Aujoud’hui l’Ecosse vote Oui ou NON à son indépendance

jeudi 18 septembre 2014.
 

Référendum du 18 septembre en Écosse : un enjeu pour les anticapitalistes  ? (NPA)

Au moment où nous écrivons, le résultat du référendum sur l’indépendance de l’Écosse ne nous est bien entendu pas connu. Il est clair que la campagne a eu un énorme impact en Écosse, mais comment expliquer que l’ensemble des forces anticapitalistes – et également «  internationalistes  » – en Écosse et au Royaume-Uni se sont pleinement engagées pour le Oui à une indépendance «  nationale  »  ?

Internationalistes, nous soutenons le «  droit aux peuples opprimés à l’autodétermination  ». Mais doit-on considérer l’Écosse comme une nation opprimée  ? Difficilement, car après l’Acte d’Union signée en 1707 avec l’Angleterre, la classe dominante écossaise a profité pendant deux siècles de ce «  mariage  », réalisant une quasi-fusion avec la classe dominante britannique, dans le commerce des esclaves, la colonisation et l’exploitation de la classe ouvrière britannique.

Nationalistes, réformistes et «  responsables  »

Fondé en 1928, le Scottish national party (SNP) n’émergera vraiment qu’à la fin des années 70, quand la politique néolibérale brutale de Margaret Thatcher et l’arrivée du pétrole «  écossais  » dans la mer du Nord donneront un coup de pouce aux nationalistes – aux dépens des conservateurs.

En 1998, la création d’un Parlement écossais, avec des pouvoirs limités mais réels, et la poursuite de cette politique néolibérale par les travaillistes, et ensuite par Cameron et ses alliés libéraux, ouvriront la porte du pouvoir au SNP. Aujourd’hui, il est le premier parti d’Écosse, avec une majorité au Parlement écossais.

Le SNP est un parti dont le nationalisme gomme la question des classes sociales, mais il est aussi un parti réformiste. D’un côté, il prône le modèle d’une économie à l’irlandaise, basée sur les bas salaires et des exportations. De l’autre, il arrive à doubler sur sa gauche un Parti travailliste devenu néolibéral et pro-guerre, captant ainsi une partie de son électorat.

Néanmoins, le SNP reste modéré et «  responsable  ». Il promet de respecter le régime monarchique, s’engage à ce que l’Écosse reste membre de l’Otan, et n’envisage pas de rompre avec la livre sterling. Avec une telle perspective pour une Écosse indépendante, pourquoi voter Oui  ?

Oui à l’affaiblissement de l’État britannique

En mars, les sondages donnaient une large victoire du Non. Depuis, l’arrogance s’est transformée en panique. La quasi-totalité de la presse écossaise et britannique, et tous les grands partis, mènent une campagne de la peur contre le Oui, prédisant les pires catastrophes. Le chef de la marine britannique a exprimé son inquiétude et la reine d’Angleterre serait «  horrifiée  » à l’idée d’un royaume explosé.

Le vote pour le Oui se dessine clairement comme un vote pour l’affaiblissement économique et militaire d’une des principales puissances au monde et de sa capacité à nuire. Quatre sous-marins, porteurs de 58 missiles nucléaires «  loués  » aux Américains, sont basés en Écosse. En cas de victoire du Oui, le SNP demanderait à Londres de les retirer. Ainsi, la place du Royaume-Uni au Conseil de sécurité à l’ONU pourrait-elle être remise en cause, l’équilibre au sein de l’Otan déstabilisé et le poids du Royaume-Uni, et du coup celui des USA, au sein de l’Europe diminué.

Par la même occasion la capacité d’une petite nation de 5 millions d’habitantEs de se séparer d’une grande puissance ne pourrait qu’encourager d’autres peuples dans leurs luttes à travers le monde.

Et après la formidable dynamique  ?

Le référendum a suscité un niveau de débat sans précédent en Écosse et beaucoup d’espoir. Toutes les conversations tournent autour du vote. Les meetings et les rassemblements sont massifs. Le nombre d’inscrits sur les listes électorales a atteint un niveau record – 97 % – dont les jeunes de 16 et 17 ans qui peuvent voter pour la première fois. Énormément d’abstentionnistes, dégoûtés par la politique des grands partis, participent aux débats, considérant que c’est la première fois que leur vote (pour le Oui) servira à quelque chose.

