Y a-t-il encore un peu d’écologie dans l’avion ?

dimanche 13 octobre 2013.
 

Il ne s’agit pas tant ici d’épiloguer sur les renoncements des membres du gouvernement d’Europe Ecologie Les Verts. Depuis le débarquement de Delphine Batho vécu comme un non-événement, le débat sur la transition énergétique trusté par les lobbies et vidé de son sens par l’annonce du report de la loi sur la transition énergétique à quelque part en 2014, le retrait de la taxe diesel pourtant présentée comme la carotte sensée calmer les Verts lors de leurs journées d’été à Marseille...il semble qu’aucune couleuvre ne soit trop grosse à avaler. En interne, malgré l’annonce d’un vote des militantEs à l’automne sur la participation gouvernementale qui devait s’appuyer sur un bilan étayé des ministres EELV en poste, il paraîtrait qu’on ne sait pas quelle « méthode » employer pour identifier clairement une ligne rouge.

Noël Mamère ne sait plus comment dire que le « non-ultimatum » sur la participation d’EELV au gouvernement lancé par son secrétaire national Pascal Durand la semaine dernière a fait « pschiiiit » et estime désormais que « rester au gouvernement serait suicidaire ». Par charité momentanée, on évoquera pas la prise de position des parlementaires d’EELV en faveur de l’intervention militaire de la France en Syrie - où la ligne rouge semble plus facile à identifier, subitement – ou encore le mutisme concernant la nouvelle politique industrielle de la France (sic) présentée le 12 septembre par Hollande et Montebourg, délectable mélange de cadeaux aux multinationales sur fond de green washing et de développement des nano et bio technologies de contrôle massif du vivant et des libertés.

Par charité encore, on n’appuiera pas sur la poursuite de l’industrie nucléaire et de son cortège de déchets nucléaires pendant qu’une opération de communication se déroule autour du site d’enfouissement de Bure (CIGEO), du projet d’aéroport à Notre Dame des Landes, du projet de mégascierie dans le bois du Tronçais(Morvan), et sur le fait que trois arrêtés, pris par Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, et Philippe Martin, ministre de l’écologie, relancent l’attribution de nouveaux permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux (PERH), à l’arrêt depuis plusieurs mois du fait notamment de la révision du code minier. Cela devrait de fait relancer les permis d’exploitation et de fracturation pour l’exploitation des gaz de schistes.

Tempête pour l’écologie, beau temps pour les multinationales

Sur fond d’austérité et de dégradation massive des conditions de vie de la population, sur fond de poursuite du réchauffement climatique dû à l’activité humaine et à son cortège de perte de la biodiversité, destruction d’habitats humains, animaux et végétaux, de pollution des ressources en eau, l’accélération de la course à l’intensification donne la chair de poule.

Ce n’est pas faute pourtant de voir se multiplier à tous les échelons jusqu’aux petites collectivité locales, des plans climat énergie, des schémas de développement durable, de cohérence territoriale, « climat air énergie », des plans de déplacements, etc. Avec tous le même diagnostic, souvent les mêmes préconisations : il faut drastiquement réduire la demande et la consommation en énergie pour espérer tenir les engagements de réduction d’émissions de gaz à effet de serre de 80% en 2050 (par rapport au niveau de 1990). Dans un maniement du paradoxe tout à fait terrifiant, le gouvernement juxtapose les constats et rapports sur la nécessaire transition énergétique, le recours à la sobriété, la protection de la santé publique, de la biodiversité avec des mesures régressives totales.

Ainsi, alors que débute ce 20 septembre la conférence gouvernementale, les associations Lanceurs d’alerte, notamment sur les questions de risques pour la santé (pesticides..) ont tout simplement été rayées de la liste des invités.

Le Réseau Action Climat France vient pour sa part d’adresser au gouvernement 1 Carton vert, 5 cartons jaunes, 9 Cartons rouges pour sa politique de lutte contre le réchauffement climatique.

La question de la fiscalité écologique est particulièrement débattue puisque le gouvernement prétend s’attaquer au problème tout en maintenant le principe (relatif) de neutralité fiscale, alors que c’est bien tout le système de contributions qu’il faudrait revoir pour amener des changements profonds dans les productions et comportements sans pénaliser socialement la population. Hollande a d’ores et déjà annoncé qu’il fallait poursuivre dans la voie du marché carbone et donc laisser le marché spéculer sur la pollution atmosphérique.

Le retour à la bougie, aux battues et aux élevages intensifs : c’est eux !

Du côté de l’agriculture et des conséquences sanitaires pour la santé de l’agro industrie, la Confédération Paysanne mène actuellement une action spectaculaire de démontage d’une ferme de 1000 vaches dans la Somme – autant dire une grosse usine à vaches et à méthane- dont l’installation a pourtant été autorisée par les services de l’Etat.

Toujours plus fort, l’installation d’élevages de plus de 2000 porcs ne sera plus soumise à enquête publique préalable. Un véritable affront à toutes les associations et populations mobilisées contre la pollution de l’eau aux nitrates et leurs « algues vertes », dont la célèbre association Eaux et Rivières de Bretagne. Cela répond exactement à la demande de la puissante Fédération Nationale Porcine, affiliée à la FNSEA, qui avait déjà fait déposer des amendements sous Fillon...auxquels les socialistes s’étaient opposés et que Bruno le Maire avait refusé de suivre. Plus d’un tiers du territoire français est déjà en zone de vulnérabilité aux nitrates, et pour cause de mauvaise application de la directive nitrates de 1991, la Cour de justice de l’Union Européenne a condamné la France, le 13 juin 2013, à 60 millions d’euros et à une astreinte de 150.000 euros par jour.

Enfin, et sans prétendre à l’exhaustivité de ce noir tableau, le ministère de l’Environnement vient d’autoriser le retour des battues aux loups, en permettant aux chasseurs des Alpes-Maritimes et du Var à tuer des loups au cours de leurs battues au « gibier » dans les secteurs concernés par des arrêtés de « tir de prélèvement », sans aucun encadrement officiel. Un gage donné au lobby de la chasse notamment, une politique qui refuse de se donner les moyens d’un pastoralisme compatible avec les enjeux de la biodiversité.

Le temps des responsabilités

Au temps des diagnostics et de l’analyse des causes doit maintenant succéder celui de l’action politique déterminée. John Abraham, physicien britannique explique ainsi à la veille de la publication du rapport du GIEC : "En un sens, le GIEC a terminé son travail. Pour son 5e rapport, il a synthétisé la science et fourni suffisamment d’arguments pour dire qu’il est temps d’agir. Combien d’autres rapports du genre nous faut-il ? Est-ce qu’un 6e rapport confirmant ce que nous savons déjà fera une différence ? Et un 7e ? Est-il nécessaire d’écrire de tels rapports tous les 5 à 6 ans ? »

La question est aussi anodine que « dans quel monde voulons-nous vivre ? », alors que le nombre et le coût des maladies professionnelles est en littérale explosion. C’est ce droit fondamental à un environnement vivable, condition d’une dignité humaine et démocratique, que le gouvernement s’emploie à fouler au pied en poursuivant tête baissée dans un productivisme hors d’âge et de raison, mais pas sans profits court-termistes à la clé.

Dans ce contexte, il n’y a sans doute plus guère de places pour les aménagements et petits arrangements entre amis. C’est pourquoi nous tendons la main à tous les écologistes sincères et soucieux d’une véritable cohésion sociale et environnementale, pour mettre en oeuvre un projet éco socialiste prenant à bras le corps les questions écologiques, énergétiques, d’emploi, de logement et de protection sociale. Maintenant.

Laurence Lyonnais


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