2 novembre 2013 Manifestation de Quimper (4 points de vue)

samedi 9 novembre 2013.
 

1) Bretagne : Nous n’avons pas manifesté avec le goupillon, le patronat, la droite et l’extrême-droite

La Bretagne vit à son tour une multiplication de fermeture d’entreprises ou d’établissements avec licenciements à la clé. Le modèle agro-alimentaire qui y est archi dominant est à bout de souffle. Les premières victimes en sont les agriculteurs et les salariés de l’agroalimentaire.

Mais le patronat essaie de détourner à son profit le mécontentement réel de la majorité de la population contre la situation économique et sociale actuelle. La manipulation est énorme lorsque les « saigneurs » de toujours récupèrent des symboles de luttes historiques comme les bonnets rouges.

Non les patrons, l’UMP et le FN ne défendent pas les intérêts des travailleurs. Ce sont les mêmes qui régulièrement appellent à casser les syndicats, à détruire les protections sociales, à aggraver les conditions de travail et à diminuer les salaires qui sont pour la manifestation de demain à Quimper. Ce sont les mêmes qui régulièrement accusent les travailleurs de violence qui ont soutenu la casse contre l’écotaxe.

Parce qu’il est hors de question de se fourvoyer dans une manifestation avec le FN, la droite et le Medef, le Parti de Gauche n’ira pas à Quimper. Il soutient la manifestation appelée par la CGT, la FSU et Solidaires à Carhaix pour la défense de l’emploi, contre les licenciements, pour la défense des services publics. Ses militants y seront présents avec le Front de Gauche et Raquel Garrido, secrétaire nationale du Parti de Gauche.

2) Le 2 novembre, en Bretagne chacun sa classe !

Jean Luc Mélenchon

Encouragé par la timidité et la pleutrerie du gouvernement qui leur cède tout, le patronat et les cléricaux des départements bretons vont faire manifester les nigauds pour défendre leur droit de transporter à bas coût des cochons d’un bout à l’autre de l’Europe dans des conditions honteuses.

A Quimper manifestent ceux qui veulent que continuent la souillure de notre belle Bretagne par les nitrates de l’agriculture productiviste.

A Quimper manifestent ceux qui veulent les salaires de misère pour les agriculteurs et le règne de la grande distribution.

A Quimper les esclaves manifesteront pour les droits de leurs maitres.

Les salariés des départements bretons ne doivent pas se tromper de colère ! Ils ne doivent pas aller baiser la main qui les frappe. Ils doivent manifester à Carhaix avec leurs syndicats de salariés et leur classe, leur camp, leur famille. S’ils aiment les symboles historiques, les Bretons qui réfléchissent préfèreront se souvenir de leurs ancêtres qui déclenchèrent la grande révolution de 1789 contre les privilèges des riches et créèrent le club des jacobins plutôt que de marcher derrière les saigneurs de leur époque !

4) Vivent les bonnets rouges, notre belle Bretagne ouvrière et paysanne !

 !

par Robert Duguet

La manifestation de Quimper du samedi 2 novembre révèle plusieurs choses importantes dans la situation politique et sociale actuelle, l’une concerne son caractère, l’autre la manière dont les différentes forces politiques se sont disposées par rapport à elle ; au premier chef la façon dont le Front de Gauche, et son porte-parole Jean Luc Mélenchon a pris position contre elle, en convoquant une contre-manifestation à Carhaix.

Quelles forces sociales se sont donc mobilisées le 2 novembre ? On pouvait observer les cortèges de Gad, Doux, Marine Harvest, Tilly Sabco. Il y avait beaucoup de couches sociales lourdement frappées par la crise, petits commerçants, artisans, paysans, marins-pêcheurs. Des petits patrons, comme cette « chef d’entreprise » d’un restaurant interviewée qui gagne finalement 1400 euros par mois pour 70 heures par semaine et qui ne peut payer ses quelques salariés que « seulement 1180 euros ». Qui oserait comparer ces centaines de petits entrepreneurs ruinés par la crise et l’Europe néo-libérale aux entreprises du CAC 40 ? Par ailleurs cette manifestation a été à l’origine convoquée par un appel de Carhaix et des travailleurs de l’usine de Marine Harvest frappés par une fermeture et de plusieurs centaines de licenciements ; le lien s’est opéré ensuite dans la semaine du 14 au 20 octobre avec les GAD. Le vecteur de la mobilisation massive à Quimper a été déterminé par une réaction ouvrière entrainant dans son sillage la mobilisation des paysans, les retraités et des couches sociales frappées par la désorganisation économique d’une région.

