Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, l’irrésistible ascension des cinq

lundi 11 août 2014.
 

En créant leurs propres institutions financières multilatérales, les puissances émergentes du groupe BRICS bousculent la gouvernance économique mondiale.

Toutefois, elles sont encore loin de démanteler le système d’après-guerre dominé par l’Occident.

Ces 70 dernières années, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ont été les piliers du système économique mondial, en intervenant respectivement pour secourir les pays en difficulté et pour soutenir des projets de développement.

Cependant, les institutions de Bretton Woods sont régulièrement critiquées pour leur incapacité à tenir compte des contributions de plus en plus importantes des grandes puissances émergentes dans l’économie mondiale.

La Chine, deuxième puissance économique du monde, continue d’avoir à peine un peu plus de quotas de vote au sein du FMI que l’Italie, un pays environ cinq fois plus petit.

En outre, depuis leur création en 1944, le FMI et la Banque mondiale n’ont été dirigés que par des Américains et des Européens.

« Les grandes réformes de la gouvernance mondiale sont au point mort, malgré les nombreux engagements pris par les pays avancés envers les marchés émergents pour leur donner un rôle plus important dans les institutions financières et d’autres instances internationales », a noté Eswar Prasad, professeur de politique des affaires à l’Université Cornell et ancien expert du FMI.

Dans ce contexte, le lancement mardi dernier d’une banque de développement et d’un fonds de réserve d’urgence par les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) apparaît comme une tentative concrète de remédier à ces inégalités.

« Si les institutions existantes faisaient parfaitement leur travail, il n’y aurait pas besoin de créer une nouvelle banque et un nouveau fonds », a reconnu Paulo Nogueira Batista, qui représente le Brésil et dix autres pays au FMI . La simple création de ces deux institutions par les BRICS envoie un signal fort aux puissances occidentales, qui doutent pour certaines de la capacité des cinq pays émergents à surmonter leurs ambitions et besoins individuels.

Ce lancement « est une mesure importante qui marque un véritable tournant, en faisant de la rhétorique sur la coopération entre ces pays une réalité », a affirmé M. Prasad.

Pourtant, de nombreuses zones d’incertitude entourent ces nouvelles structures, et le FMI et la Banque mondiale gardent une longueur d’avance sur leurs rivales naissantes.

Pour l’instant, seuls les pays du groupe BRICS pourront puiser dans le capital de 50 milliards de dollars de la nouvelle Banque de développement ou dans le fonds de réserve de 100 milliards de dollars.

La preuve de l’efficacité de ces nouvelles institutions sera apportée lorsque d’autres pays frapperont à leur porte pour solliciter des prêts.

« Les BRICS prendront-ils le risque financier de prêter à d’autres pays ? Quelles conditions imposeront-ils ? », a demandé un responsable du FMI qui a souhaité garder l’anonymat.

Le FMI, qui est habitué à secourir des pays financièrement, et à obtenir un remboursement, en échange de conditions d’austérité, est doté d’une expertise qui « ne se crée pas du jour au lendemain », a noté ce fonctionnaire international.

Conscients de leurs limites actuelles, les BRICS ont précisé qu’ils travaillaient en étroite collaboration avec le FMI. Une partie de leur capital sera réservée aux pays qui reçoivent déjà une aide du Fonds.

La présidente du Brésil Dilma Rousseff a déclaré que la création de ces institutions par les BRICS ne signifiait pas que son pays tournait le dos au FMI. « Nous n’avons pas le moindre intérêt à nous éloigner du FMI. Au contraire, nous voulons le démocratiser et le rendre aussi représentatif que possible », a-t-elle affirmé.

Le siège de la Nouvelle Banque de Développement des BRICS va être établi à Shanghai. Certains Occidentaux n’ont pas manqué d’exprimer leur mécontentement et d’invoquer le concept d’hégémonie de la Chine. Le Financial Times estime que « le choix de Shanghai témoigne d’une manière très claire du rôle central de la Chine dans le groupe ». Reuters a appelé la Chine « Big Brother ». Et certains médias japonais ont utilisé l’expression « d’hégémonie chinoise ». Les médias occidentaux cherchent à susciter des troubles parmi les cinq pays.

En fait, l’égalité est la base politique de ce groupement et de la banque de développement. C’est ce qui différencie la banque des BRICS de la Banque mondiale. Sans égalité, divergences et problèmes entre les cinq pays pourraient apparaître. Mais avec l’égalité, les cinq pays peuvent agir dans l’harmonie tout en restant divers.

Ce principe d’égalité a été approuvé entre ces pays, et afficher une position alarmiste ne sera guère opérant.

