Retour sur l’histoire d’une marche inédite dans l’histoire de la gauche et de notre pays

vendredi 10 mai 2013.
 

Demain soir, je soufflerai un peu. Cela fait maintenant un mois que je vis au rythme de la préparation de cette marche. Un mois depuis ce jeudi 4 avril où Jean-Luc nous a envoyé un texto qui, en substance, posait deux questions : Que pensez-vous de l’idée d’une marche ? Quelle est la meilleure date possible ? J’aime ces nouveaux moyens de communications qui permettent ainsi à la fois de réagir vite et se concerter à plusieurs. L’idée d’une nouvelle marche à vrai dire flottait déjà dans l’air. Début 2013 des tweets étaient nés spontanément. Ils interrogeaient : si on se retrouvait le 18 mars à la Bastille ?

Spontanée, cette consigne n’a pas alors trouvé concrétisation. Mais l’envie de se retrouver ainsi exprimée et de montrer la force du Front de Gauche sont devenus une nécessité politique au fur et à mesure que le gouvernement a pris des décisions de plus en plus insupportables. On l’a senti physiquement lors des meetings de notre campagne contre l’austérité : en mars nous avons remarqué davantage d’affluence, une plus grande détermination dans les salles, l’envie des militants de renouer avec l’élan de la campagne présidentielle. Cette conviction aussi qu’il était temps de réagir pour que la résignation et la désespérance ne l’emportent pas sur la colère et la résistance.

Le 3 avril au soir c’est également ce que Jean-Luc Mélenchon a profondément ressenti à Mulhouse. Ce soir là avait lieu le meeting du Front de Gauche contre le projet d’unifier les départements du Haut et Bas-Rhin dans une seule même entité alsacienne. Dans cette terre de mission pour la gauche et a fortiori le FDG, la salle était pleine à craquer. Jean-Luc et Pierre Laurent, également présent, ont parlé de ce regain militant. Je sais que c’est de ce meeting et de cet échange en ce sens avec le secrétaire national du PCF, que l’idée de la marche a pris forme. Un autre élément s’est ajouté : les manifestations de la droite et l’extrême droite contre le mariage pour tous. Les gens de gauche que nous sommes n’ont pas eu envie de leur laisser le terrain un an après la défaite de leur champion.

Voilà dans quel contexte le 5 mai est né. Il reste à la réaliser. C’est le 5 avril au matin, sur France Info que Jean-Luc lance cette proposition. Deux heures après Pierre Laurent l’appuie. Je suggère une réunion à nos partenaires du Front de Gauche pour le soir même. Elle s’achève par un texte commun qui appelle à une « grande marche citoyenne contre l’austérité, la finance et pour la 6ème République ». Dans cet appel, le Front de Gauche prend soin d’en rester à l’idée de proposition : une façon à la fois d’assumer son rôle d’initiateur et de la déclarer ouverte à tous ceux qui en partagent les grands objectifs. Dès le week-end, Eva Joly nous contacte pour nous dire son accord à cette initiative. La nouvelle est importante : Eva est ainsi la première personnalité de la majorité gouvernementale de cette envergure à faire un tel pas. A vrai dire ce n’est pas étonnant : elle a montré pendant sa difficile campagne qu’elle était une tête dure. Et puis cela fait longtemps que la 6ème République et la lutte contre la finance lui sont des causes familières. Nous la prévenons qu’elle sera attaquée dans son propre camp : elle n’en a cure parce qu’elle estime juste d’agir ainsi. Le lundi 8 au matin elle appuie la marche au micro de Jean-Jacques Bourdin sur BFM : « j’y serai ». Elle aura raison avant d’autres mais finira par être rejointe par des centaines de militants d’EELV dont des responsables comme Sergio Coronado, Jérôme Gleizes, François Alamartine, Francine Bavay, Julien Bayou etc…

