Pascal Vially, le leader CFDT des Sanofi, rend sa carte

lundi 13 mai 2013.
 

Le Parti de gauche n’intervient pas sur les questions internes aux syndicats. Nous nous permettons ici une exception vu le caractère rarissime d’un élu syndical démissionné de ses mandats durant une lutte nationale aussi importante que celle des SANOFI. En ne diffusant pas l’information émanant de Pascal Vially, nous contribuerions à son isolement.

Objet : Prise d’acte de ma démission forcée

Mesdames, Messieurs,

Je vous informe par la présente que je prends acte de l’obligation qui m’est faite de démissionner de mes fonctions de coordonnateur CFDT Sanofi, de Délégué Fédéral FCE-CFDT en charge de la liaison CFDT Sanofi, et de mon mandat de Membre Suppléant du Comité d’Entreprise Européen de Sanofi.

Je vous informe également de ma décision de quitter la CFDT. Ces décisions prennent effet immédiatement à compter de la réception de cette lettre, aussi je vous demande de bien vouloir cesser le prélèvement de toute cotisation et de m’enlever de toutes vos listes de diffusion d’informations sous toute forme (courriers, courriels, abonnements revues internes).

Ces décisions n’ont pas été faciles à prendre, au regard de ces nombreuses années d’un engagement total de ma part pour la défense des intérêts des salariés de Sanofi, et pour la défense des valeurs fondamentales de la CFDT : solidarité, émancipation, autonomie, indépendance, démocratie.

Elles n’ont pas été faciles à prendre par rapport aux très fortes relations humaines que j’ai pu tisser avec les adhérents et militants CFDT de Sanofi, auxquels je renouvelle tout mon soutien et toute mon amitié.

Ces décisions je les prends en raison de la certitude que j’ai acquise, durant ces derniers mois d’une longue lutte contre le plan de restructuration de Sanofi, que les structures CFDT (syndicats, fédération, confédération) sont en décalage complet avec les revendications de la majorité des adhérents et militants de terrain, et que la démocratie interne de la CFDT ne fonctionne malheureusement pas. Quelques explications s’imposent, et je choisis ici de les argumenter par quelques rappels chronologiques et factuels.

En préambule je souhaite rappeler que contrairement aux idées reçues véhiculées par les structures CFDT je suis personnellement très attaché à la culture du dialogue et de la négociation chers à la CFDT. J’en apporte pour preuve si besoin était, le nombre très élevé d’accords que j’ai pu signer, chaque fois à l’issue d’un processus démocratique de prise de décision collective des équipes CFDT concernées, et ce à tous les niveaux où il m’a été donné d’exercer ces responsabilités : sur mon site de Marcy L’Etoile, puis au niveau de la société Sanofi Pasteur, et enfin à l’échelle du Groupe Sanofi en France. Ces accords, qui ont été le résultat d’âpres négociations, parfois soutenues par la mise en œuvre d’un rapport de force quand c’était nécessaire, ont permis d’apporter des acquis en termes d’emplois créés ou de pouvoir d’achat. Je suis particulièrement fier d’avoir contribué personnellement, avec les équipes CFDT, à ce processus de dialogue qui a porté ses fruits à maintes reprises, et force est de reconnaître que ce dialogue a aussi été possible par la volonté de la Direction de l’époque.

Au sein des structures CFDT ma contribution a régulièrement été reconnue. Tout a changé lorsque la nouvelle Direction de Sanofi est arrivée, en 2009, avec de nouveaux objectifs et de nouvelles méthodes. Dès 2009, à l’occasion de la première restructuration mise en œuvre par M. Viehbacher, j’ai pris activement part dans un conflit social de grande envergure au sein de Sanofi Pasteur, ponctué par 3 semaines de grève totale portant sur l’emploi, les conditions de travail et le pouvoir d’achat. La CFDT Sanofi Pasteur avait particulièrement mis l’accent sur les problématiques d’emploi et de conditions de travail à l’échelle du Groupe, avec déjà à l’époque des suppressions d’emplois à visée financière.

A l’époque déjà les structures CFDT, avec l’assentiment du coordonnateur CFDT Sanofi d’alors, avaient brillé par leur absence et par leur volonté manifeste de ne pas laisser ce mouvement prendre trop d’ampleur au sein du Groupe Sanofi. Les autres organisations syndicales du Groupe n’avaient d’ailleurs pas fait mieux. Cette situation avait amené les salariés de Sanofi Pasteur à se sentir totalement abandonnés, et pour ma part cette situation très dure face à une Direction cynique et l’absence de soutien de nos structures syndicales m’avaient amené au bord de la rupture. Devenu depuis coordonnateur CFDT pour le Groupe Sanofi (à la demande d’une très large majorité des militants CFDT nationaux du groupe), je suis intervenu dans les instances fédérales pour rappeler que les structures doivent absolument soutenir les équipes sur le terrain dans des situations conflictuelles de ce type.

