CHYPRE dans l’enfer de l’austérité imposée par la troïka

vendredi 22 mars 2013.
 

1) La troïka fait les poches des citoyens de Chypre

Le Parlement de Chypre votera ce lundi le plan d’aide européen. En échange de 10 milliards d’euros de prêt, Nicosie doit instaurer une taxe sur les dépôts bancaires. C’est la première conséquence du retour de la droite au pouvoir.

L’Union européenne (UE) instaure un impôt sur le patrimoine… des Chypriotes modestes. Tous les comptes en banque des résidents à Chypre devraient être taxés. À 6,75 % pour les dépôts inférieurs à 100 000 euros. À 9,9 % au-delà. Ces mesures, si elles sont validées lundi 18 mars par le Parlement, pourraient être la conséquence de l’accord trouvé dans la nuit de vendredi à samedi entre les ministres de l’Économie de la zone euro (Eurogroupe), en coordination avec le Fonds monétaire international et la Banque centrale européenne.

Elles sont la contrepartie exigée par les Européens pour que Chypre obtienne 10 milliards d’euros de prêt. Bien moins que les 17 milliards d’euros attendus par Nicosie. Ce prélèvement sur les comptes bancaire devrait rapporter 5,8 milliards d’euros  : autant de moins à verser pour les fonds de secours européens.

Par ailleurs, un prélèvement à la source sur les intérêts sera réalisé. Selon le ministre des Finances, Michalis Sarris, les taxes sur le capital et les intérêts des dépôts seraient compensées par la distribution d’actions… Alors que le système bancaire chypriote, vérolé, doit être restructuré.

Car, c’est de ce dernier que vient le problème. Ses avoirs pèsent huit fois le PIB de Chypre. Les banques de l’île possédaient nombre de titres de dette grecque. Or une partie de cette dette a été annulée. Nicosie est victime de cet effacement. La dépréciation des bons du Trésor hellène représente 4,5 milliards d’euros pour les banques chypriotes, aujourd’hui en crise et qui se retournent maintenant vers l’État. S’il laisse une banque faire faillite, celui-ci aura à garantir les dépôts à hauteur de 100 000 euros pour respecter les directives européennes. Cela pousserait le pays à une quasi-faillite.

« J’ai travaillé des années pour mettre cet argent de côté et maintenant, je le perds parce que les Néerlandais et les Allemands en ont décidé ainsi. Cela ne touche pas les Russes », se plaignait Andy Georgiou, samedi. 37 % des sommes déposées à Chypre le sont par des non-résidents, notamment russes.

« C’est du vol  ! » confiait à l’AFP, Kyriakos, un trentenaire, samedi, qui, comme des dizaines d’autres Chypriotes, retirait de l’argent de son compte. Le Parlement doit voter l’accord avant l’ouverture des banques, mardi. Sinon, leurs coffres vont se vider.

Article de L’Humanité

Chypre : le triple avertissement (par Paul Jorion)

Un triple avertissement est adressé par Chypre aux gens suffisamment nantis pour avoir un compte en banque, ce qui représente encore Dieu merci, un nombre significatif d’entre eux dans les pays où l’on a pris l’habitude de me lire. (par Paul Jorion)

Le premier avertissement est adressé aux personnes ayant un compte en banque dans un pays de la zone euro. Il dit ceci : « On vous avait dit que les premiers 100.000 euros étaient protégés contre toute perte possible, eh bien on s’était trompé (ça arrive !), on voulait dire, les premiers 93.250 [100.000 - (6,75% x 100.000)], 6,75% étant le niveau de la « taxe exceptionnelle » de restructuration de la dette cypriote ». Et ce premier avertissement se poursuit de la manière suivante : « Quant aux sommes dont vous disposiez en plus et dont il vous reste encore 90,1% (100% – 9,9%), de quoi osez-vous plaindre puisqu’à leur sujet, on ne vous avait rien promis du tout ! »

Le deuxième avertissement s’adresse aux « non-résidents » qui placent leur argent dans un paradis fiscal, parce que Chypre est un paradis fiscal (je ne vais pas vous expliquer cette fois-ci pourquoi – essentiellement parce qu’il est 3h20 du matin) : « Oui, on dit : « paradis » mais c’est une expression, il ne faut pas prendre cela au pied de la lettre, c’est d’ailleurs une mauvaise traduction de l’anglais « haven », qui veut dire « port » mais qu’un Français qui croyait comprendre l’anglais (ne riez pas : il sont très nombreux !) a un jour confondu avec « heaven », qui est lui le vrai mot pour paradis. En fait, il faudrait dire « centre financier international », ce qui signifie simplement que même s’il y a des élections de temps en temps, le pays est dirigé en réalité par le club de golf et le yacht club où l’on n’accepte que des juristes et des comptables passés par des Bizness Schools très bien notées. Eh bien, la finance n’est plus ce qu’elle était, vous avez dû lire cela dans les journaux : pour une personne honnête comme vous, on compte aujourd’hui un nombre étonnant de filous, et nous sommes désormais obligés, à notre très grand regret, d’en tenir compte ! ».

Le troisième avertissement s’adresse à tous les habitants de la zone euro dont le pays dont ils sont les citoyens est un paradis fiscal, oups ! un « centre financier international » et je ne pense pas bien entendu ici seulement aux Cypriotes mais à ceux d’un certain nombre d’autres pays ou de parties de pays (dont je ne dresserai pas la liste parce qu’il est 3h20 du matin et que je ne veux en plus me fâcher avec personne), et cet avertissement, c’est celui-ci : « Vous avez jusqu’ici été très satisfait que dans votre ville, les rues soient propres et les nids-de-poule rapidement bouchés et que dans les parcs, les pelouses soient bien arrosées et vous vous êtes souvent dit : « Savoir pourquoi exactement c’est comme cela, ce n’est pas mon bizness ! À chacun son métier ! » Mais quand vous vous réveillez un matin pour constater que tout euro dans votre compte en banque ne vaut plus que 93,25 centimes, vous ne devriez pas vous en étonner : la richesse dans vos banques, ce sont essentiellement des reconnaissances de dette et, quand tout va bien, une reconnaissance de dette, cela vaut effectivement le chiffre qui est écrit dessus, mais quand tout ne va pas aussi bien, cela ne vaut plus qu’une somme dont le montant se situe quelque part entre le chiffre qui est écrit dessus et zéro. Et c’est exactement cela qui pourrait arriver à votre argent à vous : quand vous l’avez mis à la banque (quand vous le lui avez prêté), la banque vous a donné en échange un relevé, qui n’est rien d’autre qu’une reconnaissance de dette, et le jour où vous voudrez aller rechercher votre argent elle vous dira peut-être : « Ceci est la somme que vous m’avez prêtée et celle-là (d’un montant malheureusement plus réduit) est celle que je peux vous rendre, parce que, hélas, tous ceux qui m’avaient promis à moi de me rembourser, ne l’ont pas fait, ce n’est pas plus compliqué que cela ! Les temps sont durs, mon bon Monsieur ! Et… bonjour chez vous ! »

Paul Jorion


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