PSA, symbole du capitalisme minable

lundi 10 février 2014.
 

Les soubresauts de la décadence de PSA forment un étrange feuilleton. La semaine dernière, ils ont occupé le devant de la scène. J’accumulais donc les matériaux pour revenir sur le dossier et en assimiler les grands traits en vue des réponses à faire au fil des interviews à venir. Là-dessus arrive la nouvelle que la présidente de l’association des actionnaires minoritaires, madame Colette Neuville, a l’intention de bloquer l’opération rachat d’actions par l’Etat et le partenaire chinois. Motif : le prix offert ne serait pas suffisant. Chaque épisode est plus minable que le précédent, plus révélateur d’une insatiable cupidité des dominants. Plus douloureux pour ses victimes ouvrières.

Mais, du coup, on finit souvent par perdre de vue la continuité de cette histoire. Ce serait dommage ! Car nous apprenons tellement sur la façon dont fonctionne le minable haut capitalisme français ! Depuis des années, PSA en est un symbole très parlant. Et ça ne semble pas près de s’arrêter. En fin de semaine dernière, la direction a annoncé 684 suppressions d’emplois sur son usine de Poissy en région parisienne. En premier lieu, ces 684 suppressions d’emplois illustrent caricaturalement l’arnaque qu’a été l’ANI et la fumeuse loi de « sécurisation de l’emploi » votée en juin 2013. On se souvient que cette loi "made in Medef" a été imposée par François Hollande ! Elle l’a été contre l’avis de deux des trois principaux syndicats du pays et d’une partie de la gauche au Parlement. PSA a rapidement appliqué cette loi, si confortable pour les coups tordus. L’entreprise avait aussitôt exigé des salariés qu’ils acceptent un "accord de maintien dans l’emploi". C’est le nouveau nom des "accord compétitivité emploi" de Nicolas Sarkozy. Sous le chantage patronal, les salariés de PSA ont accepté un tel accord en octobre 2013. La CGT et la CFDT s’y sont alors opposées. Mais les deux centrales ne pesaient pas assez pour empêcher l’entrée en vigueur de l’accord face aux syndicats jaunes et aux pressions gouvernementales.

Cet accord ordonnait un gel des salaires pour 2014, la baisse de la rémunération des heures supplémentaires, l’annualisation des RTT et davantage de flexibilité dans le travail. A l’époque, la CGT et la CFDT soulignaient le fait que ce texte prévoyait seulement le maintien des sites de production français. Les deux syndicats pointaient qu’en aucun cas n’était garanti le maintien du nombre de lignes de production dans chaque site. PSA avait bel et bien refusé de s’engager sur le maintien du nombre d’emplois. Donc, "L’accord de maintien dans l’emploi" autorisait les suppressions d’emplois ! Cette lecture pessimiste de l’accord avait été brocardée par toute la bien-pensance de la « gôche », qui bavait de joie devant ce modèle de capitulation « négociée », donnant-donnant, gagnant gnan-gnan. Le résultat est là : le pire est prouvé. C’était bien une arnaque. Elle prouve qu’on ne peut ni ne doit jamais avoir confiance, ni croire qu’une ambiguïté nous protège alors qu’elle nous menace toujours ! C’est ce que vient de prouver PSA. En agissant de cette manière, elle montre à nu la débilité de tout ce haut personnel d’entreprise, surpayé, pontifiant et arrogant, et qui en vérité n’est fait que de « bons à rien » comme le montrent leurs résultats.

Bref, on a vite compris : PSA supprime des emplois pour mieux être offert à un constructeur chinois, Dongfeng. Les principaux médias en restent, sur ce sujet, au vaudeville familial entre les cousins Peugeot. Le président de la holding familiale, Robert Peugeot, a obtenu que PSA lance une augmentation de capital de 3 milliards d’euros pour permettre à Dongfeng de prendre 14% du capital. Pour aider à la manœuvre, l’Etat prendrait aussi 14%, la famille Peugeot tombant aussi à 14%. De son côté, Thierry Peugeot, président du conseil de surveillance, défend une augmentation de capital « libre » sur le marché, à laquelle participerait aussi la famille Peugeot pour conserver son poids dans le groupe. Dans une lettre publiée la semaine dernière, il accusait son cousin de vouloir désengager la famille de PSA. Alors ? Deux conceptions du capitalisme familial sont-elles en débat ? Pour ma part, je ne le crois pas. Les deux visent la dilution et le retrait de la famille Peugeot hors d’une activité qui mobilise trop durablement et lourdement une part trop grande de capital. Le chemin diverge pour y parvenir sans trop de casse. La méthode de Thierry Peugeot a le mérite de l’orthodoxie libérale. Celle de Robert de protéger les fromages individuels, qui sont tout de même la raison d’être du système.

