Armes chimiques utilisées en Syrie : Les preuves sont les bienvenues, s’il y en a !

jeudi 12 septembre 2013.
 

Il parait que le premier ministre va donner des preuves de la culpabilité du régime syrien dans l’attaque au gaz. Elles justifieraient la « punition » annoncée par François Hollande. Ces preuves seront les bienvenues. Ne doutons pas qu’elles seront examinées avec soin. Les précédentes « preuves » données par les Anglais et les nord-Américains à propos des armes de destruction massive irakiennes sont trop présentes à nos esprits pour qu’on puisse songer à nous en faire avaler un avatar. Ce que j’apprends à propos de ces « preuves » dans les avant papiers de la presse écrite que je découvre m’inspire un doute. Je veux l’argumenter. Nos agents auraient, grâce à des heures de travail, réussi à établir la nature et l’identité de gaz qui seraient dorénavant stockés par le régime de Bachar Al Assad. J’espère que ce n’est pas le seul argument que le premier ministre compte mettre sur la table. Car sinon on peut dire qu’il se tirerait une balle dans le pied. Voici pourquoi. La Syrie pas davantage que l’Égypte et quelques autres n’ont signé la convention d’interdiction de la production et de stockage des armes chimiques. De la même manière, Israël a signé mais ne l’a pas ratifiée. Pourquoi ces pays agissent-ils de cette façon ? Dans le secteur le raisonnement est le suivant : Israël a la bombe atomique pour dissuader ses voisins de l’agresser. Ses voisins ont les gaz pour rétablir l’équilibre avec la bombe. C’est le raisonnement classique de l’équilibre de la terreur. Si l’on ne cesse d’évoquer sur toutes les ondes la Convention de 1925 à propos des gaz de combat, c’est pour éviter de devoir faire état de la liste des signataires et des non signataires de cette Convention bien plus contemporaine de 1993, sur le même sujet, car elle pourrait soulever de nombreuses de nombreuses discussions dont certains pays donneurs de leçon d’aujourd’hui ne sortiraient pas forcément grandis.

C’est donc le moment de rappeler que si en effet l’utilisation des armes chimiques a été proscrite par tous les signataires de la Convention de 1925, cette convention ne comportait aucune mention d’obligation de détruire ou de cesser de produire des armes chimiques. Seul un engagement sur le refus de l’usage était visé. C’est bien pourquoi une nouvelle négociation a eu lieu qui a permis en 1993 la signature à Paris d’une nouvelle Convention interdisant la production et le stockage des armes chimiques et obligeant les États qui en possédaient ou qui en avait abandonné sur le territoire d’autres états, à les récupérer et à les détruire. Pour qu’il y ait eu besoin de signer un tel texte cela signifie qu’entre 1925 et 1993, des millions de tonnes de gaz toxique à usage militaire été produites par les États-Unis d’Amérique la Russie et quelques autres. En 1993 il fut décidé que toutes les armes seraient détruites à l’horizon de 2012. Les deux principaux détenteurs de ces matériels, les États-Unis et la Russie, ont demandé un nouveau délai pour achever la destruction de stocks car celle-ci n’a pas encore dépassé les 50 % dans ces pays.

Avant d’aller plus loin résumons. Ainsi, quoi que les armes chimiques soient un crime contre l’humanité ainsi que cela a été répété sur tous les tons depuis quelques jours, la Russie et les États-Unis d’Amérique en ont encore produit des quantités gigantesques entre 1925, date à laquelle ils ont signé qu’ils ne les utiliseraient pas, et 1993, date à laquelle ils ont convenu qu’ils acceptaient de détruire toutes celles qu’ils avaient néanmoins continuées à produire et à accumuler sous la forme de munitions de toutes sortes. Les États-Unis ne se sont pas contentés de produire et de stocker. Ils ont aussi utilisé, ne l’oublions jamais, leurs munitions chimiques. Pendant la guerre du Vietnam, des dizaines de milliers de tonnes de gaz orange ont été déversées sur ce petit pays et plus précisément sur 10 % de son territoire. « La guerre du Vietnam est la plus grande guerre chimique jamais menée dans l’histoire de l’humanité » avait alors déclaré l’amiral nord-américain Elmo R. Zumwalt, dont le propre fils était mort des conséquences de cet empoisonnement à l’âge de quarante-deux ans ! Et n’avons-nous pas appris récemment (Le Monde du 28 août 2013) que la CIA a aidé Saddam Hussein à gazer les troupes iraniennes en 1988, ce qui est l’attaque chimique la plus meurtrière de l’histoire.

Ce n’est pas tout. Il faut compléter le tableau du véritable portrait des donneurs de leçon de morale à propos des crimes contre l’humanité. En 1993, la diplomatie française était très active pour obtenir qu’en même temps que l’on condamnerait les armes chimiques, on condamnerait aussi des armes biologiques avec la même exigence de déclaration, de destruction, et de possibilités d’inspection des sites concernés. Les États-Unis d’Amérique s’y opposèrent. Une convention sur ce thème existait déjà depuis 1972, sur le modèle purement déclaratif de celle de 1925 à propos des armes chimiques. Son défaut était, là encore, de me permettre ni l’obligation de destruction des stocks accumulés ni les contrôles. Il n’y a aucun doute sur le fait que de telles armes continuent à être produites dans ce pays, comme dans ceux qui n’ont pas encore signé cette convention ou qui ne l’ont pas ratifiée, à l’instar d’Israël. La preuve en a été donnée lorsqu’il a été prouvé par le FBI que l’expéditeur des lettres contenant de l’anthrax était un chercheur nord-américain qui l’avait dérobé dans le laboratoire dans lequel il travaillait dans le Maryland. Mais avait-on vraiment besoin de cette preuve ?

Dans ces conditions si le premier ministre Jean-Marc Ayrault se contente de produire comme « preuves » des documents qui permettent de constater, en effet, que la Syrie a produit et stocké des armes chimiques, il ne prouve rien puisque ce pays n’a jamais signé la convention interdisant la production et le stockage de ces armes. En toute hypothèse, la production et la détention d’armes chimiques est le fait de très nombreux États dans le monde, encore à cette heure, et notamment de plusieurs voisins de la Syrie. Au demeurant ni les États-Unis ni la Russie n’ont réussi à tenir le délai de dix ans au cours duquel ils devaient détruire la totalité des stocks de ces armes. À cette heure, à peine 50 % ont été détruits. Ce qui reste représente des dizaines de milliers de tonnes de produits et de munitions. Si ce n’est pas la production et la détention d’armes chimiques qui peut constituer une preuve de quoi que ce soit, que faudrait-il pouvoir démontrer pour porter des accusations fondées ? Il doit démontrer que les munitions utilisées ont été tirées par le camp gouvernemental. Un doute existe à ce sujet. En effet, au mois de mai dernier, Madame Del Ponte, l’ancienne présidente du Tribunal Pénal International, au nom de la commission des Nations Unies, avait mis en cause clairement et très directement les « rebelles » comme ayant utilisé des gaz dans le combat contre leurs adversaires. D’où le ridicule de la formule de François Hollande selon lequel il faudrait punir « ceux qui ont utilisé l’arme chimique ». Car s’il est avéré que ce soit les milices opposantes, Hollande se propose-t-il de les « punir » ? Non bien sûr ! Hollande veut seulement frapper Al Assad. Et tout le reste est prétexte. Pourquoi alors ne pas le dire franchement ? Pour ne pas avoir à l’expliquer, tout simplement.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message