Le Parti de Gauche salue l’adoption de la Constitution tunisienne

jeudi 30 janvier 2014.
 

L’adoption par 200 voix sur 217 de la nouvelle Constitution tunisienne par l’Assemblée Nationale Constituante, le 26 janvier, marque une nouvelle étape du processus révolutionnaire en Tunisie, ouvert à partir du soulèvement du bassin minier en 2008, symbolisé par l’immolation de Mohamed Bouazizi en décembre 2010 et qui a abouti en 2011 au renversement populaire de Ben Ali.

La victoire aux élections d’octobre 2011 d’une coalition entre le parti islamiste Ennahdha et ses affidés sociaux-libéraux d’Ettakatol et du Congrès Pour la République, laissait craindre le pire. Mais la Constitution adoptée hier se révèle être un bon compromis, fruit d’une mobilisation populaire qui, suite aux odieux assassinats de nos camarades du Front Populaire Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, a réussi à imposer un rapport de forces. La rédaction d’une nouvelle constitution par la voie d’une Assemblée Constituante a entraîné une implication constante de la société civile qui a, en retour, rendu transparent le processus constituant. L’élaboration constituante a été une véritable fabrique de la démocratie . Ainsi, le renversement de l’ancien régime cleptocratique pour instituer une République a été l’œuvre du peuple lui-même.

La 2ème République Tunisienne garantira tous les « principes universels des droits de l’homme », telle la liberté de conscience. Certaines garanties sociales et environnementales sont également inscrites : l’article 13 stipule que les « les ressources naturelles appartiennent au peuple » et l’article 38 « garantit la gratuité des soins pour les personnes sans soutien et à faible revenu ». On retrouve également le droit au travail (article 40), le droit à l’accès à l’eau (article 44), ou encore « le droit à un environnement sain » (article 45).

De plus, l’équilibre des pouvoirs entre le président et l’assemblée, ainsi que l’indépendance de la justice, offre des garanties de séparation démocratique des pouvoirs. Enfin, la Constitution était très attendue sur les droits des femmes. Grâce à la pression continue de l’opposition et des associations féministes tunisiennes, la nouvelle Constitution stipule que « les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination aucune » (article 20). Cet article constitue même une avancée par rapport à la Constitution de 1956, qui disposait simplement que « tous les citoyens ont les mêmes droits et les mêmes devoirs ». Selon l’article 45, l’Etat « prend les dispositions nécessaires à l’élimination de la violence qui s’exerce contre les femmes », et « garantit l’égalité des chances entre les hommes et les femmes dans l’exercice des différentes responsabilités ». Enfin, l’article 33 « œuvre à garantir la représentativité de la femme dans les assemblées élues ». Ce cadre permettra d’amplifier l’émancipation des femmes tunisiennes, puisque celles-ci seront incontournables dans les instances de décisions via la loi sur la parité.

Bien sûr ce texte est loin d’être parfait, et certaines clauses sont restées volontairement ambiguës, par la pression des islamistes. Et évidemment, il ne suffit pas d’un texte pour que les droits théoriques deviennent des droits effectifs et que cette Constitution s’accompagne de la réalisation de tous les objectifs de la révolution : liberté, dignité, travail et justice sociale. Le combat continue contre la violence politique et pour des élections libres assurant la pleine souveraineté du peuple. L’urgence, en parallèle de l’organisation des élections, est à l’amélioration de la situation économique et sociale, qui n’a connu aucun progrès depuis la chute de Ben Ali, quand elle ne s’est pas dégradée. Inverser cette tendance, qui ne pourra que nourrir les forces contre-révolutionnaires, suppose d’en finir avec la politique économique actuelle, imposée par les Etats-Unis, l’Union européenne, et bien sûr la France, où le Parti socialiste soutient Ettakatol et réclame le remboursement des dettes contractées sous le régime Ben Ali.

L’exemple tunisien nous interpelle. Après les Assemblées Constituantes d’Amérique Latine, la méthode constituante a traversé l’Atlantique pour arriver en Méditerranée ! Au moment même où les pays européens subissent une régression sociale généralisée, la Tunisie nous inspire. Le Parti de Gauche salue le peuple tunisien et continue son propre combat pour la souveraineté populaire.

Que la prochaine constituante soit en France !

Ramzi Kebaili , Jennifer Bellay, Mathilde Larrère et Alexis Vilanova (Commissions internationale, féminisme et 6ème république)


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