Depuis quelques années, le SNP s’est positionné à gauche. À l’opposé des travaillistes à Londres, il a obtenu le maintien de l’éducation gratuite pour les étudiants en Écosse, s’est opposé à la marchandisation rampante du système de santé et à l’invasion de l’Irak par Tony Blair. Et c’est justement lorsque le SNP a attaqué le gouvernement très fort sur les questions sociales que le vote pour le Oui a progressé.

La campagne a remis en cause beaucoup de loyautés traditionnelles. Un sondage récent donnait 35 % des électeurs travaillistes en faveur du Oui. Si celui-ci l’emporte, de nouvelles formations de gauche pourraient émerger. Un Oui pourrait aussi ouvrir la possibilité de nouvelles mobilisations pour exiger d’un gouvernement du SNP la réalisation des promesses. En cas de reniement, il ne pourra plus prétendre que «  c’est la faute à Londres  ». En cas de victoire du Non, ce ne sera très certainement que partie remise pour l’exigence d’un nouveau référendum. Dans tout les cas, de nouvelles batailles sur les questions sociales soulevées par la la campagne sont en perspective.

Ross Harrold

Source : http://www.npa2009.org/

B) Les anticapitalistes et l’indépendance écossaise – Un peu d’histoire (de 1707 au présent) par BLACK Alistair, Parti Socialiste écossais)

Vue de l’hexagone, la perspective de l’indépendance de l’Ecosse – comme aussi de la Catalogne ou du Pays basque de l’Etat espagnol – semble à beaucoup de militants hors de propos, si ce n’est une incongruité à l’heure où le prolétariat européen et international a par-dessus tout besoin d’unir ses forces. Raison de plus pour écouter les arguments des révolutionnaires anticapitalistes de ce pays.

Au matin du 6 mai 2011, les Ecossais ont découvert un paysage politique radicalement modifié. Pour la première fois, les élections au parlement écossais avaient donné une majorité au Scottish National Party (SNP, Parti national écossais). Le parlement et le gouvernement écossais sont des institutions décentralisées [1] disposant de prérogatives fiscales limitées et exerçant les pouvoirs d’état dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la justice, de l’agriculture et de l’organisation des pouvoirs locaux. Le SNP était déjà au gouvernement mais ne disposait au parlement que d’une majorité relative, ce qui limitait ses capacités législatives. à présent, sa nette victoire, avec une progression de 13 %, lui donnait la majorité absolue de 69 sièges sur 129. Le grand perdant était le Labour Party (Parti travailliste) qui avait dominé la vie politique écossaise pendant des décennies.

Le SNP s’était présenté comme un parti de centre-gauche ayant pris des mesures progressistes, dont certaines, comme la gratuité totale des médicaments [2], étaient reprises du programme du Scottish Socialist Party (SSP). Il avait également pris position contre les mesures d’austérité exigées par la coalition conservatrice-libérale au pouvoir à Londres, en déclarant par exemple qu’il n’y aurait pas de licenciements dans les services publics dont il avait le contrôle. De nombreux travailleurs, notamment dans la santé, ont voté SNP pour sauver leurs emplois. La position du SNP contrastait avec les claudications du Labour Party, vu comme prenant ses ordres de Londres, la branche locale d’un parti britannique proposant lui-même des coupes sévères dans les services publics. Le Labour était en outre perçu comme va-t-en-guerre, le parti qui avait envoyé les troupes en Irak et en Afghanistan, quand le SNP s’était opposé à ces interventions comme à celles menées précédemment dans les Balkans.

Cette fois, la majorité des électeurs mit donc de côté sa loyauté envers le Labour Party. Et maintenant, le SNP promet un référendum sur l’indépendance. Prévu en 2014, il pourrait mettre un terme à l’état britannique. Ce vote opposera les partis anti-indépendantistes, conservateurs, libéraux et travaillistes, au SNP ainsi qu’aux Verts et à la majeure partie de la gauche écossaise, dont le SSP.

Qu’est-ce que l’Ecosse  ?

