La droite et le PS coulent en bande organisée

mardi 23 avril 2013.
 

Ce qui reste de parole organisée au PS cogne sans retenue, évidemment pour dénoncer mes « outrances », sans jamais dire lesquelles, et m’accuser, en toute modération, de toutes les horreurs qui leur passent par la tête. Ainsi le sieur Thierry Mandon ! Il félicite les manifestations hostiles au « mariage pour tous » mais n’hésite pas à dire que la marche du 5 mai est la « honte de la gauche » qui « rappelle les manifestations anti-parlementaires des ligues fascistes de 1934 ». En toute modération cela va de soi. Mais si pénible que cela soit, tout cela est périphérique. Le cœur de la situation c’est le blocage progressif du système politique de la Cinquième République.

L’agonie des institutions s’accélère et devient d’autant plus douloureuse que les partis qui la dominent sont eux-mêmes en convulsion permanente. Dans ce contexte, le prix du Rantanplan de droite revient naturellement à François Fillon venu raconter son patrimoine pour contraindre Copé à en faire autant, dans l’espoir de discréditer ce dernier. C’est à peine mieux que Désir et son référendum proposé pour passer pour un stratège face à son rival Jean-Christophe Cambadélis. Le tir de barrage contre l’austérité venu de Duflot, Hamon et Montebourg en dit long sur le fait qu’il n’y a pas « une seule ligne » au gouvernement contrairement a ce que raconte Ayrault. Il y a en a deux et il en va de même dans le groupe socialiste à l’Assemblée. Pour ne rien dire de la majorité prise dans son ensemble. Car il ne s’est pas trouvé un seul député EELV pour voter l’accord « made in Medef », en plus des vingt députés PS qui ont également refusé de le faire ou qui ont voté contre. Il y a même un PRG ! Au total 74 députés de gauche ont refusé leur appui au gouvernement dans la circonstance ! Lequel a achevé d’humilier la représentation nationale et tous les naïfs qui avaient prétendus obtenir des garanties grâce à leurs amendements. En effet, au dernier moment, le ministre a demandé une « seconde lecture », c’est-à-dire un vote d’un bloc sur l’ensemble du texte tel que présenté initialement. Hop ! Tous les amendements ont été annulés d’un coup ! Si j’en traite ici alors que j’ai fait aussi une note particulière sur ce débat c’est pour mettre en lumière l’ambiance qui est ainsi créée à l’intérieur de la « majorité gouvernementale ». Tous savent qu’ils sont des objets sans importance pour le château. Rien n’est plus démoralisant qu’une troupe qui se sait méprisée par ses chefs ! Et qui méprise ses chefs à due proportion. Dans cet environnement, la cohésion du groupe qui tient la majorité est juste une apparence qui ne tient aucun choc extérieur. Mais ces gens-là sont davantage qu’eux-mêmes à cet instant. Ils sont le cœur du dispositif institutionnel. Leur débandade ne sera jamais un événement neutre. Ce sera au contraire le début de la fin.

L’image de l’invasion des PSA dans le conseil national du PS est un bon résumé de situation. Un retour du réel social sur les genoux de gens qui venaient de trouver une fois de plus un arrangement de pacotille entre eux pour que rien ne se voient à l’extérieur de l’effondrement de leur parti. La suite sera parfaite, sachez-le. Les PSA demandent un médiateur. Cette revendication n’a rien de révolutionnaire. Elle leur est refusée depuis des mois. Le ministre ne fera rien pour y répondre. Moscovici y veille et Ayrault n’y comprend rien. Si j’en parle c’est pour souligner ce fait que plus rien ne vient désormais combler le fossé de méfiance et de colère qui sépare le PS du grand nombre des salariés qui assistent à ce genre de spectacle.

Le principal souci de l’état-major solférinien est que la colère qui résulte de la situation n’aille pas de notre côté, vers le Front de Gauche. Leur préoccupation rejoint celle de l’extrême-droite qui reste collée par son affaire de compte Cahuzac ouvert par le bras droit financier de madame Le Pen. L’extrême-droite sait que le Front de Gauche gagne du terrain à la base. Et d’abord parce que la force rassemblée dans la campagne électorale ne s’est pas débandée comme c’est le cas pour tous les autres groupes. La ferveur des rassemblements à Martigues et à Montpellier est une démonstration de force et de dynamique ! L’extrême-droite n’est plus capable de cela à cette heure. Force électorale ? Oui sans doute. Mais une force diffuse et diluée, sans consistance opérationnelle. En atteste le renouveau d’activité des groupuscules d’extrême-droite qui sont contraints d’occuper le terrain déserté par le nouveau FN « dédiabolisé ». Marine Le Pen s’est fait prendre le leadership politique par les organisateurs des manifestations contre « le mariage pour tous ». Faut-il rappeler que madame Le Pen ne participe pas à ces manifestations ? Et que son bras droit, monsieur Philippot, les tient à distance ? Au contraire dans notre camp il n’y pas de frontières avec les milieux politico-sociaux qui nous portent et que nous soutenons ! C’est ce qu’ont montré toutes les manifestations syndicales de ces derniers temps, et l’accueil que j’ai reçu au congrès de la CGT. Mais d’un point de vue de classe, comme dirait Cahuzac, l’alerte est donnée. Pour la droite et l’extrême-droite lepéniste, il ne faut pas laisser la colère se cristalliser à gauche et autour de nous gens dont ils connaissent la détermination et la volonté de pouvoir. D’où les changements de dates de leurs manifestations pour se coller à notre appel pour le 5 Mai. Naturellement il ne s’agit pas pour eux de manifester avec nous quand bien même certains mauvais plaisants essaient de le faire croire. Ils manifesteront peut être ailleurs dans Paris et sur leurs propres mots d’ordre. Mais c’est l’aveu que ce changement de date contient qui est important.

