Dérapages du collectif « Sauvons Calais » : fallait-il autoriser le rassemblement de dimanche ?

mercredi 17 septembre 2014.
 

Après les discours haineux lors du rassemblement « anti-migrants » organisé par Sauvons Calais dimanche, la question se pose une nouvelle fois : fallait-il autoriser ce rassemblement au cours duquel il était prévisible que la liberté de manifestation se heurterait à l’incitation à la haine raciale ?

Plusieurs interdictions de rassemblement et manifestations ont frappé les collectifs souhaitant protéger la population de Gaza. Aussi, l’autorisation donnée à l’extrême droite sur Calais est étonnante.

« Le monde blanc est dangereusement remis en question », « avec la racaille étrangère ne vous laissez pas faire, ni égorger, rassemblez-vous ! » Des propos suivis de gestes s’apparentant à des saluts nazis… Ces comportements radicaux et heurtants se sont produits dimanche, au pied de l’hôtel de ville. Ils sont le fait de leaders d’extrême-droite lors de la manifestation organisée par le collectif Sauvons Calais pour dénoncer la présence de migrants. Lorsque la liberté d’expression passe la frontière de l’incitation à la haine raciale, la question se pose plus que jamais : ne fallait-il pas interdire ce rassemblement ?

Le préfet estime qu’il n’y avait pas de raisons d’interdire

Contacté ce lundi, le sous-préfet Denis Gaudin répète ce qu’il avait déjà indiqué : « Il y a deux critères pour interdire une manifestation. Quand elle risque de causer un trouble à l’ordre public et quand l’autorité n’est pas en mesure de pallier à ce risque. » Les deux conditions n’étant pas réunies, le préfet, Denis Robin, a décidé de ne pas interdire le rassemblement.

En avril pourtant, dans un contexte similaire, il avait dit non à ce type de manifestation quand le leader de Sauvons Calais, Kevin Reche, comptait mettre en place un « défilé anti-migrants ». « Kevin Reche a déjà tenu des propos extrémistes et d’incitation à la haine », avait dit Denis Robin, soulignant dans cette interdiction « une décision rare, lourde à prendre ».

Suite aux dérives de dimanche, la préfecture pourrait-elle décider une nouvelle interdiction de ce genre de rendez-vous ? « On regarde ça au cas par cas. Les risques en interdisant une manifestation, c’est que les personnes fassent un recours qu’ils gagnent et c’est ensuite de stigmatiser une population qui en profite pour créer le buzz », explique Denis Gaudin qui se refuse aux commentaires sur le fond des discours. Les services de police étaient présents pour s’interposer en cas de violence avec des militants antifascistes « Cela a pu être évité », souligne le chef de la police du Pas-de-Calais. Sur la tenue des propos extrémistes, ce sera au parquet de juger de l’éventuelle ouverture d’un dossier.

Kevin Reche joue la provocation : « Je n’ai pas vu de racisme »

Kevin Reche, leader du collectif nationaliste Sauvons Calais, a commencé dimanche son discours en indiquant n’être « ni raciste, un nazi ». Pourtant rien n’a choqué le jeune homme dans les discours de Thomas Joly, secrétaire général du Parti de France, ni d’Yvan Benedetti, ex-président d’un mouvement d’extrême-droite.

« Pour moi, la manifestation s’est bien passée dans l’ensemble, le peuple calaisien se mobilise. Je n’ai pas vu de racisme. Je n’ai rien vu de choquant. J’étais à côté des personnes qui ont fait des gestes au moment où était entonné On n’entendra plus Clément Méric chanter. Ce n’était pas vraiment des saluts nazis, c’étaient des gestes qui y ressemblaient. » Clément Méric est un militant d’extrême-gauche mort lors d’un rixe avec des militants d’extrême-droite en juin 2013.

Pour Yann Capet et Jacky Hénin, ce rassemblement aurait dû être interdit

- Yann Capet, député socialiste et conseiller municipal d’opposition. « J’avais hélas raison en demandant l’interdiction de la manifestation de Sauvons Calais à qui on a laissé envahir la place de la mairie. Je regrette d’avoir été le seul élu à le faire et de l’étrange passivité de Madame le Maire. (...) Saluts hitlériens, T-shirts nazis, discours haineux, racistes, outranciers de leaders et militants de plusieurs factions d’extrême droite. Ce n’est pas Calais, cela ne représente pas les Calaisiens et surtout pas ceux, qui légitimement, expriment leur lassitude au regard de la situation calaisienne par rapport aux réfugiés, sans haine, ni racisme », déclare l’élu dans un communiqué. Pour l’élu, le préfet aurait dû refuser le rassemblement. Yann Capet indique avoir été menacé de mort par des militants d’extrême-droite et réfléchit à porter plainte.

- Jacky Hénin, conseiller municipal d’opposition (PC). « Je trouve catastrophique que Natacha Bouchart fasse interdire un tournoi de football au stade du Souvenir. Cela n’aurait dérangé personne, même le pape organise des matches de football multiconfessionnels. Par contre, elle n’a pas été capable de faire interdire un rassemblement de gens qui tiennent des propos ségrégationnistes. C’est accepter que le racisme ait pignon sur rue. » Le conseiller municipal communiste n’est pas pour l’interdiction de manifestation « dès lors qu’on respecte la démocratie et les valeurs républicaines ». Pour Jacky Hénin, l’État aurait certainement dû interdire ce rassemblement, mais il aurait aussi dû intervenir dimanche.

PAR DOMINIQUE SALOMEZ (AVEC ÉRIC DAUCHART)


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