Les « leçons » de cette histoire ont-elles été retenues ? Absolument pas. Ce que j’ai vu ces derniers mois dépasse l’entendement et mérite que l’on s’attarde. Le 11 juin 2012, le Secrétaire Général de la FCE-CFDT m’appelle pour me dire qu’une réunion va avoir lieu en toute confidentialité, entre la Direction Sanofi, la confédération CFDT en la personne de son secrétaire général F. Chérèque, et la fédération en sa propre personne, et me demande de lui transmettre un bilan de la situation chez Sanofi. Je lui adresse en réponse le travail réalisé en intersyndicale Sanofi, qui a été envoyé dans la foulée à différents ministères car nous anticipions à l’époque une annonce imminente de nouveau plan de restructuration à visée financière. Je lui précise être en désaccord avec la méthode : une réunion secrète au plus haut en amont des annonces, en dehors du cadre légal de négociation et des instances représentatives du personnel, qui laisse le doute sur la possibilité d’accords cachés, et je lui demande la possibilité d’évoquer cette réunion et son contenu en toute transparence avec les équipes CFDT, ce qui m’est refusé. Contre son avis je parle de cette réunion avec mon équipe. Pourquoi cette culture du secret ? Le 29 juin 2012, le Secrétaire général de la FCE-CFDT me rappelle pour me dire que la réunion a eu lieu le matin même au siège de la confédération à l’occasion d’un petit-déjeuner, en présence de F. Chérèque, C. Viehbacher et lui-même. Il me dit que Sanofi va annoncer un plan de restructuration, qu’il y aura un impact fort sur l’emploi dans la R&D, les vaccins et les fonctions support, que l’industriel ne sera pas touché, que les mesures d’accompagnement seront comme d’habitude d’un bon niveau, et me donne les consignes suivantes :

« Ne pas faire d’intersyndicale avec la CGT, ne pas agiter les chiffons rouges, ne pas faire trop de bruit dans les medias, et le message à retenir est le suivant : ce plan permet de sauvegarder larecherche en France, et la compétitivité de Sanofi ».

.En toute transparence j’ai transmis ces informations au comité de liaison CFDT Sanofi. Et déjà cette question qui nous taraude tous : pourquoi ces consignes pour le moins étonnantes ?

Le 5/07/12, la Direction Sanofi annonce son nouveau plan de restructuration qui touche la R&D (en particulier Toulouse et Montpellier), les vaccins (en particulier l’industriel) et les fonctions support dans l’ensemble du Groupe. Le chiffre de 900 suppressions de postes est avancé officiellement, mais il ne tient pas compte des effectifs de Toulouse qui sont à la fois dans et hors le plan, et c’est la résultante d’un nombre de suppressions de postes beaucoup plus élevé compensées en partie par d’autres créations de postes.

Avec l’aide de notre expert économique, l’intersyndicale évaluera le nombre réel de suppressions de postes à environ 2000, alors que le groupe réalise des milliards d’euros de bénéfices, et confirmera l’analyse selon laquelle ce plan est uniquement financier dans le cadre d’un plan d’économies drastiques et d’une augmentation de la proportion des bénéfices remontée aux actionnaires sous formes de dividendes. L’intersyndicale dénonce l’externalisation de la R&D et des fonctions support, les délocalisations de vaccins, la désorganisation, la financiarisation…

Au vu de ces faits, le comité de liaison CFDT Sanofi (composé de 16 représentants nationaux de la CFDT Sanofi) a décidé dès le départ à l’unanimité de combattre fermement ce plan au sein d’une intersyndicale qui regroupera les 5 organisations syndicales représentatives au niveau national, plus Sud qui est notamment bien représenté à Toulouse. Contrairement aux consignes données par notre fédération, la CFDT Sanofi s’investit fortement dans une mobilisation sans précédent à l’échelle du Groupe, toutes décisions validées au préalable démocratiquement, dans un contexte très fortement médiatisé dont je deviens personnellement l’une des figures au sein de Sanofi avec plusieurs prestations télévisées, et multiplie les interventions auprès des politiques pour solliciter leur intervention et leur soutien (élus locaux, maires, députés et sénateurs, ministères, Elysée…) avec en points d’orgue des auditions auprès de l’Assemblée Nationale et du Sénat et plusieurs échanges avec M. Montebourg.

