Présidentielles : Le devoir d’action

samedi 10 février 2007.
 

Malgré le précédent de la présidentielle de 2002, on n’a pas fini de mesurer les dangers qu’il y a à mener une campagne politique les yeux rivés sur la revue de presse du jour. Certes, la plupart de nos concitoyens prennent connaissance de la campagne à travers le compte-rendu des médias. Mais les militants sont perdus s’ils en tirent la conclusion que c’est là que les choses se passent.

D’une part, parce que la revue de presse n’est pas le réel. Au contraire ce qui se dit dans la bulle médiatique est avant tout le fruit des logiques propres au monde journalistique. Celles-ci sont un curieux mélange de panurgisme (mieux vaut dire une bêtise avec tout le monde que d’être le seul à passer à côté d’une info) et de recherche d’originalité par rapport au confrère. Comment se distinguer en étant conforme, être différent en étant identique, cette obsession de notre époque largement encouragée par les industries de la mode et de la publicité. Un curieux mélange aussi entre la volonté de coller aux préoccupations que l’on prête au large peuple, car il faut vendre du papier, et l’étroitesse sociologique qui caractérise le petit entre-soi des rédactions parisiennes. Bref, en lisant les journaux, on en apprend plus sur les journalistes et sur la presse que sur la réalité sociale et politique qui nous entoure.

Le militant doit donc se guérir de la détestable habitude qui le conduirait à mesurer l’importance des enjeux en nombre de colonnes qui y sont consacrées ou de juger les performances de son camp d’après l’opinion des éditorialistes. Pour notre part, nous ne sommes pas davantage enclins à nous emballer pour la candidature de Ségolène Royal parce que le Nouvel Observateur et les sondages nous y invitent que de la décrier parce qu’ils auraient changé d’avis. Pas plus que nous calquons notre intérêt pour José Bové ou Marie-George Buffet sur leur position respective dans les sondages. D’ailleurs, ceux qui recherchent l’enthousiasme des supporters finissent toujours par subir leur inconstance.

D’autre part, parce que si les médias jouent un rôle clé dans la manière dont les électeurs se déterminent, ils ont largement perdu leur capacité à imposer leur avis. Rarement la défiance vis-à-vis du monde médiatique a été aussi forte. Cela fait même plusieurs années que les favoris électoraux des journaux collectionnent les gamelles électorales, depuis Balladur en 1995 jusqu’au projet de Constitution européenne en 2005.

Pour un militant, la matière première du combat politique se trouve dans la société elle-même et dans le point de vue personnel qu’il est en mesure de se forger sur elle. Là naissent chaque jour des raisons de lutter contre l’ordre des choses. Dans cette lutte se construit la conscience des solidarités, se désignent les adversaires et se formulent les alternatives. Et cela d’une manière qui peut orienter une existence. Combien d’hommes et de femmes sont venus à la gauche après avoir vu un reportage télévisé ? Et combien y sont entrés à travers une grève, l’expérience personnelle d’une injustice, la rencontre d’un militant ?

Dans la France de 2007, les raisons de combattre et d’agir pour chasser la droite sont innombrables. Elles sont sous les yeux de chacun pour peu qu’il veuille les voir. Par exemple, chaque jour les services publics sont mis en pièces : ici un horaire se réduit, là un établissement ferme, là encore les moyens disparaissent... Manque souvent la conscience de la logique d’ensemble qui relie ces faits entre eux. C’est justement le rôle du militant de gauche d’apporter cette lumière et de montrer par exemple que le retard insupportable du train de banlieue découle de la mise aux normes libérales du service public ferroviaire. Et qu’il est possible du coup d’y remédier pour vivre mieux.

Depuis 2002, le rejet du libéralisme s’est aiguisé dans de multiples combats : pour le droit à la retraite, pour la défense de l’école publique, contre la construction libérale de l’Europe, contre la précarité et le CPE... Il s’est forgé dans la confrontation avec un gouvernement sourd aux aspirations populaires. Il n’y a pas de conscience éclairée indépendamment d’une lutte. Il n’y a pas de conscience de gauche sans lutte contre la droite. Il n’y a pas de lutte contre la droite sans militants de gauche qui la construisent. Nous voulons le rappeler à tous ces citoyens motivés de gauche qui se présentent en rangs dispersés sur le champ de bataille présidentielle. Oubliez un instant les sondages et leurs compétitions dérisoires.

Quel que soit le candidat que nous soutenons, notre but premier doit être le combat contre la droite et l’extrême droite dans les consciences du plus grand nombre. Une immense confusion politique règne dans tant de têtes ! C’est à cela qu’il faut répondre pour que le débat des présidentielles éclaire notre peuple et oriente sa rage aujourd’hui impuissante contre les véritables causes de ses malheurs. C’est la masse innombrable des désorientés et des désemparés qu’il faut se disputer plutôt que les rangs de plus en plus étriqués des réseaux militants. Si elles refusent de se neutraliser mutuellement dans le jeu des concurrences médiatiques, les sensibilités diverses de la gauche peuvent alors utilement construire le seul rapport de forces qui vaille.

(article paru dans A Gauche du 6/02/2007)


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