La gauche en marche

vendredi 17 mai 2013.
 

La foule qui a marché dimanche 5 mai, de Bastille à Nation, appartenait à la grande multitude de celles et ceux, qui, il y a un an, ont donné son congé à la droite sarkozyste et voulu un changement de politique avec un nouveau Président, issu de la gauche. Un an après, elle répondait aux assauts répétés de la droite et des puissances financières et se montrait disponible pour créer un rapport de force favorable pour sortir de l’austérité, du chômage, grâce à une politique nouvelle. Elle appelait à sortir du présidentialisme et d’un système qui, désormais, a fait entrer les intérêts privés au sein même du pouvoir d’Etat, au point de dévitaliser et de ronger nos principes républicains.

Le compte en Suisse de M. Cahuzac, comme ce qui est décrit de M. Guéant, ne sont pas des faits divers. Ce sont des faits politiques. Comme le sont aussi ceux qui nous apprennent comment en haut lieu on autorise un médicament qui tue ou des insecticides qui détruisent notre biodiversité. Les scandales financiers, sanitaires, écologiques ne sont pas l’œuvre de quelques brebis égarées. Ils sont inhérents au système. Tout comme la fraude fiscale, organisée parfois en toute légalité pour alimenter des paradis fiscaux au lieu de servir le bien commun. Tout cela fait depuis longtemps l’objet de beaux discours de ceux qui en profitent, sans effets. Aujourd’hui les banques françaises ont plus de filiales dans les paradis fiscaux qu’en 2011. Ce sont les mêmes qui refusent un meilleur accès au crédit alors que la Banque centrale européenne vient de faciliter leurs approvisionnements en liquidité. Paradis pour les puissants, enfer de l’austérité pour les peuples !

La République se fatigue et s’épuise, parce que celles et ceux qui sont censés en être les garants, sont devenus maîtres en irresponsabilité civique. Celle-là même qui fait le lit de la crise démocratique et politique, ouvrant le chemin de l’extrême-droite ou de sa version droite extrémisée. C’est le sens du violent appel du chef de l’UMP, M. JF Copé, confirmant la radicalisation droitière de son parti, dans une tribune publiée dans le Figaro du 4 mai dernier, où il n’hésite pas à écrire que : « La France a besoin d’un nouveau 1958 ». Appelle-t-il à un coup d’état ou à une soumission constitutionnelle définitive de notre pays aux lois des marchés financiers et d’institutions supranationales ?

Dans un tel contexte, les forces démocratiques, les citoyens eux-mêmes doivent avoir l’audace de porter le flambeau de la nécessaire refondation démocratique de la République. Tel était l’enjeu de la réussite de la marche citoyenne de dimanche dernier, loin des clichés simplistes, véhiculés par la grande machinerie des médias dominants. Elle était d’ailleurs en résonance avec un discours de F. Hollande, le 3 mars 2012 à Dijon, dans lequel il appelait lui-même à « une République nouvelle » pour mettre fin à l’omni-présidence, qualifiée par lui de « régime d’un seul qui prétend pouvoir décider de tout, sur tout, partout ». La marche visait à faire vivre cela. Elle fut réussie parce qu’elle ne fut pas perçue comme voulant diviser la gauche, comme l’en accusent certains. Elle était plus proche du concept des défilés du Front populaire pour changer que d’une stratégie de l’impuissance, dite « Front contre Front », qu’ont développé des commentateurs. Elle était un appel à élargir encore un large front anti-austérité et pour réinventer une République indissociablement sociale et démocratique. Le progrès social y va de pair avec des pouvoirs nouveaux des citoyens dans la cité et des salariés dans l’entreprise, pour reprendre leur destin en main, à l’opposé des diktats imposés par les puissances d’argent et les oukases permanents de la Commission de Bruxelles.

Depuis cinq ans les recommandations des institutions européennes n’ont servi qu’à préserver le monde de la finance et appauvrir toujours plus celles et ceux qui n’ont que leur travail ou leur retraite pour vivre. La situation des caisses des Etats ne s’est pas améliorée, le taux de chômage dans l’Union européenne est passé de 10% à 12% en deux ans. Le taux d’endettement, comparé aux richesses produites est passé de 88% en 2011 à 92,7% en 2012 et selon les prévisions même de la Commission de Bruxelles, il pourrait être de 95,5% fin 2013 et de 96% en 2014. Preuve que l’austérité ne sert pas à réduire l’endettement mais à transférer de plus en plus de richesses du travail et de biens publics vers les secteurs privés, bancaires et financiers. Désormais, Grèce, Portugal, Espagne, Italie, France sont en récession. Le Président de la Commission de Bruxelles a du l’admettre. Cela n’empêche pas cette dernière de demander à notre pays une « stratégie budgétaire crédible à moyen terme (…) » qui « doit être complétée par des réformes structurelles sur le marché du travail, sur le système des retraites et sur l’ouverture à la concurrence de certains marchés ». L’exact contraire de ce qu’il conviendrait de faire pour sortir de la crise !

Ces injonctions réitérées sans cesse nous mènent dans le mur. Elles sont à l’origine du pacte de compétitivité, du projet de loi de flexibilisation du travail, de la modification envisagée pour les retraites et les allocations familiales, du refus d’une loi contre les licenciements boursiers ou d’amnistie sociale. Et la semaine dernière, le Président de la République a annoncé au grand patronat qu’il allait abaisser l’imposition sur les plus-values de cessions d’entreprise. C’est le parti pris incompréhensible du Président de la République et d’un gouvernement qui se réclament de la gauche, à rebours de ses engagements. Voilà qui mine leur crédibilité. Voilà qui désespère les forces vives, pourtant disponibles pour aider au redressement du pays et obtenir des résultats dans la lutte contre le chômage. S’il en a la volonté, le Président de la République pourrait s’appuyer sur ces forces qui l’ont porté au pouvoir pour créer une mobilisation populaire et nationale, en faveur d’une autre répartition des richesses, d’un nouveau cadre pour les produire, avec un plan audacieux et moderne d’investissement et de développement écologique, une refonte démocratique des institutions pour accorder des pouvoirs et des droits nouveaux aux citoyens et aux salariés. Dès lors, la France, aux yeux des peuples européens, pourrait prendre la tête de la croisade pour transformer l’Europe.

La marche de dimanche était celle de la gauche dans sa diversité, unie pour sortir des impasses actuelles. Les discussions, réflexions et élaborations communes vont se poursuivre dans les jours à venir et le 16 juin élargira l’impact de la marche à d’autres composantes lors d’une grande assemblée citoyenne. Entre l’audace de l’invention et le renoncement, la gauche doit choisir l’audace et le courage.


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