Quand une politique économique conduit à l’effondrement économique d’un pays et d’une région, un moment donné cela casse. Une réaction ouvrière entraine derrière elle toutes les couches plombées par la crise. En haut toutes les politiques de gauche et de droite ont mené aux mêmes résultats, en bas, ceux que Mélenchon désigne comme « nigauds » et « esclaves de leurs bourreaux » ne peuvent plus simplement vivre et satisfaire leurs aspirations matérielles immédiates. Alors s’ouvre un processus de déstabilisation des relations sociales, cela s’appelle le début d’un processus révolutionnaire. Le rôle d’une organisation, ou d’un cartel d’organisations qui prétend ouvrir une recomposition politique à gauche, c’est le cas du Front de Gauche, consisterait à se situer dans le processus même de cette mobilisation, de l’accompagner pour lui donner une perspective politique. En l’absence de cette présence et de cette action, on laisse le terrain libre à d’autres forces. L’histoire des processus révolutionnaires dans les pays arabes devrait être là pour nous rappeler qu’en l’absence de perspectives anticapitalistes les forces réactionnaires, en l’occurrence qu’il s’agisse de l’islamisme radical ou modéré, sont à l’œuvre. Et elles nous l’ont bien démontré. Bien sûr que dans la manifestation de Quimper, et en l’absence des organisations syndicales confédérées en tant que telles, sauf FO, des représentants de la droite, par ailleurs assez peu nombreux, un FN à l’état symbolique et les représentants de l’agriculture intensive (FDSEA) ont mis le paquet pour instrumentaliser le mouvement. Des tracteurs, quelques camions, de petits groupes d’identitaires non identifiés, ont déployé et replié en quelques minutes la banderole « Hollande démission » sur les rives de l’Odet et une autre fois sur le haut du mont Frugy, cette colline qui domine le centre-ville et la place de la Résistance où était convoquée la manifestation. Cette banderole n’était par ailleurs signée par aucune organisation. Selon la presse régionale de dimanche matin ce sont eux qui se sont affrontés aux flics et ont agressé un jeune black. Les témoignages remontant ici et là sur internet indique la présence d’un cortège politique du NPA, des Alternatifs, de Breiz Résistance, SLB et de nombreux militants du FdG mais aussi d’ATTAC et des verts, des Zadistes mais aussi de la FSU. Un cortège de l’UDB (Union démocratique Bretonne) était fort de plusieurs centaines de personnes. Présents de nombreux syndicalistes FO ou CGT, ne comprenant pas la position de leur confédération.

Voilà la réalité des faits.

L’autre réalité c’est la convocation à Carhaix par trois appareils syndicaux FSU, CGT et Sud Solidaires d’une manifestation soutenue par le Front de Gauche et par la fédération communiste du Finistère posée comme une contre-manifestation et caractérisant celle de Quimper comme une manifestation au service des intérêts patronaux. Ils auront regroupé à grand peine, derrière les directions syndicales, moins de 2000 personnes, avec la participation de Durand, porte-parole d’EELV et le soutien du maire PS de Quimper, Bernard Poignant, par ailleurs un des conseillers de François Hollande. Celui-ci a déclaré : « si j’avais à choisir, j’irais à la manifestation à Carhaix pas à celle de Quimper ». (Interview I Télé, 2-11).

Une déclaration régionale commune CGT-FSU stipule :

« Les « bourreaux » sont aux commandes de cette manœuvre et se servent de leurs victimes pour faire en même temps bouclier et bélier. Ils voudraient que les salariés oublient qu’ils ont toujours soutenu les politiques néolibérales responsables de la crise actuelle et que leur « modèle agricole breton » est aujourd’hui une faillite économique, sociale et environnementale.

Les manipulations sont lourdes puisque ce sont les « seigneurs de jadis » qui portent maintenant le bonnet rouge contre le peuple. Les initiateurs de la manifestation du 2 novembre à Quimper ne portent pas les revendications des salariés. »

Que de vertu déployée par une CGT et son porte-parole Thierry Le Paon qui participe, sans aucun mandat de son organisation, à un club de type corporatiste, Quadrilatère, qui regroupe des hauts responsables du MEDEF et des « représentants » des syndicats.

En tant que porte-parole du Front de Gauche Jean Luc Mélenchon, déclare :

« Le 2 novembre, en Bretagne chacun sa classe !