L’histoire de l’Ecosse, comme celle de toutes les nations, montre l’opposition existant entre les intérêts des masses et ceux de la classe dominante.

Au centre d’Edimbourg se trouve une pizzeria dont les toilettes en sous-sol ont été construites à l’endroit précis où, en 1707, a été signé l’Acte d’union entre l’écosse et l’Angleterre. Ce traité a été signé dans une cave parce que la fureur de la foule rendait très dangereux de le faire ailleurs. Jusqu’en 1707, l’Écosse avait été une nation indépendante, même sous l’influence politique et parfois l’occupation militaire de son voisin du sud. Au début de ce siècle, les nobles écossais et la classe dirigeante étaient menacés de ruine suite à l’échec d’une tentative très mal préparée de colonisation en Amérique centrale – l’expédition «  Darien  ». La perspective d’un sauvetage financier et les pots-de-vin de l’Angleterre menèrent à la création du nouvel état, la Grande-Bretagne. Le grand poète et radical écossais Robert Burns écrivit à ce sujet  : «  Nous sommes achetés et vendus pour l’or anglais – Quelle bande de canailles dans cette nation  !  » [3]

Les tentatives de partisans de la dynastie catholique des Stuart, les «  jacobites  », pour prendre le pouvoir en 1715 et en 1745 furent défaites et débouchèrent sur une répression violente de l’état britannique dans les Highlands («  hautes terres  ») qui avaient soutenu la cause jacobite. La culture des Highlands fut alors attaquée, le kilt et la cornemuse interdits, la langue gaélique réprimée. De nombreux Ecossais des basses terres, parlant l’anglais et protestants presbytériens convaincus, avaient également combattu les jacobites. L’écrasement de ces derniers ouvrit la voie à la création des régiments écossais qui combattirent pour l’empire britannique, tandis que les nobles écossais s’enrichissaient dans la construction de cet empire.

L’Ecosse conserva toutefois des institutions séparées de celles d’Angleterre. L’église presbytérienne («  église d’Écosse  ») demeura religion d’Etat, le système éducatif resta différent et l’Écosse conserva son propre système juridique (la «  loi écossaise  ») ainsi que ses propres institutions financières.

La classe dirigeante écossaise préserva ces institutions tout en participant allègrement à la construction de l’empire britannique. De nombreux bourgeois écossais firent fortune dans les plantations esclavagistes de Jamaïque ou dans les ports indiens, soutenus par les baïonnettes de l’armée britannique. Pour les travailleurs écossais, il y eut de nouvelles industries. Glasgow devint un centre de la construction navale destinée à répondre aux besoins de l’empire. La force de travail se renforça d’immigrants venus d’Irlande, principalement des catholiques fuyant les discriminations. De toutes les confessions, les travailleurs vivaient dans des conditions de logement déplorables, toujours au bord de la misère.

L’Écosse développa une fière tradition de lutte radicale. On peut en trouver des origines dans les mouvements démocratiques radicaux presbytériens, tel celui des conventionnaires [Covenanters] qui menèrent une guerre civile à la fin du 17e siècle. Des démocrates tels que Thomas Muir furent influencés par la Révolution française. Les premières manifestations d’une action ouvrière autonome se 
produisirent avec la grève des tisserands de Calton, en 1787, qui fut noyée dans le sang.

Les syndicats et la tradition socialiste s’enracinèrent durant les 19e et 20e siècles. A l’époque de la Première Guerre mondiale, Glasgow en vint à être connue comme «  la Rouge  » [Red Clydeside] après des combats de masse tels que la grève des loyers et la grève pour les 40 heures. Les femmes jouèrent dans ces luttes, particulièrement la grève des loyers, un rôle important quoique jamais mentionné dans les livres d’histoire. En 1919, confronté aux grèves et craignant une insurrection d’inspiration bolchevique, le gouvernement envoya l’armée occuper la ville. Les leaders socialistes les plus connus de l’époque, comme le dirigeant gréviste Willie Gallacher (devenu ensuite un député communiste) et John Maclean, se mirent alors en évidence. Maclean fut nommé par Lénine consul de Russie à Glasgow, ce qui ne le protégea pas de la répression. Il fut l’un des premiers à lier la lutte ouvrière à la question nationale écossaise, en appelant à former une République écossaise des travailleurs.

