Egypte : brève remarque de prudence

dimanche 14 juillet 2013.
 

. Ce qui doit nous marquer, c’est la capacité de rebond de la volonté démocratique populaire dans ce pays. Cela nous apprend beaucoup. Les révolutions citoyennes sont des processus politiques nouveaux. Même si elles reproduisent maints traits des révolutions du siècle précédent, nous ne devons pas en évaluer les rebondissements d’après les anciennes grilles d’analyse. La révolution citoyenne est un processus. Pas un « matin du grand soir », à supposer qu’il y en ait jamais eu. Ce qui s’exprime à cette occasion est le produit des réalités nouvelles de notre temps lorsqu’elles conjuguent leurs effets. Une population urbanisée nombreuse et dense, massivement éduquée, comptant une population active féminine nombreuse et confrontée à des problèmes de vie quotidienne, abandonnée, produit une implacable volonté de maitrise du réel. Croire que ces mouvements s’abandonnent à des programmes idéologiques et se contentent d’une issue politique classique et institutionnelle est un contresens. Il fallait en avoir la preuve et je crois qu’elle vient de nous en être donnée.

Du coup je veux dire amicalement à tous ceux qui ont salué l’action des militaires qu’ils se trompent à mon avis lourdement. En premier lieu parce que c’est mettre le doigt dans un engrenage toujours perdant que de compter sur des coups de force militaire pour faire prévaloir la démocratie ou « la volonté générale ». Faire de l’armée l’arbitre de ce qui est bon ou mauvais et même l’instrument de ce que veut le peuple est une vue de l’esprit très dangereuse. Pour ma part j’y suis absolument et totalement hostile. Je m’empresse de préciser que ma condamnation vaut dans tous les cas. Je veux dire que les « coups d’Etat de gauche », s’il devait y en avoir, ne valent pas mieux à mes yeux que les coups d’Etat de droite. Pour moi le coup d’Etat de l’armée contre le président élu Morsi est un coup d’Etat de droite. Non que Morsi ait été si peu que ce soit de gauche : il était tout le contraire. Mais parce que l’armée, en intervenant, a retiré au peuple la gestion de la victoire qu’il était en train d’emporter par sa seule action. C’est pourquoi on doit s’attendre à de nouveaux rebondissements de l’action populaire. L’armée n’est pas là pour autre chose que pour contrôler la situation que l’action populaire veut contrôler elle aussi. Comme il n’y a pas de sortie de l’impasse sans de profondes et radicales transformations de la société égyptienne, les masses que l’on a vu surgir déjà deux fois ne se contenteront de l’idée d’être débarrassées de l’équipe Morsi. Il va falloir répondre aux exigences de démocratie, et aux demandes sociales qui sont le moteur de l’action populaire. L’idée que l’armée puisse s’en charger est une pure vue de l’esprit et la source de terribles confusions pour le futur.


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