Réforme du bac professionnel : une aggravation des décrochages

mercredi 11 mars 2015.
 

A) Réforme du bac pro 3 ans : échec annoncé d’une réforme (CGT)

Pour faire le bilan de la réforme du bac pro 3 ans, nous avons l’embarras du choix. D’abord partir du sentiment sur le terrain : la perte d’une année de formation a engendré de nombreux problèmes de gestion de classes, une déprofessionnalisation des diplômes et le diplôme intermédiaire (DI) est une source de désordre permanent. Bref, pour notre travail pédagogique, le bac pro 3 ans est une catastrophe, tout simplement.

Les élèves ont, très concrètement, perdu près de 1000 heures de cours. Cette certification de niveau IV est souvent dispensée avec une acquisition de niveau V. Comment peut-on imaginer que tous les jeunes puissent acquérir ainsi une réelle formation professionnelle ? Comment pourront-ils trouver un emploi avec leur bac pro s’ils souhaitent intégrer la vie active ? Quelle chance ont-ils d’avoir un niveau suffisant pour poursuivre leurs études ?

Ensuite, contrairement à ce qu’avait annoncé le ministère, l’alignement sur une durée de 3 ans du bac pro a abouti à une aggravation du décrochage scolaire et à une augmentation des sorties sans qualification. Pour les élèves en grande difficulté, l’accélération du rythme d’acquisition a provoqué démotivation et un échec scolaire accru.

Alors que le nombre d’élèves dans le secondaire a plutôt tendance à augmenter, le nombre d’élèves en LP est passé de 705 000 en 2010 à 657 000 en 2012. Il faut ajouter à cela une augmentation très sensible du nombre d’élèves en CAP : 115 000 en 2012 contre 96 000 en 2008 (et même 42 000 en 1995 !). Soyons même plus précis : un élève entrant en bac pro en 2008 avait 77 % de chances d’obtenir son diplôme, alors qu’en 2012 un élève entrant en bac pro 3 ans n’a plus que 54 % de chances. Certes, seule la moitié des élèves venant du BEP entrait en bac pro. Enfin, arguer du fait que 33 % des élèves de BEP sortaient du système éducatif c’est ignorer le fait que ces élèves, pour la plupart, obtenaient leur BEP (taux de réussite de 77 %) et que ce diplôme avait pour certaines filières une valeur professionnelle.

La CGT Educ’action exige une remise à plat totale de la réforme et revendique des parcours diversifiés bac pro en 3 ou 4 ans, voire 5 ans pour les élèves les plus en difficulté.

La réforme s’est accompagnée de grilles horaires tri-annualisées qui ont fait disparaître les seuils de dédoublements et imposé l’accompagnement personnalisé. Les conditions de travail des élèves, comme celles des enseignants, s’en sont trouvées fortement dégradées.

B) Bilan très mitigé après la réforme du bac pro (L’Humanité)

En 2008, la durée d’étude dans cette filière a été ramenée de quatre à trois ans. Six ans plus tard, une étude tire un bilan critique de cette réforme, entre succès d’image et aggravation des décrochages.

Instauré à la hussarde par Xavier Darcos en 2008, dans un souci avant tout budgétaire, le bac professionnel en trois ans présente un bilan très mitigé. Selon une étude du Centre de recherches en éducation de Nantes, cette réforme a, certes, permis d’améliorer l’attractivité de la filière auprès des élèves et de leurs parents. Mais aussi creusé le fossé entre élèves et multiplié les décrochages.

Côté positif, les chercheurs démentent l’idée que le choix vers le bac pro se ferait «  par défaut  ». Selon l’étude, 87 % des nouveaux entrants ont demandé en premier choix cette orientation et 81 % s’en disent satisfaits un mois après la rentrée. Autre enseignement  : en 2012, 65 % des élèves de bac pro en trois ans assuraient avoir l’intention de poursuivre des études supérieures. Contre 46 % pour ceux qui avaient fait le cursus en quatre ans.

Un taux de réussite qui a chuté de 6 % en 2012

Conclusion  ? «  La réforme a sans conteste eu un effet d’attraction auprès des familles, participant à ce que l’on pourrait appeler une “revalorisation” du bac pro  », observent les chercheurs. Mais à ce succès d’image, ils opposent immédiatement les conséquences de ce cursus raccourci. «  Tous les enseignants ont souligné les risques d’échec que la réduction de la durée des études fait courir aux élèves les plus faibles.  » De fait, le taux de réussite au bac pro a chuté de 6 % en 2012 (78,4 %) et n’a quasiment pas bougé à la session 2013 (78,5 %). «  La réforme a pour principale conséquence de cliver fortement les publics  », constate l’étude. Avec d’un côté ceux qui obtiennent le bac dans des spécialités qui ouvrent les portes des BTS et, de l’autre, ceux – de plus en plus nombreux – qui décrochent avant et doivent se rabattre sur l’apprentissage ou se contenter d’un simple BEP. Bref, conclut l’étude, on assiste à un phénomène de «  démocratisation ségrégative  », selon le terme du sociologue Pierre Merle. Pour y remédier, les chercheurs préconisent trois mesures  : laisser la possibilité d’une année supplémentaire aux élèves qui en ont besoin, généraliser les systèmes de remise à niveau et adapter le temps de travail des enseignants à la surcharge de travail que la réforme a entraînée pour eux.

Laurent Mouloud


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