François Hollande et le gouvernement vont se charger d’alimenter les braises du 5 mai. Rappelons la chronologie. Le 9 et 10 avril, trois ministres montent en ligne pour demander de desserrer l’étreinte de l’austérité. S’ils le font conjointement c’est que Montebourg, Duflot et Hamon pensent que Hollande peut envoyer un signe en ce sens. Ils ne sont pas déçus de la tentative : le 11 avril, le Président de la République les renvoie en touche : non il ne changera pas de cap. Quand aux ministres concernés ils sont là pour appliquer cette politique. Fermez le ban. Les autres signaux sont de la même eau : décision d’utiliser le vote bloqué au Sénat pour faire passer l’ANI ; volte face du PS, sur décision présidentielle, qui déclare ne plus vouloir voter la loi Amnistie sociale à l’assemblée ; annonce fin avril de cadeaux supplémentaires aux patrons, et notamment aux si symboliques « pigeons », accompagnée d’une ode aux entrepreneurs sans un mot pour les salariés… L’heure n’est pas au « bougé » à gauche mais à l’approfondissement de la ligne social libérale au point que l’on peut se demander en quoi, en réalité, elle diffère d’un pur néo-libéralisme.

Je ne sais pas si le message a été suffisamment entendu au sein de la gauche du PS puisque malgré de multiples approches, aucun de ses dirigeants ne décidera finalement de nous rejoindre le 5 mai mais, par contre, le peuple de gauche, lui, l’a bien compris : Hollande ne bougera pas de par lui-même ou de par un changement de rapport de force à l’intérieur de la majorité gouvernementale. Pour tenter de se faire entendre, il faut commencer par le dire plus haut et plus fort là où pour le moment c’est possible : la rue. Ces derniers jours nous avons senti combien un grand nombre d’électeurs de François Hollande le 6 mai, mais aussi du premier tour, ont franchi le gué. Ces derniers événements les ont convaincu que le temps était venu de dire « ça suffit ! » et d’utiliser le 5 mai pour cela. La marche a pris dès lors son envol. Les appels thématiques se sont multipliés et des régions, le nombre des cas affrétés n’a pas cessé de grimper au point de s’établir à plus de 200 soit davantage que le 18 mars 2012.

Ce samedi soir, en revenant du débat organisé à Lille dans le cadre de Politea par mes camarades du PG 59, je suis donc convaincu que demain sera une réussite. J’ai assuré sa coordination politique côté PG comme pour la marche du 30 septembre contre le TSCG ce qui m’a permis de toucher au plus près les résultats de la force militante du PG, et plus globalement du Front de Gauche. Les sondages sont également là pour le confirmer : malgré un contexte difficile, la puissance du Front de Gauche est intacte et prête à servir. Le 5 mai est le début d’un processus que le Front de Gauche n’entend pas accaparer mais dont il revendique d’être le déclencheur : la construction d’une majorité alternative pour changer vraiment et sans attendre 2017. Nous sommes convaincus d’être capables de regrouper une majorité de gauche derrière la ligne de rupture avec l’austérité et le capitalisme financiarisé que nous défendons. Nous disposons pour cela de la force que nous avons bâtis et d’un programme, l’Humain d’abord. Ne croyons pas que la situation est figée. Notre ennemi est avant tout la résignation : nos concitoyens ont besoin d’une force, d’hommes et de femmes qui leur disent « nous savons où nous allons, pourquoi nous y allons et nous voulons rassembler et le construire avec vous ». Le Front de Gauche c’est plus que jamais la gauche décomplexée, celle qui est capable d’affirmer : nous entendons gouverner ce pays le plus vite possible avec tous ceux qui veulent vraiment changer d’horizon. Demain donc ce processus débute. Il se poursuivra dans d’autres mobilisations. Que ce soit en appui de celles provoquées par le mouvement syndical, comme le 16 mai devant l’assemblée pour réclamer aux députés de gauche qu’ils votent la loi d’amnistie défendue par le Front de Gauche, que ce soit celles que le FDG initiera prochainement ou bien les assises du 16 juin que nos camarades communistes ont mis sur la table et que d’ores et déjà le FDG a fait sien pour les élargir, comme nous l’avons voulu le 5 mai, aux forces politiques et sociales qui partagent nos objectifs. Nous savons qu’il faudra être capable de concrétiser ce rapport de force devant le suffrage universel. Les Européennes nous semblent idéales pour cette démonstration.

Le thème du débat à Lille ce soir était « comment construire un Front du peuple majoritaire ». Je crois que le début de la réponse se trouvera demain à 13h30 place de la Bastille. Il fera beau sur Paris.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message