Au cinéma : la résistance par le vin !

lundi 2 juin 2014.
 

« Le monde actuel ne marche pas. Le modèle occidental est en faillite. La résistance s’impose, à commencer par le quotidien. » C’est en ces termes très militants que le réalisateur Jonathan Nossiter a débuté la présentation de son film « Résistance Naturelle », lors de l’avant-première organisée en sa présence à Paris le 28 avril.

10 ans après le succès de « Mondovino » qui pointait les dangers de la mondialisation pour le vin en Europe, Nossiter met son « cinéma artisan » au service des viticulteurs qui tentent de sauver le vin en le réinventant de manière paysanne et écologique dans l’aventure du « vin naturel ». Il a filmé pour cela plusieurs vignerons italiens, « résistants malgré eux », devenus révolutionnaires sans le vouloir. Loin de toute démagogie, ceux-ci racontent comment, du Piémont au Chianti, ils ont essayé de redonner vie à la terre et aux vignes menacés de mort par des dizaines d’années de traitements chimiques et de standardisation marchande.

Le sol comme bien public menacé

Véritable intellectuel paysan, le vigneron Stefano Bellotti rappelle ainsi cette vérité matérialiste largement méconnue : 90 % de la vie organique sur terre se trouve dans le sol. Et, échantillons de terres à la main, il montre comment les pesticides ont tué les sols et atrophié la vigne. Les racines d’une vigne non bio ne descendent plus qu’à 60 cm dans la terre et n’ont plus qu’une centaine de mètres de racines secondaires. Les traitements ont ainsi fait perdre à la liane qu’est la vigne une grande capacité de sa puissance d’extraction minérale et organique des sols. Une richesse essentielle pour la qualité et la diversité du goût du raisin et du vin. Alors que les vignes cultivées de manière biologique et même bio-dynamiques puisent dans la terre jusqu’à 10 m et développent jusqu’à 5km de racines secondaires. Belloti montre aussi que les pesticides réduisent les capacités de photosynthèse de la plante et donc aussi sa capacité à absorber du CO2. Et il pointe les dangers d’eugénisme viticole induit par les semenciers de l’agro-business depuis que les vignes sont plantées en sélection clonale plutôt qu’en sélection massale, qui garantissait une diversité permanente. Non seulement tout cela a une conséquence sur le goût mais aussi sur la santé. Belloti montre qu’il y a une corrélation puissante entre les épidémies de cancers et l’usage intensif des pesticides, tant dans le temps que dans l’espace.

L’agriculture, affaire de culture. Le vin, objet de civilisation

Nossiter montre bien cependant que ces travailleurs de la terre se gardent la plupart du temps de toute illusion naturaliste ou environnementaliste. Belloti explique ainsi que l’agriculture est avant tout une affaire de culture. Pour lui la production d’un vin est une création qui allie la puissance de la nature et l’imagination de l’homme. Une conception qui fait fortement écho à la défense du vin comme « objet de civilisation » développée par Jean-Luc Mélenchon en campagne européenne dans son discours de Montpellier le 22 mai dernier. Et, en adepte cachée de l’éco-socialisme, la vignerone toscane Giovanna Tiezzi vante la remise en phase des temps historiques de l’humanité et du temps biologique de l’éco-systéme. Très durs envers les régulations libérales qui ont tenu les appellations contrôlées à l’écart de toute exigence écologique, ils n’en concluent pas moins que les appellations doivent redevenir un bien commun. En particulier en Italie où elles ont été construites de manière largement mercantiles dans les années 1970, à la différence de la France où elles résultent de 100 ans de régulations culturelles et sociales collectives.

La responsabilité accablante de l’Union européenne

En guise de conclusion, le film ne manque pas de pointer la responsabilité accablante de l’Union européenne dans ce désastre. Le vigneron Corrado Dottori rappelle que l’Europe a pris le contrôle total de deux dimensions essentielles de la société : la monnaie et l’alimentation via l’agriculture. Le film pointe que l’Union européenne a mis les lois et pouvoirs au service du seul marché en matière agricole. Et qu’à travers l’hygiénisme mercantile promu dans l’alimentation, l’Europe vise aussi à contrôler les comportements humains jusque dans l’intimité de chacun. Une réflexion qui n’est pas sans rappeler la critique du « nouvel ordre globalitaire » qui selon Jean-Luc Mélenchon impose les normes marchandes dans toutes les dimensions de la vie.

Le vin et la révolution

Fortement critique, le film n’en est pas moins optimiste et joyeux, les nombreux vins dégustés aidant. Belloti explique ainsi qu’on peut faire revivre une terre en 6 ans en la convertissant en bio. Et ces paysans résistants donnent un exemple de liberté et d’audace qui peut inspirer tous les domaines. Nossiter décrit ainsi le vigneron Belloti : "quelqu’un qui n’a peur de personne, qui s’exprime avec une liberté sauvage et dont chacune des expressions de la pensée a un sens éthique et politique, tourné vers la collectivité". Une invitation à l’action collective qui n’est pas sans rappeler l’appel lancé en 1905 par Jean Jaurés aux vignerons du Languedoc devant la cave de Maraussan : « Paysans, ne demeurez pas à l’écart. Mettez ensemble vos volontés, et, dans la cuve de la République, préparez le vin de la Révolution sociale ! » Un appel aussi relayé le 22 mai dernier par Jean-Luc Mélenchon avec les vignerons de Montagnac qui craignent les dangers du grand marché transatlantique pour le vin .

Laurent Maffeïs

« Résistance naturelle », un film de Jonathan Nossiter, dans 60 salles en France à partir du 18 juin.

Pour poursuivre ce combat du vin résistant, Jonathan Nossiter propose aux militants du Parti de Gauche qui le souhaitent de devenir ambassadeurs du film, en lien avec la tournée d’avant-première organisées dans toute la France par le distributeur RezoFilms. Si vous êtes intéressés, vous pouvez contacter la toute nouvelle Commission viticulture-œnologie du Parti de Gauche en écrivant à viticulture@lepartidegauche.fr

Les dates des prochaines avant-premières de « Résistance Naturelle » : Mardi 3 juin : LYON – Cinéma Comoedia Mercredi 4 juin : MARSEILLE – Cinéma Alhambra Vendredi 6 juin : STRASBOURG – Cinéma Star Mardi 10 juin : ANGERS – Cinéma 400 Coups Mercredi 11 juin : NANTES – Cinéma Katorza


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