Encouragé par la timidité et la pleutrerie du gouvernement qui leur cède tout, le patronat et les cléricaux des départements bretons vont faire manifester les nigauds pour défendre leur droit de transporter à bas coût des cochons d’un bout à l’autre de l’Europe dans des conditions honteuses. A Quimper manifestent ceux qui veulent que continuent la souillure de notre belle Bretagne par les nitrates de l’agriculture productiviste. A Quimper manifestent ceux qui veulent les salaires de misère pour les agriculteurs et le règne de la grande distribution. A Quimper les esclaves manifesteront pour les droits de leurs maîtres. Les salariés des départements bretons ne doivent pas se tromper de colère ! Ils ne doivent pas aller baiser la main qui les frappe. Ils doivent manifester à Carhaix avec leurs syndicats de salariés et leur classe, leur camp, leur famille. S’ils aiment les symboles historiques, les bretons qui réfléchissent préféreront se souvenir de leurs ancêtres qui déclenchèrent la grande révolution de 1789 contre les privilèges des riches et créèrent le club des jacobins plutôt que de marcher derrière les saigneurs de leur époque ! »

Cette position, discutée dans le silence feutré des moquettes entre les « importants » de quelques appareils syndicaux et politiques, loin des bruits d’une foule en colère, est intolérable ; la Bretagne ouvrière y a répondu. La manifestation de Carhaix fut un échec. Quand le grand chef a appuyé sur le bouton de commande, les « nigauds » se sont obstinés à aller là où ils estimaient juste de devoir aller, à Quimper. Depuis la campagne présidentielle de 2012, le Front de Gauche ne trouve pas sa place comme mouvement politique de masse. Il reste un cartel électoral et les deux principales organisations qui l’ont fondé, le PG et le PCF, refusent en fait qu’il devienne un vrai front politique intervenant dans tous les aspects de la vie sociale. Je crains que ce qui guide aujourd’hui sa direction, et particulièrement Jean Luc Mélenchon, c’est essentiellement un accord électoral avec un bout de l’écologie politique qui, si elle est en rupture avec le PS, est très loin de partager nos positions en rupture avec le néo-libéralisme.

L’éditorial de Respublica du 4 novembre note à juste titre à propos de l’écologie politique et de l’écotaxe :

« …la fiscalité écologique est une fois de plus dirigée contre les ouvriers, les employés et les couches moyennes intermédiaires, et au bénéfice des couches moyennes supérieures, comme souvent avec l’alliance PS-EELV. Avant-hier la taxe carbone pénalisait les ouvriers, les employés et les couches intermédiaires des zones péri-urbaines qui n’ont pas de service public de transport. Hier, une loi habitat dite Duflot protégeait la propriété lucrative immobilière des propriétaires des couches moyennes supérieures. Aujourd’hui, une écotaxe pèse sur les produits bretons situés à 350-400 km de Paris tout en épargnant les produits venus de plusieurs milliers de kilomètres et protégés par le libre-échange néolibéral ! L’écologie néo-libérale n’est qu’un alibi au matraquage fiscal des couches les plus fragiles. »

Quand un mouvement politique dénonce un processus révolutionnaire naissant, qu’expriment des dizaines de milliers d’hommes et de femmes étranglés par cette abominable crise que nous traversons, on va devoir s’interroger sur son avenir. Le blog du 6 novembre de Jean Luc Mélenchon dit ceci :

« Depuis Quimper, nous sommes entrés à présent de plein pied dans un temps plein électoral jusqu’à juin prochain avec les élections municipales et européennes. » Entre un accord électoraliste avec l’écologie politique qui s’assied sur les intérêts de la Bretagne ouvrière et « sa classe », il faut choisir sa classe. Nul doute que les positions prises par la CGT et le Front de Gauche en particulier vont avoir des conséquences chez les militants syndicaux ou politiques de gauche, et particulièrement dans les unités locales et régionales du Front de Gauche.

Quant à exercer un humour mélenchonien déplacé sur le symbole du bonnet rouge, l’intéressé, s’il connaît un peu l’histoire profonde de cette région, aurait dû une fois de plus tourner sept fois sa langue dans sa bouche. La révolte de 1675, comme celle de Franche Comté de la même époque, étaient des guerres de paysans de résistance au fermage et portant la revendication de la terre à qui la travaille. Ces révoltes se déroulent conjointement à l’aspiration de la gestion démocratique communale. Ces deux processus sociaux qui traversent la société d’ancien régime annoncent l’aube des révolutions bourgeoises. Que des milliers d’hommes et de femmes, à qui la crise actuelle refuse les apports élémentaires d’une vie décente, qui constatent que toutes les politiques de droite et de gauche mènent à la bérésina actuelle, se mobilisent et coiffent ce bonnet rouge, lourd de signification historique, cela devrait interpeller le grand tribun Jean Luc Mélenchon et ceux qui, dans le front de gauche, traitent avec morgue ce mouvement social. Je suis pour le moins médusé d’entendre dans certaines organisations du Front de Gauche, par ailleurs issues de tradition révolutionnaire, caractériser ce mouvement de réactionnaire. A gauche on mange du caviar, ce qui permet d’être sourd au vacarme de la place publique, mais pas seulement à Solferino. Toujours dans son blog du 6 novembre Jean Luc Mélenchon écrit :