Que la puissance de la Chine soit au-dessus des quatre autres pays, c’est un fait. Mais des pays avec des forces différentes peuvent avoir le même statut. De nombreux pays en développement adhèrent à ce principe d’égalité de nations quelles que soient leurs grandeurs. A contrario, c’est la mentalité hégémonique qui prévaut en Occident et l’égalité n’y est qu’une sorte de rhétorique diplomatique hypocrite. Garder un profil bas non seulement a été la doctrine philosophique de la société chinoise, mais ce concept a aussi profondément affecté le comportement de la Chine sur la scène internationale.

En tant que deuxième puissance mondiale, la Chine affiche une attitude modérée et est prête à partager son pouvoir. Elle veut s’attirer le soutien des BRIS, mais n’a aucunement l’ambition de contrôler le groupe. Tous les autres membres sont également désireux de se développer avec l’aide des autres pays de ce groupe ; c’est pour cela qu’ils l’ont rejoint.

La création de la banque a seulement demandé un an depuis qu’elle a été envisagée. Cela montre que l’écart de puissance entre la Chine et les autres pays n’a pas été un obstacle structurel à ce regroupement.

Les cinq pays qui ne font pas partie de l’hémisphère occidental veulent fonctionner de manière démocratique. Le lancement de la banque de développement des BRICS va permettre d’instaurer ce principe par cette égalité.

La Chine, le pays le plus puissant des BRICS, veut adopter une approche prudente dans le respect de l’égalité, sans se soucier des mises en cause extérieures. Dans le même temps, tous les membres des BRICS ont besoin de temps pour réfléchir à ce que l’égalité signifie vraiment pour eux.

Certains Occidentaux attendent avec impatience de voir les problèmes de la banque émerger. Cette attitude prouve que la banque va jouer un rôle essentiel dans le maintien des intérêts des pays en développement. Les nations du BRICS sont assez sages pour savoir cela. Le potentiel de la banque BRICS va inévitablement inquiéter quelques Occidentaux, et ils en sont bien conscients.

Dans un monde où la concurrence fait rage, mais toujours dirigé par l’ordre ancien, les pays du BRICS doivent non seulement disposer de leurs ressources et de leurs puissances propres, mais aussi forger leur propre destinée.

Argentine : un enjeu entre BRICS et USA

En 2013, le chinois Gezhouba avait signé un contrat avec l’argentin Electroingenieria concernant la construction de centrales hydrauliques.

L’Argentine, qui n’est plus capable de se procurer les ressources financières nécessaires sur les marchés internationaux à cause de sa solvabilité douteuse, recevra un prêt de 7,5 milliards de dollars de la Chine, selon un accord établi le 18 juillet entre les deux pays en présence du président chinois Xi Jinping et de son homologue argentine Christina Fernandez.

La China Development Bank accordera à l’Argentine un premier prêt de 4,7 milliards de dollars pour la construction de deux centrales hydrauliques en Patagonie. En 2013, le chinois Gezhouba, spécialiste des projets hydrauliques, avait déjà signé un contrat avec l’argentin Electroingenieria concernant la construction de ces centrales d’une capacité de production combinée de 1740 mégawatts.

La China Development Bank offrira encore à l’Argentine un second prêt de 2,1 milliards de dollars pour relancer un projet ferroviaire longtemps retardé, destiné à faciliter le transport de denrées entre les régions agricoles et les ports argentins.

La présidente argentine a indiqué que l’établissement de ces accords avait permis de jeter un nouveau jalon dans l’histoire des relations sino-argentines.

La Chine est en effet le deuxième partenaire commercial de l’Argentine, juste derrière le Brésil. Pourtant, en 2013, le déficit commercial de l’Argentine avec la Chine a encore augmenté de 20% à 5,8 milliards de dollars.

L’Argentine est le troisième exportateur mondial de soja et de maïs, tandis que la Chine est le principal acheteur de soja argentin.

Xi Jinping, qui est le premier président chinois à se rendre en Argentine depuis dix ans, est arrivé vendredi dernier à Buenos Aires, après avoir participé au sommet des BRICS au Brésil plus tôt dans la semaine.

Les banques centrales des deux pays ont encore signé un accord de swap portant sur un total de 11 milliards de dollars valable trois ans. Le yuan deviendra ainsi la principale devise de règlement dans les transactions entre les deux pays. Par ailleurs, Christina Fernandez a indiqué que l’accord entre les deux banques centrales « permettra de stabiliser les taux de change, souvent victimes des fonds vautours en Argentine ».

Valet Matti


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message