Dix-huit mois après une victoire électorale qui avait suscité de grandes attentes, la France se retrouve d’évidence au seuil d’une importante tourmente, d’une crise majeure porteuse de grands dangers pour le peuple, le mouvement ouvrier, la gauche.

La politique mise en œuvre par François Hollande et son gouvernement ne peut déboucher sur aucune relance durable de l’économie, elle ne saurait faire refluer le chômage et la précarité. Au contraire, l’austérité imposée au pays au nom de la « compétitivité » et en vertu d’un traité budgétaire ayant déjà enfoncé l’Europe dans le marasme encourage les logiques financières destructrices d’emplois et de droits collectifs pour les salariés. À travers les coupes claires réalisées dans la dépense publique et en soumettant le plus grand nombre à un impôt toujours plus injuste dans la mesure où il est toujours plus favorable au capital, elle asphyxie l’investissement productif, étrangle les services publics, interdit aux collectivités locales d’assumer leurs missions, dégrade considérablement les conditions de vie. Elle suscite donc une immense colère mais entraîne également le désarroi, la désespérance, un profond éloignement de la politique. Les coups portés au monde du travail, à travers par exemple la mise en cause du code du travail avec l’ANI ou la nouvelle attaque du droit à la retraite à 60 ans, affaiblissent le mouvement syndical, le divisent, le paralysent.

À gauche, sous l’effet du reniement de toutes les promesses des campagnes électorales de 2012, c’est la tétanie et la désorientation qui dominent, c’est le sentiment d’impuissance qui se répand, ce sont des repères fondamentaux qui s’évanouissent, jusque sur le terrain de la lutte contre le racisme et la xénophobie. Le risque apparaît chaque jour plus grand que ce soit une droite extrémisée et une extrême droite s’affirmant candidate au pouvoir qui profitent de ce rapport de force dégradé, comme des angoisses et de l’exaspération croissantes du pays. Nul ne peut, nul ne doit s’y résigner. Un sursaut collectif peut encore nous éviter un chaos social et une débâcle politique sans précédent depuis la Libération, sur fond de régression mettant en cause les principes fondamentaux de la République dans un contexte de fractures de la société dont se nourrissent les courants les plus réactionnaires.

Le Front de gauche, dont nous avons été l’une des trois forces initiatrices, trouve ici sa feuille de route pour le futur. Ses succès électoraux des cinq dernières années, et tout particulièrement le formidable écho de sa campagne pour la présidentielle autour de la candidature de Jean-Luc Mélenchon, en font une référence pour des millions d’hommes et de femmes de gauche. Sa capacité d’initiative lui a permis, à plusieurs reprises déjà, et notamment le 1° décembre contre l’injustice fiscale, de réunir des dizaines de milliers de personnes exprimant dans la rue leur volonté de faire exister une gauche digne de ce nom. Il lui revient donc, fort de ses acquis, d’être au point de départ d’un puissant mouvement unitaire en faveur d’un changement radical de cap, la seule perspective à même de remettre en marche notre camp, de réveiller l’espoir au sein du peuple de gauche.

Quelles que soient les différences qui s’expriment entre ses diverses composantes, notamment à propos des élections municipales dans un certain nombre de grandes villes, le Front de gauche doit savoir préserver l’unité qui l’a porté de succès en succès depuis bientôt cinq ans. Il lui faut retrouver le souffle militant qui le fera entrer dans une nouvelle étape de son développement.

Son engagement dans la construction des résistances et des mobilisations doit en être la première traduction. La construction de grandes et belles campagnes, autour d’exigences répondant à l’urgence que ressentent aujourd’hui des millions de citoyens et de salariés et dont la conquête serait à même de dynamiser les énergies à gauche, s’avère de même une nécessité impérieuse afin de lui permettre de s’enraciner sur le terrain. Gauche unitaire se félicite, en ce sens, qu’il soit à l’origine d’une grande bataille unitaire pour l’annulation de la hausse des taux de TVA programmée pour le 1° janvier 2014. Enfin, ses efforts d’élargissement de sa surface militante doivent se poursuivre, dans le but d’offrir un cadre d’engagement satisfaisant à toutes celles et à tous ceux qui partagent sa démarche sans nécessairement vouloir rejoindre l’une de ses composantes organisées.