« Si l’on prend un peu de hauteur sur les événements et qu’on regarde la scène vue depuis son ensemble européen, l’enjeu est singulièrement simple : où la chaîne du néolibéralisme à bout de souffle va-t-elle craquer ? Dans quel pays, et de quel côté politique ? La rupture à venir sera-t-elle de notre côté ou d’extrême droite ? C’est dans ce cadre que les manifestations dans les départements bretons prennent leur place. »

Elle a commencé à craquer en Bretagne, mais le Front de Gauche n’était pas à la bonne place. Alors on fait quoi maintenant ! On continue à courtiser l’écologie politique et à défendre une écologie à usage des couches aisées ou on se tourne vers l’écrasante majorité des acteurs du 2 novembre ? Continuer sur la ligne d’après Carhaix, c’est laisser une place royale au FN dans les urnes demain et plus tard dans le mouvement social, comme parti fasciste en formation.

PS : Deux poids, deux mesures…

Au moment où je termine cet article je reçois un « appel des élus contre la privatisation des autoroutes », dont les premiers signataires sont Jean Luc Mélenchon et Martine Billard pour le Parti Gauche, Nicolas Dupont-Aignan, député maire de Yerres et animateur de Debout la République et Jacques Myard, député maire UMP de Maisons-Laffitte. Qui est Monsieur Dupont-Aignan, outre le fait qu’il multiplie dans sa commune les délégations de service public, qui ne sont pas autre chose que des privatisations des services municipaux, cet homme politique organise aujourd’hui des passerelles entre la droite traditionnelle et le FN. N’a-t-il pas déclaré, lors de la récente présidentielle, qu’en cas d’élection, Marine Le Pen serait pour lui un bon premier ministre… Ainsi on ne rechigne pas ici à signer des pétitions avec des responsables de droite, voire qui évoluent vers l’extrême droite, en revanche défiler avec les « nigauds » de Quimper et le petit patronat breton étranglé par la crise, c’est de la collaboration de classe… reprenez vous camarades !

5) Les bonnets rouges sont de retour

par Evariste, journal électronique Respublica, édition du 4 novembre

http://www.gaucherepublicaine.org/

Comme en septembre 1675, une « goutte d’eau a fait déborder le vase », c’était hier des taxes pour financer la guerre contre la Hollande [sic !], c’est aujourd’hui l’écotaxe, destinée à financer l’infrastructure financière. Comme en septembre 1675, la révolte bretonne est sans doute annonciatrice d’une révolution en gestation. Car une « analyse concrète de la situation concrète » montre que le mal est plus profond. Fermeture d’une myriade de PME avec des licenciements à la clé dans des bassins d’emplois mono-activité, crise de la filière agro-alimentaire avec effet d’entraînement en amont sur l’agriculture elle-même, pauvreté, misère et déclassement sont à l’œuvre en Bretagne. Le modèle économique breton subit de plein fouet le dumping salarial allemand organisé par « l’amitié franco-allemande » via les « salariés détachés » sans aucune protection sociale : avec près de 7 millions de salaires inférieurs à 8,5 euros de l’heure et plusieurs millions à 400 euros par mois, la déflation des salaires allemands ôte toute compétitivité aux abattoirs bretons.

Et nos gouvernants ordo-libéraux, ceux de gauche emboîtant le pas de leurs prédécesseurs de de droite, ne trouvent rien de mieux que de charger la barque en accroissant le prix des transports, avec une fiscalité écologique censée être une incitation à la relocalisation. Sarko-Borloo l’avaient rêvée, avec le Grenelle de l’environnement, Hollande-Duflot l’ont tentée, mais l’écotaxe connaît le même sort que la TVA dite sociale ou anti-délocalisations : ça fait pschitt. Ce n’est pas surprenant parce que les deux reposent sur la même conception économique : suivant les principes de l’économie de marché, une taxe bien calibrée sur la consommation, finale ou intermédiaire, de biens ou services permet d’orienter les comportements d’achat dans le sens souhaité par les autorités en charge de l’intérêt général.

