Plébiscite manqué pour Al Sissi en Egypte

mercredi 4 juin 2014.
 

« Patron » de l’armée égyptienne, le général al Sissi s’était attiré les faveurs d’une partie importante de la population, excédée des abus en tous genres, de l’orientation économique ultra-libérale, et de l’incurie du pouvoir mis en place par les islamistes de la confrérie des Frères musulmans.

L’intervention de l’armée avait été décisive en juillet 2013 pour renverser le président Mohamed Morsy, et mettre hors-la-loi la confrérie islamiste, au prix d’une répression sanglante qui a fait plus de 1400 morts et entrainé plus de 15000 incarcérations.

Depuis, le général, nommé maréchal, avant de démissionner de l’armée, n’avait pas caché son ambition de prendre le pouvoir, tout en étendant la répression et la mise au pas aux secteurs favorables à la révolution, bien qu’il ait bénéficié de leur appui au départ. Pour cet objectif, il avait dans la tradition nassérienne, publiquement appelé à un plébiscite en sa faveur.

Le résultat de l’élection est très loin de son attente : sans compétiteur crédible (le progressiste Hamdeen Sabahi, seul autre candidat en lice, n’a été en la circonstance qu’un faire-valoir, obtenant moins de 4% des suffrages), les 93% de voix officiellement obtenues ne peuvent cacher le fiasco du plébiscite , et la victoire de l’abstention, qui était la consigne des Frères musulmans, ainsi que de certains progressistes. Si l’on déduit les bourrages du dernier jour, les votes pour Sabahi, les blancs et nuls, le nouveau président a sans doute obtenu les suffrages de moins de 40% du corps électoral.

En dépit des pouvoirs dont il dispose, il se retrouve donc dans une situation beaucoup moins favorable que prévue, pour mener à bien ce qu’attendent ouvertement de lui les possédants et une partie des classes moyennes urbaines ou rurales désireuses d’un retour à l’ordre après les désordres inévitables de la révolution. Le pays s’est enfoncé dans une crise profonde. L’insécurité entretenue par la résistance des Frères musulmans règne, faisant fuir les touristes. L’économie est à genoux alors que les mouvements sociaux demeurent très actifs dans de nombreux secteurs.

La tentation autoritaire d’un retour à un ordre ressemblant à s’y méprendre à celui d’avant la révolution est donc dans l’ordre des choses pour le nouvel « homme fort » du pays.

C’est la ligne de la plus grande pente, déjà engagée, et bénéficiant de l’appui des forces réactionnaires à l’intérieur, comme à l’extérieur du pays. Mais son élection, en dépit des apparences, est sa première défaite. La jeunesse et les forces progressistes porteuses de tant de frustrations, et d’espoirs, n’ont sans doute pas dit leur dernier mot. Elles doivent se ressaisir. Le Parti de Gauche, aujourd’hui comme demain, sera solidaire de leurs aspirations et de leurs luttes pour une Egypte de progrès, de justice et de dignité.


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