Front de Gauche : "Sa force est sa diversité mais c’est aussi sa faiblesse"

lundi 9 juin 2014.
 

Après les élections européennes du 25 mai, où le Front de gauche n’a obtenu que 6,33 % des voix, sa coordination nationale se réunit, lundi 2 juin, pour un premier bilan. Pierre Khalfa, coprésident de la Fondation Copernic et l’un des dirigeants d’Ensemble, la troisième force de la coalition aux côtés du Parti de gauche (PG) et du Parti communiste (PCF), revient sur les difficultés actuelles du mouvement.

Raphaëlle Besse Desmoulières : Comment expliquez-vous le score du Front de gauche aux européennes ?

Pierra Khalfa : L’échec du Front de gauche tient avant tout à lui-même. Pourquoi, alors que le PS est totalement démonétisé, une grande partie de ses électeurs se sont abstenus plutôt que de voter pour nous ? Ces gens-là se sont pour l’instant résignés car ils voient un gouvernement qui se réclame de la gauche mener une politique de droite. Ils se sont aussi abstenus car nous ne leur avons pas donné envie de voter pour nous. Plusieurs raisons à cela. D’abord, la confusion qui a eu lieu aux municipales avec l’attitude du PCF qui a préféré tantôt faire des alliances avec le PS, dont il dénonçait par ailleurs la politique, tantôt des alliances avec les autres forces du Front de gauche. Ensuite, la dramatisation opérée dans cette affaire par le PG et l’image désastreuse de division que cela a entraînée.

Vous dénoncez aussi un problème de ligne avec des déclarations, reprises par M. Mélenchon, sur la sortie de l’euro…

Nous nous étions mis d’accord sur une ligne précise : le refus de l’Europe actuelle mais dans une perspective de refondation de l’Union européenne avec comme méthode la désobéissance aux traités. Nous avions indiqué clairement que nous étions opposés à la sortie de l’euro. Or, la ligne que nous défendions a été invisible. Au vu des sondages, il y a eu un effet de panique avec la tentation de prendre des raccourcis et de croire qu’en avançant des mots d’ordre de cette nature on allait pouvoir rallier une partie de l’électorat. Cela montre une incapacité à tenir une orientation politique ferme dans des situations difficiles.

La nature même du Front de gauche est-elle en cause ?

La campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon en 2012 avait permis à des dizaines de milliers de personnes de s’y engager. Il aurait été possible d’ouvrir largement les portes et les fenêtres du Front de gauche pour que ces gens y adhèrent directement, mais cela a été refusé. A partir du moment où l’on est resté dans la logique du cartel électoral, les conséquences n’ont pas tardé à se manifester : chaque force a défendu ses propres intérêts aux dépens de l’intérêt général du Front de gauche.

Pourquoi le mouvement ne parvient-il pas à apparaître comme une alternative ?

Cela renvoie à son profil politique. Croire qu’en exprimant seulement la colère des gens, on sera automatiquement vécu comme une alternative est une erreur profonde. Il faut être capable d’apporter des solutions concrètes et crédibles, et que ces dernières soient reliées à un imaginaire de transformation sociale. Les solutions, nous les avons, mais nous n’avons pas été capables d’avancer quelques mesures d’urgence pour donner une visibilité politique au Front de gauche. A ce titre, nous n’avons pas été à la hauteur.

Y a-t-il un « problème » Mélenchon au Front de gauche ?

Il ne s’agit pas de mettre en cause untel ou untel : c’est une responsabilité collective. Nous n’avons pas su discuter de la posture politique que devait adopter le Front de gauche. Ceux qui, comme moi, étaient sceptiques sur ce qui était en train de se passer n’ont pas su faire entendre leur voix.

Y a-t-il une volonté du PCF et du PG de se remettre en cause ?

Les européennes ont été un choc pour tout le monde : il y a eu non seulement le score du FN mais aussi le nôtre qui a donné la vérité des prix sur ce qu’est aujourd’hui le Front de gauche. Il va falloir des discussions sur le fond. Personne ne pourra les éviter.

La coalition est-elle en danger ?

Le Front de gauche est une construction fragile au sens où elle a permis d’agglomérer des courants politiques qui s’étaient historiquement opposés. Sa force est sa diversité, mais c’est aussi sa faiblesse. Il faut un processus de refondation qui permette les adhésions directes et aille au-delà de ses propres forces. Une grande partie des Verts mais aussi Nouvelle Donne, le NPA et la gauche du PS sont opposés à la politique menée. Nous devons discuter pour construire un cadre d’alliance large qui permette de faire exister une alternative à gauche dépassant le seul cadre des partis. Qu’on arrête avec cette multiplication des chapelles qui est néfaste.

Propos recueillis par Raphaëlle Besse Desmoulières

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