"Homme politique" Une espèce, une caste uniforme, homogène, asexuée

lundi 26 août 2013.
 

Par Marie-George Buffet, Députée, ancienne ministre.

Je ne suis pas « un homme politique », je suis… une… femme… engagée… en politique. Ce simple rappel au sens des mots peut paraître anodin, pourtant, il est essentiel. La langue n’est pas neutre, elle reflète et porte ce que sont les représentations des rapports humains ou de force dans nos sociétés.

« L’homme politique » est devenu, à longueur d’antenne, une appellation contrôlée. « Vous qui êtes un homme politique », me dit-on  ! La politique serait donc affaire d’hommes et « l’homme politique » serait un sujet particulier, car si on ne conjugue aujourd’hui qu’au masculin les postes de responsabilité, on n’ose quand même pas parler d’homme PDG, d’homme bénévole ou d’homme boulanger ou d’homme médecin ou ouvrier…

« Les hommes politiques » dans le langage actuel c’est donc l’appellation sexuée du pouvoir  ! La fonction, le mandat, l’engagement, les institutions, le suffrage universel, les idées et programmes… tout cela est gommé. « Les hommes politiques » sont une espèce, une caste ou une classe uniforme, homogène, asexuée. Alors, si les « hommes politiques » sont des clones, il n’y a rien à espérer de la politique, rien ne peut surgir, ni espoir ni alternative. Passez votre route, braves gens, les « hommes politiques » règnent avec leurs discours identiques  !

Je suis une femme engagée en politique, comme il y a des hommes engagés en politique.

Reprenons. Petit 1  : Je suis une femme. Oui les filles, la politique, la vie de la cité ne se conjuguent pas qu’au masculin, malgré ce que vous entendez. Oui les filles, il y a des députées et Mme « le » Ministre ou Mme « le » conseiller d’État peuvent être enceintes. Cherchez l’erreur  ! Le combat féministe passe aussi par les mots car ceux-ci ont trop longtemps traduit et justifié la domination patriarcale ou le masculin était générique car dominant… les droits de l’homme  !

Petit 2  : engagée. Souvent, dans les classes où je vais débattre, des élèves me demandent quelle école il faut faire pour devenir « un homme politique », l’ENA, Sciences Po…  ? La politique n’est ni un métier ni une carrière liée à tel ou tel diplôme, même si hélas aujourd’hui… La politique est un engagement personnel et collectif pour servir, à partir d’une vision de la société, d’un idéal ou d’idées, le bien public. En démocratie, la politique ne donne et ne reprend pouvoir et responsabilité que par le suffrage universel.

Petit 3  : en politique. La politique – ce que font les hommes politiques – ce n’est pas mon affaire, CQFD. Non, tout cela, c’est ce que les « hommes politiques » veulent vous faire croire. Mais la politique, c’est tout autre chose. La politique, c’est la vie de la cité, c’est ce qui fonde les droits individuels et collectifs, le vivre-ensemble et la paix, du quartier au monde. C’est énorme, c’est gagner en liberté, c’est prendre en main sa vie et celle des citoyens et citoyennes du monde. C’est oser se révolter, c’est oser dire non ou oser construire au quotidien des réponses provisoires.

Régression ou source d’émancipation pour chacun et chacune, une idée est vérifiée, dans notre histoire et dans celle des révolutions de par le monde  : le peuple quand il se mobilise fait sa loi. Alors, exit « les hommes politiques », devenez toutes et tous des femmes et des hommes enga-gé-e-s, et pourquoi pas en politique  !

Marie-George Buffet


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