Libye : Le pays sombre dans le chaos

jeudi 31 juillet 2014.
 

Les combats entre milices islamistes et anti-islamistes ont fait plus de 120 morts à Tripoli et Benghazi en cinq jours. Washington a évacué son personnel, Londres et Berlin invitent leurs ressortissants à partir.

Trente-huit morts, tel est le bilan provisoire, au cours des dernières vingt-quatre heures, des affrontements entre les milices du Conseil de Choura des révolutionnaires de Benghazi (islamiste) et les Forces spéciales de l’armée dans le centre de la ville. Dans un communiqué, les groupes islamistes, qui ont revendiqué hier plusieurs attaques contre des bases militaires à Benghazi, ont affirmé avoir pris le contrôle de certaines d’entre elles. Des informations démenties par le commandant des Forces spéciales, Wanis Abu Khamada, à la télévision Libya al-Ahrar, selon qui ses hommes étaient « capables de repousser toute offensive contre les institutions de l’État ». Depuis 2011, les groupes islamistes font la loi dans la seconde ville de Libye. Et depuis mai dernier, l’ex-général Khalifa Haftar, à la tête d’une « armée nationale », tente de les en déloger.

Une dégradation de la situation sur le plan sécuritaire

Plus inquiétant, ces affrontement surviennent moins de vingt-quatre heures après ceux ayant opposé, vendredi à Tripoli, pour le 13e jour consécutif, les brigades de Zenten, proches des courants libéraux, à celles de Misrata, d’obédience islamiste. L’enjeu de ces combats ayant fait 97 morts et 400 blessés, l’aéroport international de Tripoli, sous contrôle des zentanis depuis septembre 2011. Encore une fois, les brigades islamistes de Misrata, qui accusent les zentanis de compter dans leurs rangs des anciens militaires ayant servi le régime de Kadhafi, ont échoué dans leur tentative à chasser leurs rivaux de l’aéroport.

Visiblement, la mise en garde adressée vendredi aux belligérants par le cabinet du premier ministre libyen, Abdallah Al Theni, contre le risque d’« effondrement de l’État », les exhortant « à engager d’urgence des négociations avec le gouvernement pour résoudre » la crise, n’a pas été entendue. Illustration de cette impuissance à imposer son autorité, jeudi, le premier ministre et plusieurs de ses collègues avaient été empêchés par les milices islamistes d’al-Nawsi, d’Abdelhakim Belhadj, de prendre l’avion à l’aéroport militaire de Miitiga pour la ville de Tobrouk, dans l’est de la Libye. Quant à l’appel aux belligérants pour un cessez-lefeu, lancé par les envoyés spéciaux en Libye de la Ligue arabe, de l’Union européenne, des États-Unis et de plusieurs pays européens, il est resté lettre morte.

Toujours est-il que, face à l’insécurité grandissante à Tripoli et sur le territoire libyen, les États-Unis ont fait évacuer, samedi, en urgence, par voie terrestre avec appui aérien – trois chasseurs F-16 assuraient la protection du convoi se dirigeant vers la Tunisie – tout le personnel de leur ambassade à Tripoli. La Grande-Bretagne et l’Allemagne ont appelé également leurs ressortissants à quitter le pays.

La dégradation de la situation sur le plan sécuritaire n’est certainement pas sans rapport avec l’annonce des premiers résultats des élections législatives accordant une victoire aux forces du courant libéral et démocratique sur les forces de la mouvance islamiste. À l’instar de la Tunisie, voire de l’Égypte et d’autres pays de la région, l’islamisme, en raison de ses excès, connaît un début de déclin. À Benghazi, des milliers de personnes avaient manifesté il y a une année pour exiger le départ des milices d’Ansar Charia, proche d’al-Qaida. À Tripoli, Abdelhakim Belhadj, ancien chef du Groupe islamique combattant libyen (CIGL), qui a fait ses armes en Afghanistan, aujourd’hui gouverneur militaire de Tripoli, soutenu par le Qatar mais aussi par la France, n’a même pas été élu au Parlement.

Hassane Zerrouky


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