Surtout, en un moment où le désarroi s’alimente de l’inexistence d’une perspective politique crédible et courageuse, le Front de gauche doit faire mouvement vers le reste de la gauche que les choix du président de la République divisent et menacent de déroute, pour porter en sa direction une offre de rassemblement sur l’objectif d’une tout autre politique. Ainsi contribuera-t-il le plus efficacement à mettre en échec la droite et l’extrême droite, en permettant que se modifient les équilibres à l’intérieur de la gauche, qu’y triomphe une ligne de rupture avec le libéralisme et le productivisme, que s’y dessine les contours d’une nouvelle majorité et d’un nouveau gouvernement décidés à conduire une action au service de l’intérêt général et des attentes du plus grand nombre. Ainsi contribuera-t-il à renforcer sa perspective de regrouper une autre majorité pour un autre gouvernement menant une autre politique. Une première étape serait de mettre en place un comité de liaison avec tous les ceux et toutes celles qui au parti socialiste et à EELV portent tout comme nous la volonté de changer de cap à gauche.

Cette démarche n’est pas seulement nécessaire. Elle est aussi réaliste : les choix du président de la République et de l’exécutif ne sont pas seulement rejetés par le pays, ils se révèlent chaque jour davantage minoritaires au cœur d’une gauche qui voit sans cesse s’élever des voix pour en appeler, elles aussi, au changement de cap en faveur duquel milite le Front de gauche. À ce dernier donc, à nous tous maintenant, de savoir emporter la conviction que l’unité sur une orientation de rupture avec les marchés et la finance, de confrontation avec le patronat et l’oligarchie dirigeante de l’Union européenne, est la seule réponse à la hauteur des défis auxquels nous sommes confrontés. C’est la conviction, et c’est l’appel, que Gauche unitaire, réunie en conférence nationale les 7 et 8 décembre, entend réaffirmer et lancer au seuil de l’année 2014, qui verra se succéder deux rendez-vous électoraux de première importance.

Gauche unitaire s’est fondée en 2009, en même temps qu’elle devenait cofondatrice du Front de gauche avec ses camarades du Parti communiste et du Parti de gauche. Depuis, elle n’a cessé de chercher à renforcer les liens avec ses deux partenaires, mais aussi à élargir le Front de gauche à de nouvelles organisations, à le doter d’une ambition majoritaire et d’un programme propre à répondre aux aspirations populaires et aux attentes mouvement social privé de perspective politique crédible, bref à faire de notre construction commune un instrument utile à la gauche et au peuple. Loin des postures incantatoires qui ont dans le passé condamné l’extrême gauche à l’impuissance et à l’échec, elle s’est ce faisant efforcée de faire progresser un projet de refondation de la gauche dans son ensemble sur une nouvelle ligne directrice, celle de la priorité aux besoins humains contre les logiques prédatrices d’un capitalisme financiarisé et globalisé qui confronte la planète tout entière à un véritable défi de civilisation.

En un moment politique qui voit les dangers s’accumuler à l’horizon, elle entend plus que jamais poursuivre sur ce chemin. Parce qu’elle considère que la formation d’un « pôle de radicalité » dans le Front de gauche ne peut conduire qu’à une impasse et risque même de le diviser encore, elle ne pouvait se retrouver dans la proclamation du nouveau parti baptisé « Ensemble-Mouvement pour une alternative de gauche solidaire et écologique ». Parce qu’elle pense indispensable que le Front de gauche sache préserver son unité et sortir plus fort des difficultés qu’il rencontre actuellement, elle entend consacrer toutes ses énergies au dégagement des synthèses nouvelles qui en feront l’artisan d’une gauche reconstruite et ayant retrouvé le chemin du salariat, des classes populaires, de la jeunesse.

La conférence nationale de Gauche unitaire regrette profondément que certains de ses militants aient, à l’inverse des textes de son II° Congrès pourtant adoptés à l’unanimité, choisi d’adhérer à une autre formation politique, porteuse d’une démarche autant que d’un projet totalement différents de ce qu’elle défend depuis bientôt cinq ans. Elle poursuivra toutefois le dialogue avec « Ensemble-Mouvement pour une alternative de gauche solidaire et écologique » comme avec tous ses partenaires du Front de gauche, elle fera aussi tout ce qui est en ses moyens pour poursuivre le dialogue avec les camarades qui ont fait le choix d’une autre formation politique.

Gauche Unitaire reste déterminée, l’heure est à l’esprit d’unité et de reconquête… afin que vive la Front de Gauche et que vive la gauche !