Nicolas Dupont-Aignan et la ligne grise

jeudi 19 septembre 2013.
 

Le président de Debout la République s’est fait une spécialité ces derniers temps de multiplier les sorties de route. Dernière en date : son soutien à Robert Ménard, star de la fachosphère.

Alors donc, Nicolas Dupont-Aignan, l’autoproclamé gaulliste suprême, le président fondateur de « Debout la République », est allé afficher son soutien à Robert Ménard, candidat « indépendant » et néanmoins adoubé par le Front National à la municipale de Béziers. En conférence de presse, samedi, il a fait mine de se tortiller, NDA, sur la question du soutien frontiste à son héros biterrois.

Il a fait mine, puis il a lâché, dans un simulacre de sagesse populaire, qu’après tout, qu’importait : « quand la maison brûle, on ne regarde pas la couleur du pompier. » Aphorisme suspect. Sapience faisandée.

À la vérité, il est toujours douteux d’entendre un politique, un intello, comme NDA, dégainer une variante de la machiavélique (au sens premier du terme) sentence : « la fin justifie les moyens ».

Au moins la formule du Prince avait-elle le mérite de la clarté. Au moins ne se planquait-elle pas derrière le recours sémantique aux gentils animaux à poils angora – « qu’importe que le chat soit noir ou gris, pourvu qu’il attrape les souris » avait ciselé, matois, Deng Xiaoping –, ou derrière l’innocent énoncé d’une recette de bistrot : « on ne fait pas d’omelettes sans casser d’œufs » (vous aurez reconnu la célèbre « fiche cuisine L », comme Lénine).

Nicolas Dupont Aignan, y ajoute donc la variante – déjà connue par les philosophes de comptoir – du si rassurant soldat du feu.

Eh bien, n’en déplaise à NDA, elle importe, à certains, la couleur du casque du pompier ! Et elle importe sacrément, même ! Car enfin, l’ex gauchiste de salon, Robert Ménard, pour lequel s’enflamme notre néo-gaulliste sourcilleux est plutôt du genre pyromane. Rappelons-le : en plus de se présenter à Béziers avec le soutien du Front National, Ménard, ci-devant naufragé de Reporters sans frontières (dont il occupa la présidence pendant 23 ans – à vie, on le lui refusa) est également une star de la fachosphère (à coups d’interventions vidéo dans les rassemblements du très sympathique Bloc identitaire), et une vedette du petit monde de l’ultra droite (il a, le 15 mai dernier, tenu conférence au Local du célèbre Skinhead en chef, Serge Ayoub). Et Dupont-Aignan le qualifie de « Jeanne D’Arc » ? Pourquoi ne pas y aller carrément, et dire De Gaulle ?!

Est-ce parce que sur les sujets économiques, NDA tient un discours très original, qui donne parfois à réfléchir, et souvent à débattre ? Est-ce parce que, dans la conversation, l’homme s’avère cultivé ?

Ou tout simplement parce qu’il a recueilli un score riquiqui à la présidentielle ? Par un mécanisme flou, Dupont-Aignan s’est en tout cas fait une spécialité ces derniers temps de multiplier les sorties de route – il avait également déclaré au Fig Mag qu’il prendrait Marine Le Pen dans un hypothétique gouvernement dont il serait le chef –, tout en réussissant, ensuite, à réintégrer, au moins médiatiquement, le fameux « arc républicain », à coups de démentis plus ou moins convaincants et de postures victimaires. Il faudrait que cela cesse.

L’homme a-t-il franchi la ligne grise « dans sa tête » ? La traverse-t-il opportunément, pour créer le buzz et attirer à lui l’attention de médias obnubilés par les grands partis (ce qu’il plaide en privé) ? Au fond : qu’importe. Dans la première hypothèse, Dupont Aignan ne fait plus partie du fameux « arc » ; dans la seconde, il est un autre – un tout petit – « voyou de la République » , qui joue avec le feu de pompiers pyromanes à des fins électoralistes et médiatiques… Dans les deux cas, elle est tombée bien bas, sa République « debout ».

Anne Rosencher - Marianne


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