IME de Moussaron (Gers) pour enfants handicapés : Cela ressemble à du Zola mais ce n’est pas de la fiction

samedi 7 décembre 2013.
 

« Nous exigeons une direction entièrement renouvelée » : l’Association des paralysés de France (APF), Autisme Gers et la CGT-Santé du Gers appellent à une manifestation, dimanche 8 décembre à 10 heures, devant l’Institut médico-éducatif Moussaron, convaincu de « maltraitance institutionnelle » par l’Agence régionale de santé Midi-Pyrénées.

A) Appel à manifester le 8 décembre devant l’IME Moussaron

Marie-Arlette Carlotti, la ministre déléguée aux personnes handicapées, a demandé, le 27 novembre, le placement de cet IME, basé à Condom (Gers), sous administration provisoire. Cet administrateur n’a pas encore été nommé mais devrait l’être d’ici la fin de cette semaine, selon l’ARS. Aurélie Doazan, l’actuelle directrice générale, la fille des propriétaires et fondateurs de cet établissement privé, a expliqué à Sud-Ouest qu’elle conservera son poste mais sera placée sous l’autorité de cet administrateur qui « va venir une fois tous les quinze jours ». Insuffisant pour l’APF, Autisme Gers et la CGT-Santé.

« L’arrivée de l’administrateur provisoire devrait permettre d’accélérer la mise en œuvre des préconisations de l’ARS, comme la mise aux normes des bâtiments par exemple, précise Anne-Marie Nunes, la représentante de l’APF dans le Gers. Mais cela ne suffit pas, il faut aussi une véritable éthique dans la prise en charge adaptée aux enfants en situation de handicap. Comment imaginer que la même équipe de direction puisse en être capable aujourd’hui ? » Le rapport de l’ARS établit que « la majorité des dysfonctionnements graves » perdure depuis au moins 1997.

B) Moussaron (Gers) : Les “dysfonctionnements” du médico-social

Les faits se déroulent aujourd’hui, en France, dans le Gers, au sein de l’IME (Institut Médico-Educatif) de Moussaron. Située dans la ville de Condom, cette “entreprise” privée à but lucratif (il en existe 6 dans l’Hexagone) accueille 80 enfants, adolescents et jeunes adultes en situation de handicap lourd qui viennent d’Aquitaine et d’Ile-de-France. “Accueille” est une manière de parler si l’on en juge d’après les témoignages suivants.

Les plus jeunes, privés de doudou, seraient habillés de vêtements et sous-vêtements souvent très usagés communs à tous. Certaines unités dépourvues de point d’eau et de WC condamnent les pensionnaires à l’usage du pot. Le matériel est si vétuste et inadapté qu’un enfant a failli s’étouffer, coincé dans les barreaux de son lit. Pire, des enfants, en l’absence de soins nécessaires, seraient purement et simplement décédés. Une salariée du Moussaron explique avoir ainsi “retrouvé une résidente dans son lit, recroquevillée dans son vomi. J’ai alerté à de multiples reprises la direction et la directrice médicale, car les éducateurs n’ont pas le droit d’appeler le 15. La résidente n’a été prise en charge par le SAMU que le lendemain matin. Elle est décédée à l’hôpital.”

Cette situation ne date pas d’hier. Elle est dénoncée depuis 1999. Le 21 novembre dernier, le Collectif de l’Institut du Moussaron a donné une conférence de presse à Auch pour y dénoncer une fois encore les graves dysfonctionnements et manquements de soins dans l’institution. “Nous (Collectif de Moussaron composé de salariés et ex-salariés de l’institut, de l’association des Paralysés de France, d’Autisme-Gers, de la CGT santé du Gers et de parents de résidents), avons alerté l’ARS (Agence Régionale de Santé), comme l’impose la loi dès la connaissance d’une maltraitance. Nous avons également prévenu la préfecture, les services vétérinaires et l’inspection du Travail qui se sont rendus sur le site. La contention chimique a remplacé la contention physique (sans protocole médical) ; les jeunes sont enfermés la nuit dans des box sans eau ni toilettes, car ils “déchireraient” leurs vêtements ; ils ne font pas non plus l’objet d’un suivi médical spécialisé : pas de neurologue (ce qui est très grave pour les épileptiques), pas de suivi dentaire, gynécologique, pas de traitements de la douleur… L’ARS Midi-Pyrénées a diligenté une enquête et rendu un rapport accablant daté du 11 octobre dernier qui fait état des graves dysfonctionnements que nous avions signalés. Malgré cela, l’établissement n’a pas été mis sous tutelle et la famille qui le dirige reste en place…”

Une mobilisation a été décidée pour le 8 décembre afin d’amener l’ARS à plus de cohérence et qu’elle nomme un administrateur pour prendre les mesures qui s’imposent : locaux adaptés, accessibles répondant aux normes d’hygiène et de sécurité, du matériel et des équipements conçus pour les troubles et pathologies spécifiques ainsi que du personnel soignant formé en nombre suffisant. Le Collectif souhaite également une enquête sur les comptes de l’institution afin de savoir où sont passés les fonds versés par les pouvoirs publics pour les travaux d’humanisation et espère que cet établissement privé à but lucratif puisse être repris par une association spécialisée.

Suite à la médiatisation de l’affaire, à l’annonce de la mobilisation du 8, au soutien du Parti de Gauche, et à celui de Jean-Luc Mélenchon député européen de la circonscription sud-ouest, Marie-Arlette Carlotti, la ministre délguée aux personnes handicapées a fini par nommer un administrateur provisoire. Tout en se félicitant de cette avancée, le Collectif appelle à la vigilance pour s’assurer que cette tutelle décidera des mesures nécessaires. Le Parti de Gauche s’associe à l’appel au rassemblement du décembre, à 10 heures, devant l’IME de Moussaron.

Marie-Laure Darrigade Bellocq, Secrétaire Nationale du Parti de Gauche à l’Enfance, la Santé et la Protection sociale, Jean-Luc Bertet


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