Un nouveau groupe socialiste autonome dans les Assemblées débloquerait la gauche

samedi 10 mai 2014.
 

A-t-on bien pris la mesure de la situation politique institutionnelle qui résulte du vote de l’Assemblée nationale ? Soixante-treize députés de gauche ne le soutiennent pas. C’est-à-dire quinze de plus que le nombre requis pour déposer une motion de censure. Ce refus de soutien dessine une pente vers la radicalisation qui saute aux yeux.

A-t-on bien pris la mesure de la situation politique institutionnelle qui résulte du vote de l’Assemblée nationale ? Le gouvernement n’a pas eu de majorité absolue pour son plan d’action. Le Premier ministre a perdu quarante-cinq voix depuis le vote de confiance qui a suivi son discours d’investiture. Soixante-treize députés de gauche ne le soutiennent pas. C’est-à-dire quinze de plus que le nombre requis pour déposer une motion de censure. Ce refus de soutien dessine une pente vers la radicalisation qui saute aux yeux. Onze députés socialistes s’étaient abstenus sur la confiance. Cette fois-ci, ils sont quarante-et-un. Notons qu’une bonne partie ne s’est abstenue que pour faire nombre avec les abstentionnistes alors que maints députés socialistes s’apprêtaient à voter contre. En tous cas, les Verts, qui avaient voté abstention la fois d’avant, ont très majoritairement basculé dans le vote contre : deux seulement se sont abstenus tandis que douze ont voté contre. Et comme si cela ne suffisait pas, une nouvelle composante de la majorité fait dissidence. Il s’agit du MRC de Jean-Pierre Chevènement. Ses trois députés ont voté contre. Et même au PRG, il s’est trouvé deux abstentions ! Dans ces conditions, il ne reste plus à ce gouvernement que le soutien du seul PS. Et encore ! D’une partie du PS !

Valls a donc totalement divisé la gauche parlementaire. C’est un fait. Pas un soupçon ni une appréciation subjective : un fait. Sur quelle base repose donc la construction politique du président de la République ? Ni sur l’Assemblée, ni sur la popularité, ni sur une mobilisation des bases de son camp. C’est la position la plus périlleuse en démocratie. D’autant plus quand menacent des forces contre-républicaines et même contre-démocratiques aussi nombreuses que celles qui agissent aujourd’hui, qu’il s’agisse des mécanismes européens, de la poussé des partis bruns, mais aussi d’une masse d’intellectuels déboussolés qui franchissent continuellement de nouvelles lignes blanches. Qui a lu Jacques Julliard dans « La fatigue démocratique », paru dans Marianne, peut se faire une idée du point d’avachissement où peuvent tomber les idéologues de la mouvance qui a constitué la « gauche-Nouvel-Observateur », dont les Hollande et Valls sont les héritiers.

C’est cet attelage si terriblement affaibli, ce reste si étroit de la coalition initiale, qui veut faire appliquer le plus violent plan de coupes budgétaires et de démantèlement de l’Etat et des institutions démocratiques que notre pays ait jamais subi en temps de paix. 50 milliards de coupes, plus la suppression des départements et de la moitié des régions, sans oublier la destruction de fait de milliers de communes absorbées par les métropoles !

Pendant ce temps tout parait bloqué. L’état-major socialiste totalement tétanisé n’a plus qu’une arme de paralysie massive : la vieille tenaille du chantage au pire à tout instant et sur tous les sujets. Le vote utile dans les élections locales, nationales et européennes. Et à présent, la menace de dissolution de l’Assemblée pour contenir les récalcitrants. Sur ce point, comment ne pas voir l’escalade ? Jusque-là, les solfériniens accusaient ceux qui ne voulaient pas leur céder de faire le jeu de la droite et de l’extrême droite. A présent ils menacent de livrer la place à la droite et à l’extrême droite si on ne leur obéit pas !

Dans ce contexte, nuls autres que les socialistes sont devant une obligation aussi directe de prendre une initiative. Toutes les autres composantes de la gauche l’ont fait à ce jour ! Toutes ont quitté la majorité de 2012. Les députés socialistes viennent à leur tour de valider les critiques que tous les autres formulaient en refusant, ensemble et de façon concertée, d’approuver la nouvelle donne issue du vote des municipales. Il me semble qu’ils ne peuvent se limiter à proposer au pays comme projet politique d’améliorer leurs propres relations avec le Premier ministre ! Ce ne serait pas à la hauteur du moment, de la crise politique qu’eux même ont achevé de rendre visible aux yeux de tous. A l’inverse, en se constituant en groupe autonome, ils rendraient possible la constitution d’une nouvelle formule de gauche pour gouverner. En particulier parce qu’ils rendraient possible le dialogue à gauche totalement verrouillé par les brutalités sans fin de la période Ayrault-Désir-Hollande. Je n’ai pas mis cette question sur la table de ma seule initiative. En rencontrant récemment mon camarde Pierre Laurent, nous avons pu vérifier que nous regardions bien de la même façon les priorités de l’heure. Nous ne visons pas seulement à rassembler la gauche depuis les Verts jusqu’au NPA. Notre but n’est pas d’isoler le PS. C’est déjà fait. Notre but doit être de mettre fin à sa politique avant la catastrophe qui se prépare. Je sais très bien que nos chances d’être entendu à court terme sont faibles. Mais après la nouvelle raclée que le PS va prendre aux européennes, si nous sommes nous-mêmes assez forts, nous pouvons tout débloquer, en ayant donné un signe clair dès aujourd’hui.

Le pire serait de se laisser enfermer dans la caricature que le pouvoir solférinien essaie de dessiner pour se protéger. « La lutte contre les extrêmes », ce nouvel avatar du vote utile, est le pointillé qui délimite l’union nationale sur « la seule politique possible ». Ce nouvel axe a commencé à se dessiner lors du vote sur le plan d’austérité, quand des députés significatifs du centre ont voté avec Valls. Le programme du gouvernement déposé devant la Commission est le programme commun de cette coalition en cours de maturation. Les députés socialistes qui croient donc qu’en reportant le moment de leur autonomie, ils soulagent la pente à la crise, se trompent du tout au tout. Ils l’aggravent en donnant des délais d’exécution à une manœuvre destructrice.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message