La montée de la question nationale

Malgré la position de Maclean, la question nationale resta secondaire en Écosse jusqu’aux années 1970. Le soutien à l’union britannique avait également une composante de classe. Certains voyaient l’unité nationale au sein de l’Etat britannique comme ayant permis de défaire l’Allemagne nazie, de créer l’état social sous le gouvernement travailliste de 1945 et de construire des syndicats puissants.

Mais cette perception commença à changer dans les années 1970 avec la crise économique. Celle-ci coïncida avec la découverte d’importants gisements de pétrole dans les eaux écossaises de la Mer du Nord. Le SNP (Parti national écossais) adopta le slogan «  Le pétrole est à nous  » et obtint pour la première fois quelques succès électoraux. A l’époque, le parti travailliste comme la gauche révolutionnaire ironisaient sur lui en le décrivant comme «  un parti 
conservateur en tartan  » – avec une base rurale et des politiques de droite. La lutte de classes en Écosse attint des sommets avec l’occupation des Chantiers navals de la Haute-Clyde, dirigée en 1971 par Jimmy Reid, alors un membre connu du PC, ainsi qu’avec les grèves des mineurs victorieuses de 1974 et d’autres luttes significatives.

C’est l’élection de Margaret Thatcher, en 1979, et les attaques de son gouvernement qui produisirent un tournant majeur sur la question nationale. Si importante en Écosse et dans le nord de l’Angleterre, l’industrie lourde rétrécit dramatiquement, dans le cadre d’un processus général de destruction. Les syndicats firent l’objet de dures attaques, à travers des lois antigrèves et antisyndicales permettant à l’état de les faire disparaître en s’emparant de leurs avoirs. Le test fut la grande grève des mineurs, en 1984-85. Sa défaite après un combat héroïque constitua pour la classe ouvrière un énorme revers. Il y eut au même moment un mécontentement grandissant envers le gouvernement britannique conservateur, qui disposait d’un soutien très faible en Écosse où il n’avait qu’une poignée de députés. Cette situation était vue comme un «  déficit démocratique  »  : l’Écosse vote travailliste mais récolte les conservateurs, elle vote à gauche mais est gouvernée par la droite.

Lorsque le gouvernement Thatcher introduisit la «  poll tax  » – une taxe d’habitation à taux fixe par tête, qui frappait avant tout et très durement les travailleurs et les pauvres –, il le fit d’abord en Écosse, un an avant le reste de la Grande-Bretagne. Le ressentiment attint alors des sommets. L’Écosse, qui avait rejeté les conservateurs par une majorité écrasante, était l’endroit choisi par eux pour expérimenter leurs politiques de droite dure. C’est en Écosse que fut lancée une campagne de masse pour le non paiement de cette taxe (qui posa des bases de la création ultérieure du SSP). Le SNP adopta une ligne de soutien passif à cette campagne, et commença à gagner un soutien électoral dans des fiefs travaillistes. C’est désormais dans la classe ouvrière, parmi les pauvres et les jeunes que le soutien à l’indépendance devenait le plus fort.

L’exigence de l’autogouvernement [«  home rule  »], d’un parlement écossais, auparavant noyée en petites lettres au milieu des programmes travaillistes, prit de la force et gagna le soutien de syndicats. Lorsque le conservateur John Major remporta en 1992 une victoire surprise, il y eut des rassemblements et manifestations de masse appelant à un vote en faveur de l’autogouvernement. Le parti travailliste s’engagea en faveur d’un référendum sur la création d’un parlement décentralisé. Cette revendication fut finalement satisfaite après l’élection de Tony Blair en 1997, et le premier parlement écossais s’installa en 1999.

Le nationalisme écossais au 21e siècle

La mise en place de ce parlement avait été largement contrôlée par la direction travailliste écossaise, qui élabora un système électoral censé empêcher qu’un seul parti obtienne une majorité absolue, et par conséquent garantir que le SNP ne puisse jamais réunir assez de votes pour proposer un référendum sur l’indépendance. C’est le parti travailliste, allié aux libéraux, qui domina les deux premiers parlements écossais. La gauche obtint également un bon résultat en 2003, avec 
6 députés pour le SSP, 7 pour les Verts et 
4 indépendants pour l’essentiel de gauche. Le SNP avait alors été affaibli et semblait égaré suite à la décision de son dirigeant, Alex Salmond, de se mettre en retrait.

