Accord « transatlantique » de libre-échange : Si j’étais au pouvoir, je bloquerais l’ouverture des négociations

mardi 7 mai 2013.
 

Le parlement veut aller vite, et inscrire le sujet à l’ordre de la session plénière de mai, à Strasbourg. Il était loin d’être acquis, mercredi en fin de journée, que l’« exception culturelle » chère aux Français soit explicitement exclue du champ des négociations. Le conseil européen pourrait lancer formellement les négociations dès juin.

Pour la gauche française au pouvoir, ces discussions sont risquées. Dans un récent entretien à Mediapart, Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, a précisé la position du gouvernement : ce sera un « oui, mais ». Oui à l’accord global, qui permettra de relancer la croissance en Europe. Mais à condition de fixer des « lignes rouges », comme l’exception culturelle, qui seraient exclues du champ des négociations.

Nicole Bricq défend l’objectif de l’accord, tout en posant une série de « lignes rouges » pour la négociation. Qu’en pensez-vous ?

Jean-Luc Mélenchon Le point de départ, ce n’est pas Nicole Bricq. Cela fait dix ans que cet accord se prépare. À l’origine, cela devait aboutir dès 2015. Et personne n’en parlait. Ce qui a changé, c’est que Barack Obama l’a évoqué, au début de son deuxième mandat. Et ce processus, jusqu’alors passé totalement inaperçu, est entré en lumière. Dans la foulée, Angela Merkel (chancelière allemande - ndlr) et José Manuel Barroso (président de la commission - ndlr) ont expliqué qu’ils trouvaient cela très bien. Ce grand marché transatlantique est l’aboutissement de la stratégie de dérégulation généralisée voulue par les Nord-Américains.

Que pensez-vous de la stratégie française ?

Il n’y aura pas de résistance côté français. Ils sont impliqués dans les négociations depuis dix ans, et les sociaux-démocrates ont toujours voté pour. Y compris des élus comme Benoît Hamon qui, lorsqu’il était eurodéputé, a voté pour une résolution sur le sujet. François Hollande n’en a cependant jamais parlé pendant la campagne présidentielle. Il avait parlé de réorientation de l’Europe, et il n’a rien fait. Mais là, il n’a même pas dit un mot sur ces négociations. Alors que cela change tout : s’ils font cela, il n’y aura plus d’espace européen.

Plus d’espace européen ?

Si l’on ouvre l’Europe de tous les côtés, et si l’on crée ce marché transatlantique, l’Europe se dilue. On va former une grande zone économique où le dollar sera dominant. Petit à petit, le plan économique rejoint le dessein politique : c’est la réalisation du « choc des civilisations », avec la formation d’un grand bloc occidental. Les Anglais, les Américains, eux, sont cohérents. Ils ont des visions. Ils ne lâchent rien. Nous, Français, sommes frivoles, disneylandiens. Des Bisounours. Au final, on est perdants.

Des défenseurs du projet, côté européen, disent que l’accord, bien négocié, sera l’occasion de relever les standards mondiaux en matière de commerce – une forme de libéralisation par le haut.

Je n’y crois absolument pas. Ce sera conforme à tout ce que les Nord-Américains ont pratiqué depuis vingt ans. On nous fait espérer du merveilleux, mais cela n’a aucune chance d’avoir lieu. Regardez ce que les États-Unis ont fait avec le Canada et le Mexique, quand ils ont fait l’Alena (l’Accord de libre-échange nord-américain, entré en vigueur en 1994 - ndlr). Dans la discussion, il y avait une liste de 300 produits protégés : les leurs. Et tous les autres produits étaient dérégulés : ceux des autres.

Les Français ont obtenu de Karel de Gucht, le commissaire au commerce, qu’il précise que l’exception culturelle sera protégée dans les négociations.

Admettons ! Alors maintenant, il faudrait être content de ne pas se faire dépouiller de tout. Sous prétexte d’une exception préservée, on nous ferait avaler tout le reste. Madame Bricq peut se raconter des romans, mais elle ne va pas peser trois grammes face aux Nord-Américains. Ces solfériniens sont de petits gamins qui ne comprennent rien à la géopolitique. Ils font preuve d’un atlantisme pavlovien. Enfin, les Allemands nous lâcheront face aux Américains.

Si vous étiez au pouvoir, que feriez-vous ?

Je bloquerais l’ouverture des négociations. Mais je ferais cela poliment. J’expliquerais à l’Europe qu’il faut encore discuter longtemps, pendant deux ans, trois ans, de la définition du mandat des négociations. Et je soumettrais le sujet au vote : au parlement, et pourquoi pas en organisant un référendum populaire.


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