Jaurès et les femmes

jeudi 18 septembre 2014.
 

Jaurès chemine. Il salue le mouvement suffragiste britannique, défend les revendications sociales… Jaurès est souvent décrit comme indifférent aux revendications féminines, comprenant mal ces aspirations nouvelles. Certes, il est un homme de son temps, respectueux des conventions  : mariages arrangés par les familles, surveillance de la bonne tenue des filles… Il ne pouvait guère en aller autrement.

Le ménage Jaurès ne diffère d’ailleurs pas de la plupart des autres foyers de dirigeants socialistes, toutes tendances confondues. L’épouse s’occupe des enfants, de l’intérieur, avec l’aide de domestiques dévouées. L’homme vit pleinement sa vie dans la sphère publique et il entretient la famille. Madame Jaurès est une épouse affectueuse, qui accepte les nombreuses absences de son mari, capable de se battre en duel avec un ministre dans un parc de banlieue un petit matin de Noël ou de partir soutenir les mineurs grévistes de la Loire juste avant le réveillon du 31 décembre 1899.

Mais là aussi Jaurès réfléchit, se montre capable de bouger, d’imaginer autre chose, aidé par son intelligence et sa sensibilité. Il voit la société changer. Les femmes ont toujours travaillé, mais elles le font désormais autrement  : Jaurès le constate dans la Dépêche de Toulouse (10 janvier 1907)  : «  Dans toutes les branches (…) la femme assume la même fonction que l’homme. Elle devient de plus en plus, dans l’ordre économique, une personne identique à l’homme. Comment de cette identité d’existence et de fonction ne résulterait pas l’identité des droits et des revendications  ?  » Il soutient ces revendications, y compris le droit de vote et d’éligibilité à toutes les élections. Les congrès socialistes de Limoges et de Nancy comme celui de l’Internationale (Stuttgart, 1907) font de même.

Sur le modèle éprouvé du 1er Mai, le congrès international suivant (Copenhague, 1910) institue une Journée pour le droit des femmes le 8 mars. En 1914, elle est célébrée pour la première fois en France par les socialistes. Derrière les bonnes intentions proclamées, il est vrai que les socialistes se mobilisent peu, craignant les effets immédiats du suffrage féminin, obnubilés par leur combat «  principal  » pour la représentation proportionnelle. Les revendications féminines sont reportées en fin de programme… Mais Jaurès chemine. Il attend beaucoup de la mobilisation des femmes pour la paix, salue à l’occasion le mouvement suffragiste des Britanniques, défend les revendications sociales, bataille à la Chambre pour obtenir en faveur des institutrices un salaire égal pour un travail égal (1913). Aujourd’hui encore, il ne s’agit pas de «  revenir à Jaurès  », mais de prolonger son combat pour l’émancipation.

par Gilles Candar, historien


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message