ALSTOM : Un désastre mûrement préparé

samedi 3 mai 2014.
 

Le sort d’Alstom n’est pas encore bouclé mais déjà le désastre se profile. C’est un choc de réalité. Des décennies de mépris pour l’intervention de l’Etat et de fascination pour la financiarisation de l’économie ont conduit l’industrie française au bord d’un naufrage généralisé. Vous souvenez-vous de ces apôtres de la concurrence libre et non faussée qui expliquaient qu’en suivant leurs recettes, la France cesserait certes de fabriquer des tee-shirts mais qu’elle produirait de bien plus profitables TGV ? Ces aigles ont prétendu que ce que nous prenions pour une désindustrialisation à combattre était en réalité un processus de spécialisation sur des segments à haute valeur ajoutée du type de ceux que produit Alstom. Quelle clairvoyance !

Au moins personne ne nous bassine, pour l’instant, avec le sacro-saint « coût du travail » pour expliquer les difficultés d’Alstom. Où sont Gattaz et son pin’s promettant un million d’emplois ? La liste des handicaps d’Alstom semble en revanche piochée parmi les mises en garde récurrentes du Front de Gauche. Il y a d’abord l’atonie du marché européen, où Alstom réalise près de 40% de ses ventes et surtout la chute de l’investissement public qui frappe nombre de projets énergétiques. Merci l’austérité ! Quand Alstom exporte sur des marchés plus dynamiques, il lui faut alors souffrir du niveau trop élevé de l’euro. Merci la banque centrale européenne ! Alstom affronte des concurrents qui jouissent d’une force de frappe financière bien supérieure puisque General Electric dispose de sa propre banque, gavée de dollars par la réserve fédérale américaine et que Siemens l’a imité en 2010. Ils ne font pas la bêtise de se financer « sur le marché » ! Déjà Alstom a failli couler quand les banques françaises lui ont retiré leur soutien. Il a fallu que l’Etat entre au capital. Sous Sarkozy ! L’affaire était pourtant bonne puisque cette participation fut revendue sept ans plus tard avec une plus-value d’un milliard deux cents millions d’euros. Rien n’a changé depuis. La chétive banque publique d’investissement dont le gouvernement ne cesse de se vanter se montre incapable d’intervenir pour recapitaliser le groupe.

C’est le désengagement de l’Etat qui est la cause principale des problèmes d’Alstom : recul de l’investissement public, abandon du secteur bancaire à la finance et de la monnaie aux rentiers, absence de politique industrielle. Le gouvernement se réveille, hagard, à quelques heures d’un conseil d’administration convoqué pour vendre des pans entiers du groupe. Il est réduit pour l’essentiel à faire des commentaires faute de lois lui permettant d’intervenir pour de bon. Ce faisant il avoue néanmoins qu’il ne peut pas se désintéresser du sort d’un tel groupe. Mieux vaudrait donc qu’il s’en occupe en amont. En assumant notamment sa mission propre qui est celle du temps long. Si l’Etat lançait le chantier de la transition énergétique au lieu de distribuer des cadeaux au capital sans contrepartie il y aurait de belles perspectives pour Alstom : hydroliennes, éoliennes, usines marémotrices ou géothermiques requièrent le savoir-faire reconnu des ouvriers et ingénieurs de cette entreprise. La planification écologique ferait hurler la Commission européenne ? Qu’elle hurle ! Le gardien vigilant de la concurrence libre et non faussée préfère donner sa bénédiction à la disparition de la filière énergétique française absorbée par un nouvel géant oligopolistique. Pas nous car demain nous aurons besoin de notre souveraineté industrielle pour refonder le pays.


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