"Les privilèges finiront, le peuple est éternel" Mirabeau, 1789

jeudi 1er février 2007.
 

Les révolutions ont besoin de grandes gueules pour brusquer les évènements et de tribuns éloquents pour hausser ces évènements à la hauteur de l’épopée humaine. Mirabeau possédait ces deux qualités ; aussi, la tradition républicaine révolutionnaire française (dont ses manuels scolaires) faisait de lui l’icône incontournable d’une année éclatante : 1789.

1) Mirabeau, une vie courte et passionnée

Honoré Gabriel de Mirabeau, était le cinquième enfant de Victor Riquetti, marquis de Mirabeau, qui n’eut jamais d’affection pour lui et le décrivait à son frère comme aussi laid que Satan. Est-ce en raison de sa « laideur grandiose et fulgurante » (Victor Hugo), de son pied tordu, de ses deux grandes dents, de sa tête énorme, de la petite vérole mal soignée qu’il contracta à l’âge de 3 ans et lui laissa des cicatrices sur tout le visage ?

Etudiant, il se complaît dans le libertinage et contracte des dettes. Son père le fait enfermer dans l’île de Ré puis pense le cadrer dans l’armée, le mariage. En vain. Le 23 septembre 1774, le voilà prisonnier dans la forteresse de l’île d’If suite à une querelle. Son père le fait ensuite enfermer au fort de Joux dans le Jura. Il s’enfuit en Hollande avec Sophie de Ruffey, épouse du marquis de Monnier, président de la cour des comptes de Dole qu’il avait rencontré lors de sorties autorisées.

Il se venge de ces condamnations et emprisonnements en écrivant son essai sur le despotisme qui provoque définitivement la fureur de son père. En Hollande, il vit de traductions,

Poursuivi par la police royale, condamné à mort par contumace, caché sous le nom de Saint Mathieu, saisi sur lettre de cachet, emprisonné au donjon de Vincennes de 1777 à 1780, il en profite pour écrire son Essai sur les lettres de cachet et sur les prisons d’État. Toute son émotion passe dans ses fameuses Lettres à Sophie mais celle-ci se console déjà auprès d’un autre coeur.

Aussitôt sorti de prison, il perd un procès contre sa épouse "légitime", part pour l’Angleterre puis la Prusse où il révèle ses talents d’espion.

Heureusement, la Révolution française arrive. Mirabeau va enfin prouver de quoi il est capable.

2) Mirabeau, icône incontournable d’une année éclatante : 1789

Lorsque la noblesse et le haut clergé tentent d’empêcher le processus d’élections aux Etats Généraux, qui les menace du fantôme de la grève générale dès janvier 1789 ? Mirabeau lors des Etats de Provence : « Prenez garde, dit-il aux privilégiés, à tous les gentilshommes et hobereaux qui veulent tenir en tutelle la classe productive. Prenez garde : ne dédaignez pas ce peuple qui produit tout, ce peuple qui pour être formidable n’aurait qu’à être immobile. »

Elu député par le Tiers-état, qui a l’idée de sortir un journal pour rendre compte au peuple de ce qui se passe aux Etats généraux ? Mirabeau, dès le premier jour (5 mai 1789). Un arrêt du Conseil d’état interdit toute espèce de journaux sans autorisation expresse le 6 mai ; le lendemain, c’est le Courrier de Provence, édité par Mirabeau qui est saisi. Celui-ci ne se décourage pas et commence quelques jours plus tard à publier "Lettres à mes commettants".

Les 16, 17 et 18 juin, Mirabeau contribue largement avec Sieyès à donner une crédibilité à l’Assemblée nationale

Le 23 juin 1789, Louis XVI masse des troupes autour de l’Assemblée nationale, interdit aux trois Ordres de se réunir dorénavant en commun, casse toutes les décisions prises jusqu’à ce moment par le Tiers, ordonne l’évacuation de la salle. Les gardes avancent pour imposer une dispersion immédiate. Mirabeau fait front avec aplomb et tance le marquis de Dreux-Brézé impressionné : "Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes !" Ce n’est pas exactement ce qu’il a dit, chuchotent les pisse-froid. Qu’importe ! les soldats du roi n’osent pas le tuer, des courageux l’entourent et le roi temporisent « Eh bien, s’ils ne veulent pas s’en aller, qu’ils restent ! » Les rapports de force d’une révolution se jouent souvent ainsi.

En août 1789, il apporte toute sa réflexion à l’élaboration de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Le 26 septembre 1789, face à l’impasse de la dette publique, Mirabeau fait une proposition qui met les privilégiés sur la défensive : « Deux siècles de déprédations et de brigandages ont creusé le gouffre où le royaume est près de s’engloutir. Il faut le combler, ce gouffre effroyable. Eh bien ! voici la liste des propriétaires français. Choisissez parmi les plus riches, afin de sacrifier moins de citoyens. Mais choisissez ; car ne faut-il pas qu’un petit nombre périsse pour sauver la masse du peuple ?Allons, ces deux mille notables possèdent de quoi combler le déficit. »

Le 6 octobre, la Cour l’accuse d’avoir fomenté l’émeute populaire parisienne.

Le 2 novembre 1789, l’Assemblée vote majoritairement le projet Mirabeau-Talleyrand : « L’Assemblée nationale décrète Que tous les biens ecclésiastiques sont à la disposition de la nation... »

3) Mirabeau, éloquent tribun

" L’éloquence, cette puissance toute personnelle ; ce mouvement spontané qui vient de l’âme... l’éloquence qui est bien plus qu’un livre, bien plus qu’un drame ; l’éloquence dont la partie écrite n’est que la moitié et la plus mauvaise moitié encore ! L’éloquence qui se compose du geste, du cri, de la voix, de l’âme, du coeur, du visage, du regard, venez donc prendre quelque chose à ce tonnerre qui éclate !"

La lecture des philosophes (dont Locke) « devait lui révéler de bonne heure cette logique pressante et irrésistible dont tous ses écrits portent l’empreinte et qui est la source de la véritable éloquence.

Mémoires biographiques, littéraires et politiques de Mirabeau Volume 8, 1821.

Wikipedia fait de lui "le premier symbole de l’éloquence parlementaire en France". L’assistant de Mirabeau avait déjà répondu sous la Restauration : « Nous avons pitié de ses hommes qui crient en fausset : Nous sommes Mirabeau ! Nous avons pitié de ces pulmoniques qui grossissent leur voix et qui disent Nous sommes Mirabeau ! Citoyens, si vous avez du coeur, soufflez sur ces pâles figures... qu’on vous donne pour le visage de Mirabeau ! Nous avons encore empreinte dans notre coeur l’âme du tribun qu’ils dépouillent car nos pères entendent encore sa formidable voix, car sa parole domine encore toutes les paroles de nos Assemblées ».

4) Pour conclure

Mirabeau meurt le 2 avril 1791, à l’âge de 42 ans, probablement empoisonné.

http://books.google.fr/books?id=lho...

http://gallica.bnf.fr/ark :/12148/bp...


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