Projet de loi sur la prostitution : "Pourquoi je vote pour" par Marie-George Buffet

samedi 7 décembre 2013.
 

La proposition de loi visant à pénaliser les clients des prostituées a été adoptée ce mercredi 5 décembre 2013 à l’Assemblée. Les députés ont voté le texte par une majorité de 268 voix contre 138, 79 s’abstenant. Retouvez en intégralité, les explications de vote de la députée communiste FG de Seine-St-Denis et ancienne ministre, Marie-George Buffet.

Nous vivons un moment important dans l’histoire de notre assemblée, un moment qui va compter pour l’émancipation humaine, Nous allons, je l’espère, dans quelques minutes adopter un texte de loi qui va dire : la société doit se libèrer d’un système d’exploitation et de domination : le système prostitutionnel. Nous allons enfin faire vivre la position abolitionniste adoptée par la France en 1960. Nous répondons ainsi positivement aux 55 associations regroupées dans le collectif « abolition 2012 ».

Cette loi représente, d’abord, une nouvelle étape dans la libération des femmes, qui, nous l’avons rappelé tout au long de notre très riche débat, constituent plus de 85% des personnes prostituées.

Car, la prostitution n’est pas le plus vieux « métier » du monde, comme certains se plaisent à le dire. Non, la prostitution n’est qu’une des plus violentes expressions du système patriarcal. Cette réalité doit être dite- et nous l’avons fait dans le travail de la commission spéciale et dans cet hémicycle.

Comment appeler autrement le choix d’un individu à disposer d’un corps et de l’intimité d’un être humain au travers d’un rapport, imposé par l’argent. Dans la prostitution, il n’y a pas de contrat entre deux personnes libres, mais bien quelqu’un qui décide et quelqu’un qui subit.

Nous avons eu, dans le débat, de nombreuses interventions citant des médecins, des associations, des femmes, montrant la brutalité de cette violence, y compris à travers la parole de clients. Cette loi va donc aider toutes celles et tous ceux qui veulent en sortir avec des mesures permettant à chacune et chacun de reprendre sa place dans la société.

La prostitution, c’est aussi la traite des êtres humains, un trafic mondial très lucratif pour les réseaux qui l’organisent. Il génère un profit annuel de 32 milliards d’euros, avec un « chiffre d’affaires » annuel de 3 milliards d’euros en France. On ne parle donc pas ici de rapports humains, mais de rapports de domination marchands, basés sur la violence. Et c’est contre cela que nous combattons. C’est pour cela que nous inversons la charge de la culpabilité en la faisant désormais porter sur ceux qui profitent de ce système inhumain : d’abord les réseaux de traite, les proxénètes mais aussi les clients qui à 99% sont des hommes.

Cher-e-s collègues, Nous ne parlons pas d’une situation virtuelle où la « prostitution serait libre » et où les personnes prostituées feraient le choix de vivre de « leurs charmes » ! Non, nous parlons d’une réalité sordide qui comme le dit si bien l’association « zéro macho », porte aussi atteinte à la dignité des hommes. Car loin de participer à leur liberté sexuelle, cela les enchaine à une conception de la sexualité empreinte de frustration et de domination. Sans client il n’y a pas de prostitution, sans demande, pas besoin d’organiser le commerce humain.

Pour abolir ce système inhumain, il faut donc responsabiliser ceux qui font le choix de l’utiliser. C’est pour cela que nous décidons de pénaliser celui qu’on appelle le client.

Pour que la société ait les moyens de poser l’interdit de la marchandisation des corps et d’avancer ainsi vers plus d’émancipation humaine. Ce n’est ni la morale ni la volonté d’une société régimentaire qui nous anime. Mais une volonté émancipatrice. Car la liberté ne s’achète pas. Comme elle n’est pas non plus synonyme de propriété, surtout lorsque l’on parle d’humanité ! Dans le domaine de l’acte sexuel comme dans d’autres, les êtres humains ont droit à d’autres rapports que ceux guidés par la loi du plus fort, par la loi du tout marchand.

Nous avons donc à faire un choix politique. Non pas, je le répète, au nom de la morale, mais à partir d’une conception que nous avons de la société et du sens que nous voulons lui donner.

Et ainsi nous nous mobilisons pour faire avancer les mentalités.

Car pour leurs droits, les femmes doivent pouvoir s’appuyer sur des lois pour conquérir des droits, et faire changer le regard de la société à leur égard en utilisant ces droits. Nous bousculons les représentations ancestrales enfermant les femmes dans l’image de « la maman et de la putain » telle que l’a dénoncée Simone de Beauvoir.

C’est donc au nom de la liberté de la personne humaine, au nom du droit à l’égalité des femmes et des hommes que je souhaite, avec le groupe GDR, que notre assemblée adopte ce texte.

Pour faire avancer l’Humanité.


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