésorerie. Mais sans assurer nullement son développement, ni la capacité de maîtrise technologique et d’innovation du pays. Pourtant des solutions simples existent. D’abord un véritable pôle financier public permettrait à Alcatel de trouver des lignes de trésorerie sans se jeter dans les bras de Goldman Sachs. Sans véritable moyens nouveaux de financements par rapport à l’existant, la BPI créée par le gouvernement risque à l’inverse de n’être d’aucun secours. La deuxième arme est la nationalisation partielle. Alcatel ne vaut plus que 2 milliards en bourse. Il suffirait donc à l’Etat d’acheter entre 500 millions et 1 milliard d’action pour reprendre le contrôle de l’entreprise. Et empêcher son naufrage en commençant par sauver les 9 000 emplois français. Et à sécuriser les brevets comme patrimoine de la Nation.


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