Cette conjonction de date est bien sur une aubaine pour les solfériniens. Ils tiennent là une nouvelle machine à calomnies. Mais pour les nôtres c’est un stimulant formidable : montrer que c’est à gauche que se fait l’alternative. En mobilisant nous prenons la tête d’un processus très large. Les solfériniens vont être contraints d’appeler à abandonner la rue à la droite. Ils vont devenir aux yeux de tous les propagandistes de la manifestation de la droite. Et nous, nous avons la responsabilité d’être la gauche ce jour-là, face à la droite ! Cette situation est un moment d’éducation populaire de masse. Nous n’allons pas la manquer.

L’Assemblée nationale a voté la loi qui reprend l’accord "Made in MEDEF". C’est désormais bien une loi MEDEF-Ayrault. Elle transforme en règles juridiques l’accord imposé par le MEDEF le 11 janvier dernier. Le vote à l’Assemblée est intervenu ce mardi 9 avril. Les députés PS et PRG ont sabordé des pans entiers du code du travail. Pendant ce temps, des milliers de salariés manifestaient pour leurs droits sociaux, à l’appel des syndicats CGT, FO, Solidaires et FSU, parfois sous la pluie comme à Paris.

Seuls les députés Front de Gauche ont unanimement voté contre. Mais cet accord "Made in MEDEF" n’a pu être adopté qu’au forceps. La majorité parlementaire de Jean-Marc Ayrault avoisine les 330 députés en temps normal si on ajoute PS, EELV, PRG MRC et divers gauche. Seuls 250 députés ont voté pour ce texte "made in MEDEF" ! Les députés Europe Ecologie se sont tous abstenus ainsi qu’une trentaine de députés PS des courants Hamon et Maurel. On compte même cinq courageux socialistes qui ont voté contre avec le Front de Gauche. Voici leurs noms : Pascale Boistard, Kheira Bouziane-Laroussi, René Dosière, Christophe Léonard et Stéphane Travert.

Parisot et le MEDEF peuvent être contents. Hollande et Ayrault leur ont servi sur un plateau tout ce qu’ils demandaient : licenciements facilités, code du travail suspensible, mobilité forcée pour les salariés, réduction des délais de recours et du contrôle du juge et des instances représentatives des salariés etc. Après le débat à l’Assemblée, Laurence Parisot, la présidente du MEDEF, s’est déclaré "satisfaite : l’Assemblée a respecté les grands dispositifs qui étaient dans l’accord".

Le texte doit encore passer au Sénat à partir du 17 avril. Là-bas, le Front de Gauche continuera à s’opposer. Pour faire adopter ce texte, le PS aura besoin des voix de la droite ou au moins de son abstention complice. Comme sur le traité européen, la règle d’or et ainsi de suite. Après avoir voté main dans la main contre la souveraineté du peuple, l’UMP et le PS vont-ils s’allier contre les droits des travailleurs ? C’est fort probable. Le signal a déjà été donné à l’Assemblée ce mardi : la droite s’est abstenu au grand complet : UMP et UDI réunies. Si l’UMP et l’UDI avaient voté contre, le texte aurait été rejeté. L’accord MEDEF-Ayrault n’a été adopté que grâce à l’abstention de la droite.

Le Parlement est muselé. Le gouvernement a déclaré l’urgence : il n’y aura qu’une lecture à l’Assemblée et une au Sénat au lieu de deux normalement prévues par la Constitution. Le gouvernement a exigé que l’Assemblée siège samedi et dimanche pour pouvoir tenir le délai d’un vote mardi 9 avril. Les députés ont enchaîné pendant une semaine les sessions de jours et de nuits. Le gouvernement et le PS ont même refusé de modifier l’ordre du jour pour permettre un débat suite aux aveux de Jérôme Cahuzac, comme le demandait les communistes.

