Notre projet en vue de la construction d’un « Front du peuple »

samedi 28 juin 2014.
 

Les trois réunions de conseils nationaux ce week-end portent loin. Elle tendent à constituer un nouveau paysage dans la gauche politique. Les Verts ont donné la consigne de ne pas voter le collectif budgétaire du gouvernement, c’est-à-dire l’inepte pacte de responsabilité. Quand on vote contre le budget, qu’est on, sinon dans l’opposition ? Ainsi, d’un seul coup, quels que soient, pour finir, la réalité et le nombre des votes négatifs des députés Verts, l’opposition de gauche s’élargit d’un parti supplémentaire. Il y a trois mois, ce parti était membre du gouvernement….

Le conseil national du PCF a produit un texte qui m’a enchanté. En effet, il approfondit la convergence sur le fond doctrinal avec les thèses du Parti de Gauche. Dans un moment où nombreux sont ceux qui prennent un malin plaisir à souligner les divergences et à essayer d’envenimer les débats, cette convergence est un bien précieux. Lors du dernier congrès communiste, les délégués ont déjà adopté la thèse de la « révolution citoyenne ». Je n’en reprends pas ici la description. Mais je crois que je peux rappeler ceci : il ne s’agit pas de nommer sans le dire l’ancienne idée de « révolution socialiste ». Il s’agit d’autre chose. Le mot nomme le processus qui met en mouvement pour « prendre le pouvoir dans tous les domaines du quotidien » un acteur nouveau. Cet acteur, c’est la population urbanisée, ou vivant en mode urbain, en condition salariale ou précarisée ou durablement sans emploi, pauvre ou incluse dans le circuit du système. Une telle révolution se donne pour objectif et pour méthode la démocratie partout et jusqu’au bout, au service du bien de tous. A noter que ce processus se dote de ses propres organes d’action : le comité citoyen ou l’assemblée citoyenne. A ne pas confondre avec une assemblée de base du Front de gauche. En effet, il s’agit ici d’une assemblée de tous, quelles que soient les opinions, quels que soient les votes, en vue d’une appropriation collective d’un problème a régler. Nommer cet acteur est décisif. Il s’agit du « peuple », concept qui inclut le salariat mais ne s’y réduit pas puisqu’il intègre tous ceux que la condition urbaine met en situation d’interdépendance.

Je demande qu’on me pardonne ce résumé abrupt et somme toute assez abstrait. Mais sans doute nombre de mes lecteurs qui suivent mes réflexions sur ce thème y retrouveront un écho de leur propres analyses. Le concept de peuple fut âprement discuté, et je fus copieusement affublé de l’étiquette de populiste pour cela. L’idée de « Front du peuple » se déduit de cette description. Elle ne nie pas la centralité du conflit pour le partage de la richesse ni la place singulière de la lutte en entreprise sur ce terrain. Elle en élargit le domaine d’application à l’ensemble des questions de la vie commune, que l’on soit salarié ou pas. Ce qui importe ici c’est le mode de vie et la relation d’interdépendance étroite entre individu à travers, par exemple, les prestations communes des services publics, ou de l’extension du domaine de l’interconnexion des individus entre eux. Le « Front du peuple » est donc un mot d’ordre pour tous et en tous lieux. Il unit dans un même mouvement la participation politique traditionnelle des partis mais aussi des syndicats, des associations, des secteurs informels, mais surtout des comités et assemblées de citoyens librement associés dans l’action. On est loin de la formule du « Front populaire », traditionnellement réduit à un cartel d’organisations politiques. Une convergence sur un tel espace idéologique est, à mes yeux, essentielle. Plus nous parlerons la même langue, plus nous avancerons facilement ensemble pour comprendre et agir. C’est par la compréhension commune que l’action commune se renforce le plus vite et le plus profondément. Il est encourageant que, sans concertation préalable, nos deux résolutions de Conseil national s’achèvent par la même référence au « Front du peuple ».

C’est pourquoi je veux rappeler comment notre texte conclut : « Voici notre conviction : le pire de la crise ne serait pas les ravages qu’elle provoque. Le pire serait que nous renoncions à en tirer le moyen de faire naître un monde nouveau, libéré des causes des malheurs du présent. Le Parti de Gauche tiendra son poste de combat. Il se donne les moyens de son développement autonome. Mais il sait que rien n’est possible sans que naisse une union large de tous ceux qui ont compris le danger et le besoin d’en finir avec la politique austéritaire. Et bien davantage encore, rien n’est possible sans qu’un Front du peuple ne se lève pour congédier l’oligarchie, préparer les « jours heureux » et avancer vers l’écosocialisme, seul horizon viable de l’humanité. ».

Ce projet d’une action en vue de la construction d’un « Front du peuple » nécessite sans aucun doute bien des discussions pour en approfondir le sens, les voies et les moyens. Je n’y viens pas à cet instant. J’aurais pourtant bien envie de montrer comment nos marches politico-sociales, et notamment celle du 1er décembre contre l’augmentation de la TVA et pour la révolution fiscale, en ont déjà dessiné les contours. Je ne viens à présent que sur un point. La question de cette construction politique et celle du rapport du Front de Gauche aux dissidents socialistes et Verts. La réunion de mes amis en Conseil national, m’a rendu le service que j’en attendais : y voir plus clair. Un point en particulier m’a frappé. Quelque chose que je n’avais pas vu, du fait de mon implication personnelle dans les discussions avec les partenaires institutionnels de la gauche.

Beaucoup me mettent en garde : les regroupements de groupes et partis politiques ne sont pas l’essentiel à cette heure. Il existe une lame de fond de rejet de tout ce qui touche à « la politique ». L’activité de ceux qui veulent tourner la page de ce système ne doit surtout pas donner l’impression de résumer sa préoccupation à la préparation d’élections et aux alliances qui vont avec. J’entends ce message et je crois qu’il touche juste. Surtout si l’on tient compte du fait que les « dissidents » socialistes et Verts sont pour l’instant plus forts en mots qu’en actes. Ils ne sont donc ni le centre du monde ni « les nouveaux héros de la lutte des classes », comme le disait Pierre Laurent à propos de Kerviel. Beaucoup d’entre eux veulent surtout négocier des corrections à l’intérieur de la trajectoire définie par le gouvernement. Non, le cœur du moment est dans l’action de combat et dans les luttes à épauler et conforter autant qu’on le peut. C’est là qu’est le moteur du Front du peuple que nous voulons faire émerger. Et c’est là que va se jouer l’année qui vient. Le message venu du terrain est clair : on ne répond pas à l’écœurement général pour la scène politique en donnant l’impression d’ajouter des épisodes à la farce ! Que les dissidents de toutes sortes fassent mieux que grogner et se plaindre. Qu’ils agissent, qu’ils rompent les rangs, qu’ils renoncent aux arrangements politiciens. C’est l’urgence. Tout doit être fait pour les y aider. Mais c’est à l’aide aux luttes de terrain qu’il faut s’appliquer. Plus le front social sera actif, plus la scène politique sera ébranlée. L’un commande l’autre à cette heure.


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