Dans la vraie vie, ce beau principe n’est que du pipeau, tant il pose de problèmes. Il supposerait en particulier que le marché puisse fournir sans restriction les produits alternatifs à ceux dont on veut limiter l’usage et que l’utilisateur ne se reporte pas sur pire. Pénaliser le fumeur, bien sûr, mais le pauvre sera plus touché que le riche, et, double peine, le pauvre sera conduit à fumer de la contrefaçon, certainement plus nocive encore ! Ensuite, l’alternative n’est pas nécessairement privée : quant au transport, la substitution du train au camion suppose des voies ferrées, mais on sait combien la SNCF est incapable d’organiser le transport du fret. Et ce n’est pas en mettant l’argent dans les LGV pour cadres supérieurs ou dans les aéroports pour les mêmes en internationalisé que l’on va réduire le transport des cochons par camion.

Pour faire passer la pilule, on nous a présenté l’écotaxe comme « relocalisante » : le renchérissement du transport rendrait aux abattoirs bretons leur rentabilité, mais on ne nous dit pas à quel taux elle sera efficace, car il faudrait savoir quelle sera la réaction allemande. Or ce n’est pas un phénomène de marché, mais une décision politique, et les possibilités sont multiples. En réalité, une taxe qui prétend modifier les comportements ne peut être plus qu’une recette supplémentaire, elle sera alors calculée de sorte qu’elle fasse entrer de l’argent : sur le carburant, le tabac, etc., on sait de combien de pour cent diminue la consommation après 1 % de hausse du prix, le rapport entre les deux s’appelle l’élasticité de la demande ; après il n’y a plus qu’à ajuster l’arbitrage entre rentrées fiscales et effets santé ou autres en veillant à ne pas trop faire baisser la demande, de sorte que, pour le tabac, par exemple, les rentrées fiscales ne baissent pas au-delà des économies de consultations, médicaments, hospitalisation, etc., sinon l’État est perdant, et c’est de l’argent gaspillé, n’est-ce pas.

Même chose pour faire du « transport durable », il faut des alternatives crédibles, et quoi qu’il en soit, quelqu’un paiera la casse. Ainsi, l’Allemagne se porte bien au prix d’un énorme abaissement des bas salaires organisé par les socialistes du SPD du temps de Schröder et continué par la droite néolibérale de Merkel. À l’autre bout de l’échelle, les Allemands les plus riches prospèrent.1

De même, en France, la fiscalité écologique est une fois de plus dirigée contre les ouvriers, les employés et les couches moyennes intermédiaires, et au bénéfice des couches moyennes supérieures, comme souvent avec l’alliance PS-EELV. Avant-hier la taxe carbone pénalisait les ouvriers, les employés et les couches intermédiaires des zones péri-urbaines qui n’ont pas de service public de transport. Hier, une loi habitat dite Duflot protégeait la propriété lucrative immobilière des propriétaires des couches moyennes supérieures. Aujourd’hui, une écotaxe pèse sur les produits bretons situés à 350-400 km de Paris tout en épargnant les produits venus de plusieurs milliers de kilomètres et protégés par le libre-échange néolibéral ! L’écologie néo-libérale n’est qu’un alibi au matraquage fiscal des couches les plus fragiles.

Plusieurs organisations politiques ou syndicales de gauche fustigent ce mouvement parce qu’il est interclassiste et disparate (des élus de gauche, des petits patrons, des agriculteurs de la FNSEA, des ouvriers, des employés, etc.). Sans doute aurait-il été préférable que ces organisations soient capables de représenter la révolte bretonne. Malheureusement, elles n’ont pas été à la hauteur des enjeux et n’ont pas pris la mesure du « ras le bol » social de cette région, qui s’est donc cristallisé en mouvement interclassiste.

Au lieu de raisonner abstraitement en termes de classes désincarnées et de traiter d’ « esclaves » et de « nigauds » ces salariés qui se rangent derrière qui ils peuvent, les organisations syndicales et politiques de gauche seraient mieux inspirées de procéder à une analyse concrète de la situation. Elles pourraient alors être en mesure de proposer une réelle alternative aux politiques néolibérales définies au niveau européen (ici, via la directive « salariés détachés »), relayées localement par des élus de droite ou de gauche et largement soutenues par le patronat.

Pas plus que les élus locaux néolibéraux de gauche ou de droite, le gouvernement n’est en phase avec la révolte. Nous avons besoin d’un changement de modèle culturel, social, économique et politique.


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