Cet épisode est la preuve de la nullité globale des dirigeants de PSA. En 2012, PSA a conclu un accord avec l’américain General Motors, qui avait pris 7% du capital. General Motors a revendu ses parts en décembre 2013, moins de deux ans après ! Entre-temps, General Motors, bonne entreprise de l’Empire, qui n’oublie jamais sa nationalité politique, a plombé PSA en l’obligeant à mettre fin à ses ventes en Iran. Pour rien. La direction de PSA a abandonné un projet commun avec General Motors avant même de l’avoir lancé. Il s’agissait d’un projet de petites voitures faiblement émettrices de CO2. La direction de PSA a été incapable de s’engager dans un projet dont l’intérêt écologique sautait aux yeux. Un coup zig un coup zag. Bilan : néant !

Moins de deux ans après avoir pactisé pour rien avec General Motors, la direction de PSA racole. Elle cherche un autre partenaire international. En l’occurrence, voici un chinois : Dongfeng. Il parait que PSA travaille déjà avec ce groupe en Chine. Je crois même avoir visité l’usine Peugeot dans l’Etat de Wuhan, au centre géographique de la Chine. Comment se fait-il alors que PSA ne se soit pas d’abord tourné vers lui en 2012 au lieu de s’abandonner à General Motors ? Et dans l’accord avec General Motors, comme dans l’éventuel entrée au capital de Dongfeng, quelles garanties la direction de PSA peut-elle avoir pour la protection des capacités industrielles et des emplois en France ?

Les expériences de la fusion d’Alcatel avec Lucent et de Renault avec Nissan sont là pour montrer les immenses dangers que peuvent contenir de tels rapprochements sans précautions pour notre pays. D’autant que PSA suit depuis plusieurs années la même pente que Renault. La direction de PSA, à présent, fait elle aussi le choix du dumping et de l’abandon de la production en France. Rappelons que le premier plan de licenciement de cette bande de gestionnaires de pacotille avait décidé de la disparition de 2500 emplois dans la recherche et développement du groupe ! C’est à dire le cœur de l’avenir. Pendant qu’elle ferme une usine en France, à Aulnay, PSA prévoit d’augmenter la production de son usine slovaque, à Trnava, qui produit le même modèle qu’Aulnay. Récemment, l’ex numéro deux de Renault, le liquidateur Carlos Tavarès, est arrivé chez PSA. Il devrait remplacer le PDG Philippe Varin d’ici avril. La pente est prise.

Si minables que soient leurs résultats, les patrons et leurs managers n’oublient jamais de remplir leur assiette. Le PDG de PSA Philippe Varin est toujours aussi bien payé. Il a quadruplé son salaire en 2010. Il gagne désormais 3,3 millions d’euros par an ! En un an, il gagne l’équivalent de 260 années de SMIC ! Il empoche 9 000 euros par jour ! PSA est un modèle d’entreprise vampirisée par le coût du capital. En 2011, il y a à peine trois ans, PSA a dépensé 275 millions d’euros en dividendes versés à ses actionnaires. Les mêmes géniaux managers ont brulé 200 millions d’euros supplémentaires pour faire racheter par PSA ses propres actions à la bourse. Les sommes ainsi englouties en bourse en 2011 représentent près de cinq années d’économies réalisées grâce à l’accord de compétitivité imposé aux salariés ! Ce chiffre le montre avec clarté : ce qui coûte horriblement cher, c’est le coût du capital !

Dans les années 2000, PSA a cumulé 10 milliards d’euros de bénéfices. En 2011, Philippe Varin a annoncé que le groupe disposait de 11 milliards d’euros de réserves financières. PSA a encore réalisé un bénéfice de 1,1 milliard en 2010 et 600 millions en 2011, en dépit de la crise déjà amplement répandue. Malgré la crise et la baisse du bénéfice, PSA a déboursé près de 500 millions d’euros pour satisfaire ses actionnaires en 2011. Certes, le groupe a perdu beaucoup d’argent en 2012 : 5 milliards d’euros. Mais l’année 2013 a, paraît-il, été moins mauvaise. Surtout, le groupe pourrait gérer sans problème la période actuelle s’il avait été bien géré dans les dix dernières années et si la direction acceptait de puiser dans les réserves. C’est bien l’incompétence et la cupidité de ses actionnaires qui l’empêchent aujourd’hui d’absorber le choc et de préparer l’avenir. La responsabilité incombe au premier actionnaire, la famille Peugeot, qui détient 25% du capital et 38% des droits de vote au Conseil d’administration.