Mais cela ne devait pas durer. Les travaillistes perdaient de leur influence à mesure qu’ils évoluaient à droite et les électeurs étaient de plus en plus déçus de leur gouvernement, tant à Londres qu’à Edimbourg. Le SNP se positionna alors à gauche du parti travailliste, replaça Salmond à sa tête et commença à postuler au pouvoir. En 2007, il constitua un gouvernement minoritaire, après avoir aspiré la plupart des voix des anticapitalistes et des Verts. Le SSP, qui avait subi une scission amère, perdit sa représentation au parlement. En 2011, le SNP devint encore plus dominant et obtint ce qui était supposé impossible, à savoir une majorité absolue.

Le SNP se présente comme étant à la gauche du parti travailliste. Dans des quartiers ouvriers, ses militants se disent anticapitalistes et certains sont des syndicalistes. Il est notable que l’on trouve parmi eux d’anciens dirigeants syndicaux des Chantiers navals de la Haute-Clyde, comme cela avait aussi été le cas de Jimmy Reid jusqu’à son décès. Le SNP a effectivement mis en œuvre, dans un cadre populiste, des mesures de gauche telles que la suppression du ticket modérateur ou celle des droits d’inscription universitaires.

Il reste que ses conceptions fondamentales sont néolibérales et qu’il est inconditionnellement du côté du système capitaliste. Il est en faveur de réduire les impôts des entreprises et d’attirer les capitaux sur le modèle irlandais. Il a ainsi fait de grandes concessions à des groupes tels qu’Amazon, qui ne proposent que bas salaires, précarité et mauvaises conditions de travail. Dans l’un de ses discours, Alex Salmond revendiquait «  l’arc de prospérité  » englobant des pays tels que l’Irlande et l’Islande. S’il ne les décrit plus aujourd’hui comme des modèles, il maintient les mêmes positions économiques pro-patronales néolibérales.

Le SNP était autrefois un grand avocat de l’Europe et se proposait de rejoindre l’euro. Il reste pro-Union européenne mais suggère désormais que l’Écosse pourrait peut-être conserver la livre sterling. Cela signifierait que la Banque d’Angleterre garderait la haute main sur la politique monétaire du pays. L’idée d’une monnaie propre, avec un véritable contrôle sur les taux d’intérêt, ne lui est apparemment pas venue à l’esprit. A cela s’ajoute le fait que le SNP semble peu à peu abandonner son engagement de sortir de l’OTAN, et affirme maintenant que la reine resterait le chef de l’état d’une Écosse indépendante. Il veut changer le drapeau, mais pas beaucoup plus.

La gauche et l’indépendance

La gauche écossaise, en particulier le SSP, a une vision opposée. Le SSP défend une Écosse socialiste indépendante – une véritable indépendance des banques, des grandes entreprises et des compagnies pétrolières. Nous voulons la nationalisation des entreprises pétrolières et gazières. Comme des nations d’Amérique du Sud en montrent la voie, nous devrions contrôler nos ressources naturelles dans l’intérêt de la population. Nous voulons une véritable nationalisation des banques et des compagnies financières, si importantes dans l’économie écossaise et qui ont causé tant de misère. Nous voulons voir la fin de l’état impérialiste britannique, la sortie de l’Écosse de l’OTAN et le départ des troupes écossaises de pays tels que l’Afghanistan. Nous voulons la fin des institutions antidémocratiques de l’état britannique, la monarchie et la Chambre des lords non élue, et la création d’une République écossaise.

Les sondages indiquent que l’indépendance est soutenue par les jeunes et par les franges les plus pauvres de la société. Ce sont les secteurs qui ont le plus souffert des gouvernements de Londres dominés par le parti conservateur. En 2012, près d’un jeune écossais sur quatre est au chômage. L’austérité massive imposée par les conservateurs signifie qu’il y a peu d’espoirs d’amélioration. Les plus pauvres ont été particulièrement ciblés par David Cameron, avec notamment des coupes dans les allocations aux handicapés. L’indépendance offre un espoir de changement.