Dans toutes nos actions, la CFDT s’est faite le relai d’une exigence de retrait d’un plan social dévastateur, inefficace et motivé par les seuls impératifs financiers, et d’une demande de loi contre les licenciements dans les groupes qui font de larges bénéfices. A l’inverse, la confédération CFDT, qui a brillé par son absence comme toutes les autres confédérations dans toutes nos manifestations, a multiplié des interventions médiatiques (dès le 6/07/2012 !) visant à minorer l’impact social de ce plan, à justifier sa nécessité, et à refuser toute législation contre les licenciements financiers. Et pour cause ! La confédération CFDT s’était engagée dans une tout autre orientation dans le cadre de la conférence sociale, qui allait accoucher d’un ANI qui va plutôt dans le sens d’une plus grande souplesse des licenciements économiques…

Un débat interne dans la CFDT Sanofi a confirmé ce que nos adhérents et militants de terrain pensent de cet ANI : deux tiers des sections donnent un avis négatif sur cet ANI. Malheureusement, cet avis ne vaut rien ! Pas seulement parce qu’il arrive après la signature par la confédération, mais parce que dans le fonctionnement interne de la CFDT ce ne sont pas les liaisons d’entreprises qui ont un rôle politique : ce sont les syndicats qui sont chargés de débattre de ces points et de les remonter via les Unions Régionales. Or il est évident que ce débat n’a pas eu lieu dans beaucoup de syndicats.

Dans l’enchaînement de nos mobilisations, « Les Sanofi » ainsi qu’on nous a vite désignés, ont participé à une manifestation inter-entreprises avec « Les Goodyear », « Les PSA », et de nombreuses autres entreprises le 29/01/13 à Paris autour de l’Association Licenci’elles(salariées licenciées des 3 Suisses) : le constat pour nombre de militants de ces entreprises, est qu’aucune confédération syndicale ne souhaite organiser vraiment une convergence de toutes les manifestations contre les licenciements financiers. Il s’agissait donc de passer outre, et de défendre ensemble une proposition de loi rédigée conjointement au-delà de toute étiquette politique ou syndicale. Plus de 700 manifestants étaient présents, et une délégation (dont je faisais partie) a été reçue au ministère du Travail. A cette occasion, on a pu me voir dans les medias aux côtés de Philippe Poutou, délégué CGT de Ford. C’est cette occasion qu’a saisie la Secrétaire Générale de mon syndicat d’appartenance, leSCERAO-CFDT, pour suggérer en réunion fédérale ma radiation de la CFDT au motif que j’avais été vu médiatiquement aux côtés d’ « extrémistes » de gauche (Mrs Poutou et Mélenchon) et que ce n’était pas dans les valeurs de la CFDT au même titre que les idées du Front national… Contre toute attente, la réponse de la fédération a été de dire qu’il y avaiteffectivement un « dysfonctionnement » dans la CFDT Sanofi, un « problème de management », et que la fédération allait prendre des décisions après avoir rencontré les militants nationaux de Sanofi. En d’autres termes, la fédération valide 3 dérives majeures :

Une première dérive qui consiste à dire qu’être vu avec une personnalité politique signifie qu’on adhère à ses idées. Or je pense avoir été vu avec des personnalités d’à peu près toute la classe politique… hormis le Front National dont les valeurs vont à l’ encontre des miennes. Cela n’a aucune importance dans le sujet mais je tiens à préciser que je n’adhère à aucun parti politique.

Une deuxième dérive qui consiste à mettre sur le même plan les idées de la gauche de la gauche et celles du Front National.

Une troisième dérive qui consiste à dire que si la CFDT Sanofi n’est pas dans la ligne politique fédérale ou confédérale alors c’est que la CFDT Sanofi dysfonctionne. C’estla logique de la pensée unique. En réaction, des adhérents et militants Sanofi, qui se sont sentis attaqués à travers moi du fait que je me suis toujours fait le reflet de la majorité démocratique de la CFDT Sanofi, ont initié une pétition publique sur internet pour me soutenir et empêcher ma radiation de la CFDT. Cette pétition s’adressait à la Secrétaire Générale du SCERAO-CFDT (qui n’a jamais accepté ma demande de rencontre).