François Hollande a donné un droit de veto au MEDEF sur la loi. Il l’avait encore redit dans son intervention télévisée du 28 mars. Selon ces mots, le Parlement devait voter "tout l’accord, rien que l’accord". Obéissant au MEDEF, le président de la République a donc renoncé à écouter deux des trois premiers syndicats du pays, la CGT et FO. Il a renoncé à mettre dans son projet de loi ses propres promesses de campagne : disparue la limitation des licenciements boursiers, oubliée l’obligation de céder un site rentable… Hollande a même exigé que les parlementaires renoncent à leur droit d’amendement. C’est pourtant un droit constitutionnel. "Toute correction devra être approuvée par les signataires" a dit le président. Les députés sont réduits au rang de photocopieurs du MEDEF. Ainsi va la "République exemplaire" de François Hollande. Plus de 200 ans après le veto du roi, le PS invente le véto Parisot.

Le gouvernement a ainsi donné un avis "défavorable" à tous les amendements qui n’avaient pas été approuvés par le MEDEF. Et le PS les a tous rejetés. La quasi-totalité des amendements des députés Front de Gauche a ainsi été rejetée. Le PS et EELV ont rejeté tous les amendements qui proposaient de donner des droits nouveaux aux salariés. Mais ils ont aussi rejeté les amendements qui visaient à limiter le texte et ses effets sur la vie des salariés. Le PS a ainsi rejeté un amendement qui interdisait de muter un salarié contre sa volonté à plus d’une heure de son domicile. Le texte ne contiendra pas de limite chiffrée. Le rapporteur du texte, le député PS Jean-Marc Germain a plusieurs fois expliqué qu’"à titre personnel" il était d’accord avec des amendements du Front de Gauche mais qu’il demandait à l’Assemblée de les rejeter car "tous les signataires ne sont pas d’accord". Quelle humiliation pour le Parlement : des députés votant contre leur volonté ! A moins qu’ils n’aient tous simplement par le courage de s’opposer à leur chef.

Le plus humiliant pour la démocratie parlementaire aura été atteint dans la nuit de samedi à dimanche. Le PS a voté comme un seul homme pour les accords de compétitivité-emploi. J’en ai déjà parlé plusieurs fois sur ce blog. Ces accords permettront aux actionnaires et au patronat de faire du chantage à l’emploi pour obliger les salariés à baisser leur salaire sous peine de voir leur entreprise fermée. Il y a encore un an, le PS était contre ces accords, proposés par Sarkozy. Ce week-end, aucun député PS n’a voté contre. Les quatre députés PS qui avaient appuyé sur le bouton "non" se sont empressés d’aller rectifier leur vote en "pour". A peine deux députés PS se sont abstenus. Seul le Front de Gauche a voté contre. Le PS a même rejeté un amendement qui interdisait le versement de dividendes pendant la durée d’application de ces "accords compétitivité-emploi". Un comble : les salariés verront leurs droits massacrés mais les actionnaires pourront continuer à se goinfrer ! Et c’est au PS qu’on doit cette situation !

Le Front de Gauche a mené "seul" la bataille. Ce n’est pas moi qui le dit. C’est l’agence de presse Reuters. Elle a publié une dépêche sous ce titre dès vendredi dernier. Dès le début de la discussion, aucun député PS ni EELV n’a voté pour la motion de rejet préalable du texte déposé par le FG. Aucun ne s’est même abstenu. Tous l’ont rejeté comme un seul homme. Les députés Front de Gauche ont déposé 4 500 amendements. Ils ont multiplié les prises de paroles et les explications de vote pour bien alerter les salariés et tenter de convaincre. Ils ont aussi demandé de très nombreux scrutins publics. Vous pouvez donc aller vérifier sur le site de l’Assemblée ce qu’a voté votre député, amendement par amendement, article par article. Certains dans la majorité aurait aimé pouvoir voter ces mauvais coups en catimini. François de Rugy, le président du groupe Europe Ecologie, a même critiqué "l’obstruction" des députés du Front de Gauche.

L’UMP a vendu la mèche. Le lundi matin Xavier Bertrand, ancien ministre UMP du travail, a annoncé qu’il ne voterait pas contre la loi. Avant lui, dans le débat à l’Assemblée c’est l’ancien trésorier de l’UMP Dominique Dord qui avait levé le voile sur l’hypocrisie socialiste. Il a accusé le PS de chercher à "planquer sous le tapis" l’article sur les accords compétitivité-emploi "parce que c’est la preuve vivante que le code du travail joue contre le maintien de l’emploi, quand ça va mal, on met de côté le code du travail, voilà ce que dit cet article". Il a enfoncé le clou en déclarant au sujet de ces accord : "les mêmes accords, il y a un an, vous les combattiez". Alors, qui vote avec l’UMP ?

Le PS n’est battu que par le FN, en matière d’hypocrisie. Le parti des Le Pen prétend « défendre les travailleurs ». En fait, il s’en moque. Quand les droits des travailleurs sont sous la mitraille patronale, le FN est aux abonnés absents. Les députés du FN n’ont déposé aucun amendement sur ce texte. Ils n’ont aucune espèce d’idée sur ce qu’il faut faire pour protéger les travailleurs, leur donner de nouveaux droits, limiter le pouvoir exorbitant du patronat. Ils sont tout juste venu voter. Mais tout le monde aura bien vu que quand l’essentiel est en jeu pour des millions de salariés, le FN brille par son absence et son silence complice. Donc coupable.


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