Des millions de personnes ont manifesté dans toute la Grande-Bretagne contre la guerre en Irak, mais les forces britanniques ont continué à être envoyées pour soutenir l’invasion US. Une Écosse indépendante affaiblirait l’impérialisme britannique et pourrait signifier la perte de son siège au conseil de sécurité de l’ONU. Si un gouvernement écossais décidait le retrait de l’OTAN et l’interdiction des armes nucléaires, cela démontrerait que des alternatives au militarisme sont possibles. Une conférence radicale pour l’indépendance

La gauche écossaise a un rôle important à jouer dans le débat sur l’indépendance. Nous devons la défendre de manière non nationaliste mais internationaliste, comme un élan dans l’intérêt des travailleurs et non des profits patronaux. Une conférence radicale pour l’indépendance doit se tenir en novembre 2012. Elle rassemblera un large spectre d’organisations de gauche et comptera sur le soutien de membres du Parti vert écossais, de dirigeants syndicaux et de militants des luttes, de la solidarité avec le peuple palestinien aux mouvements pour la paix et pour la défense de l’environnement. La conférence est également soutenue par des personnalités significatives du monde de la culture, comme l’écrivain Iain Banks.

Son but est de formuler un programme large pour une Écosse indépendante 
progressiste. Elle s’organise dans les villes du pays et développe une activité de rue. Elle a la possibilité de construire un 
mouvement de base qui porte les exigences anticapitalistes, écologistes et internationalistes sur le devant de la campagne pour l’indépendance.

De son côté, le SNP craint comme la peste tout type de mouvement populaire pour l’indépendance. Il veut mener sa campagne sur un mode totalement verticaliste et ne pas s’aliéner le soutien de la classe moyenne, ce qui se traduit politiquement par une évolution à droite. La conférence doit construire une campagne qui le contrecarre.

Bien que le référendum ne soit prévu que dans deux ans, la campagne a déjà commencé. Tant le récent mariage royal que les Jeux olympiques ont été utilisés par les «  unionistes  » britanniques pour défendre l’idée que l’Écosse bénéficie de l’union et pour enflammer le sentiment nationaliste britannique. Des figures de premier plan du parti travailliste, tels l’ancien Premier ministre Gordon Brown et l’ex-ministre de l’économie Alistair Darling, ont attaqué la politique économique du SNP. Le soutien à l’indépendance semble s’être affaibli ces derniers temps du fait de cette campagne et de la crise de la zone euro, qui a suscité d’autant plus de craintes que le SNP avait placé beaucoup d’espoirs dans la perspective de rejoindre l’euro. L’état britannique utilisera tous les moyens à sa disposition pour saboter la campagne pro-indépendance.

La conférence radicale pour l’indépendance a pour responsabilité d’organiser une campagne de masse et de proposer un programme qui offre un horizon de changement, pas seulement de drapeau ou de passeport, mais au sein-même de la société dans l’intérêt du monde du travail.

BLACK Alistair

Notes

[1] Dans le texte original en anglais  : «  devolved institutions  ». Le concept de devolution traduit une décentralisation du pouvoir politique et administratif qui reste provisoire car pouvant être modifiée ou annulée à tout moment par le parlement britannique.

[2] L’abolition des «  prescription charges  », équivalent de notre ticket modérateur.

[3] Robert Burns, Such a Parcel of Rogues in a Nation, 1791, http://www.robertburns.org/works/34...

* Paru dans la Revue Tout est à nous ! 37 (novembre 2012). http://www.npa2009.org/

* Alistair Black est membre de la direction du Scottish Socialist Party (SSP, Parti socialiste écossais), la principale organisation de la gauche anticapitaliste en Écosse, avec laquelle le NPA entretient des relations fraternelles. Le titre original de l’article – traduit de l’anglais par Jean-Philippe Divès – est Socialists and Scottish Independance. Le socialist britannique lutte réellement pour le socialisme et serait décrit en France comme un anticapitaliste, tandis que nos «  socialistes  » hexagonaux correspondent là-bas aux travaillistes du Labour Party.


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