Le 8 mars 2013, a lieu un échange de la CFDT Sanofi avec le nouveau Secrétaire Général de la confédération, en présence du Secrétaire de la fédération. A cette occasion il nous est confirmé que la confédération ne veut pas de loi contre les licenciements financiers, et que l’ANI sera la solution à nos problèmes, ce qui est évidemment faux. Le Secrétaire de notre fédération en profite pour nous dire : « 

Vous allez maintenant faire attention à tout ce que vous dites et ce que vous faites, car j’ai de quoi virer la moitié de votre équipe ».

Entre-temps le journal Mediapart s’est fait l’écho de la pétition publique, dans un article intitulé « La CFDT aux prises avec sa base chez Sanofi », ce qui a provoqué le démandatement de Véronique FALIPOU-PAMIES, déléguée CFDT de Sanofi (Merial) à qui la fédération a fait endosser la responsabilité de l’externalisation de nos différends sur la place publique. Ce démandatement a été fait dans l’irrespect le plus total des méthodes prévues dans les statuts de notre fédération. Et depuis, la fédération s’appuie sur la coordonnatrice adjointe de la CFDT Sanofi pour me trouver un remplaçant au poste de coordonnateur titulaire, ainsi qu’elle l’a reconnu lors de notre dernière réunion de liaison. Mon démandatement est donc d’ores et déjà lui aussi prévu, pour le mois de mai. C’est pourquoi j’ai décidé d’anticiper ce démandatement et de vous donner ma démission car toute cette situation m’insupporte.

Depuis le début de cette affaire, les comportements et agissements de la fédération, aidée par quelques éléments très minoritaires de la CFDT Sanofi, sont inqualifiables :

- consignes contraires aux souhaits de nos adhérents et militants, et aux intérêts des salariés que nous défendons, après une réunion confidentielle au plus haut niveau,

- tentatives multiples de discréditer le coordonnateur et ses proches collègues pour leur coller une étiquette d’extrémistes (pour preuve certains mails reçus, et certains témoignages)

- tentatives multiples de remise en cause des décisions démocratiques de la CFDT Sanofi, tentatives de casser l’intersyndicale, tentatives de casser le fil avec le ministère du redressement productif (pour preuve de nombreux mails, et un projet avorté de communiqué de presse fédéral)…

Dernier point en date : j’ai eu confirmation de la bouche de la Direction Sanofi, d’une rumeur qui m’était revenue aux oreilles. Dans le cadre des mesures d’accompagnement du plan de restructuration, figure un volet qui permet à des seniors de partir travailler pour des associations tout en étant payés par Sanofi. Il est aujourd’hui clairement établi que les Organisations Syndicales pourront bénéficier de cette mesure, en accueillant de nouveaux permanents syndicaux dans les structures syndicales, payés par Sanofi, grâce au plan social : n’y a-t-il pas là un conflit d’intérêt évident ? Quand ceci a-t-il été demandé par les organisations syndicales ? Comment peut-on accepter ça ? Les conflits d’intérêts potentiels existent déjà, relatifs aux modalités de financement des organisations syndicales, et relatifs à la gestion paritaire de certains organismes. Plutôt que de les encadrer, on décide d’en rajouter de nouveaux encore plus problématiques !

Ayant bien compris qu’il m’est désormais impossible de continuer de lutter en interne pour une plus grande démocratie et une plus grande transparence, et sachant qu’il m’est également insupportable de vous laisser me démandater, veuillez considérer que dès à présent je suis libéré de toutes mes fonctions syndicales et que je récupère toute ma liberté de parole à l’extérieur, non par esprit de rancune, car finalement je garde des liens très forts avec la grande majorité des militants CFDT qu’il m’a été donné de rencontrer, mais pour participer désormais au nécessaire combat citoyen, contre l’obscurantisme d’une minorité, pour la démocratie, et contre le pouvoir de l’argent. Aucune structure syndicale ne me semble aujourd’hui suffisamment indépendante, politiquement et financièrement, pour mener à bien cette lutte fondamentale qui devra donc passer par d’autres chemins.

Je n’ai désormais plus aucun mandat syndical, et j’ai demandé à retrouver un poste de travail sur mon site de Marcy L’Etoile, évidemment sans aucune prétention pécuniaire ou de« reconnaissance des compétences acquises pendant mes mandats » comme certains m’y poussaient. Je suis également conscient des risques que je vais prendre en parlant publiquement dans ces conditions, et j’accepte ce risque car en vérité je n’ai pas le choix, c’est mon cœur qui s’indigne et c’est mon corps entier qui se lève debout. L’humain d’abord !

Pascal VIALLY Ex-Coordonnateur CFDT Sanofi


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