Que fait le gouvernement face à cela ? Rien. Arnaud Montebourg a déclaré vendredi que PSA n’avait « pas tenu » ses engagements pris lors du dernier plan social. Il s’agit du plan qui a acté 8 000 suppressions d’emplois et la fermeture de l’usine d’Aulnay. Pour Montebourg, « le compte n’y est pas sur Aulnay » ou « 500 salariés » sont encore « sur le carreau » alors que PSA promettait une solution pour tous. Mais encore une fois, le gouvernement laisse faire. Comme il a laissé PSA annoncer la suppression de 8 000 emplois l’an dernier. Comme il a laissé PSA fermer Aulnay. Comme il laisse la direction de PSA mépriser la grève de la faim des 7 de Poissy pendant des semaines.

Pourtant, les patrons de PSA sont de véritables assistés ! Le gouvernement aurait les moyens de les faire plier s’il le voulait. PSA va toucher entre 80 et 100 millions d’euros par an du crédit d’impôt compétitivité décidé par Hollande en novembre 2012. PSA bénéficie aussi d’une garantie de l’Etat de 7 milliards d’euros sur sa filiale bancaire PSA finance. Et PSA profitera comme les autres du nouveau cadeau de Hollande : la suppression des cotisations patronales famille, sous couvert de "pacte de responsabilité". C’est aussi ce gouvernement qui n’a pas voulu faire pression sur les actionnaires de PSA en lançant une vaste opération de contrôle fiscal sur les membres de cette famille, dont une partie a fui en Suisse pour échapper à l’impôt.

En échange de sa générosité, le gouvernement n’a rien exigé de PSA : ni renoncement à la fermeture d’Aulnay ou aux suppressions d’emplois, ni exigence d’une baisse des salaires des dirigeants… Tout ce que le gouvernement a demandé, c’est de pouvoir nommer Louis Gallois administrateur « indépendant ». Il ne s’est pas opposé à ces décisions. La rumeur dit qu’il remplacerait Thierry Peugeot à la tête du Conseil de surveillance. Aujourd’hui, l’Etat s’apprêterait à prendre 14% du capital de l’entreprise pour aider l’entrée de Dongfeng. Mais pour faire quoi ? Mystère. Pourtant, l’Etat est déjà actionnaire de l’autre géant de l’automobile française, Renault. Il en possède 15%. Et, chez Renault aussi, le gouvernement a validé un "accord de compétitivité". En laissant faire chez Renault, le gouvernement a clairement encouragé PSA à en faire autant. Aujourd’hui, le gouvernement laisse faire le démantèlement de la production de Renault en France au profit de Nissan. Demain, il y a tout à craindre qu’il laissera dépecer PSA, même avec 14% du capital.

Nous aurions agi totalement différemment si nous avions été au pouvoir. Nos solutions pour l’industrie sont connues. Je les rappelle pour montrer qu’il est possible de faire autrement. Nous proposons de définanciariser l’économie en général et l’industrie en particulier. Nous voulons libérer les entreprises de la dictature des banques et des actionnaires. Pour cela, nous proposons que le comité d’entreprise ait un droit de veto sur les décisions stratégiques. Nous proposons qu’un pôle financier public puisse prêter à des taux favorables aux entreprises pour les aider en cas de besoin et financer la transition écologique. Pour en finir avec la cupidité des dirigeants, nous proposons que soit fixé un salaire maximum autorisé : avec nous, le PDG de PSA ne se goinfrerait pas de 3,3 millions d’euros par an ! Et j’ai proposé aussi le salaire maximum dans l’entreprise c’est-à-dire que l’écart entre le plus haut et le plus bas des salaires soit limité de un à vingt ! Et puis, nous proposons encore qu’il y ait obligation de payer ses impôts en France pour pouvoir diriger une entreprise française ou être membre de son Conseil d’administration.

Disons-le : la crise de l’automobile devrait être une opportunité de changement radical. La relance écologique de l’activité par une politique industrielle et la planification écologique devraient être au cœur de la réflexion sur le futur de l’industrie automobile. C’est l’occasion d’engager la planification écologique pour sortir de la société du pétrole, notamment en ce qui concerne les véhicules. Mais c’est nécessairement un tout que ce projet. Le moteur électrique pose le problème de l’approvisionnement en électricité. En effet, aux conditions actuelles, un million de véhicules électriques nécessiteraient l’installation d’une centrale nucléaire de plus. En fait, le changement de paradigme automobile est directement lié au changement de mode de production de l’énergie. Au lieu de cela, le gouvernement a seulement annoncé à l’automne 34 plans industriels sans aucun moyen financier. Au total, ces 34 plans devront se partager 3,5 milliards d’euros. Cela représente une moyenne de 100 millions d’euros pour chaque plan. Parmi ces plans, l’un vise à inventer « la voiture qui consomme deux litres aux 100 km ». Avec 100 misérables petits millions d’euros comme budget public ? Personne ne peut y croire.


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