Apport des maires communistes, équation personnelle de Mélenchon… « Le divorce serait très coûteux pour le Front de gauche »

jeudi 25 septembre 2014.
 

Comme l’a de nouveau montré la Fête de l’Humanité, qui s’est achevée dimanche 14 septembre à La Courneuve, le Front de gauche tente péniblement de tourner la page électorale de 2014 et des déchirements internes qui l’ont accompagnée. Une note de l’IFOP sur les européennes, rédigée pour la Fondapol et à paraître prochainement, devrait cependant faire réfléchir ceux qui seraient tentés de regarder vers d’autres horizons.

« Le divorce serait très coûteux pour le PCF comme pour le PG, constate Jérôme Fourquet, auteur de la note et directeur du pôle Opinions de l’IFOP. Malgré des résultats décevants, les deux s’épaulent mutuellement, ajoute-t-il. Ça permet à Jean-Luc Mélenchon d’exister et de s’appuyer sur des réseaux pré-existants. Ça offre au PCF une bouffée d’oxygène et lui permet d’enrayer un déclin inéluctable. Sans le Front de gauche, la situation serait selon nous catastrophique pour les communistes. »

« Stabilité décevante »

Miné par les divisions internes, le Front de gauche n’a obtenu que trois élus aux européennes et, avec ses 6,33% des voix, s’est vu ramené à ses scores de 2009 (6,05% des suffrages). A l’époque, la toute jeune coalition qui rassemblait le PCF, le PG et la Gauche unitaire avait réussi une percée non négligeable et obtenu quatre députés européens. Héritier du « non » à la Constitution européenne de 2005, le Front de gauche avait réussi à créer une petite dynamique autour du « rassemblement » et se payait même le luxe de passer devant le NPA d’Olivier Besancenot (4,88%).

Cinq ans plus, l’atterrissage est rude. Certes le Front de gauche ne perd pas de voix et en gagne plus de 200 000 (1 million contre 1,2 million). Mais après les 11,10% de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle, le rassemblement de la gauche radicale pouvait espérer faire mieux, surtout à un moment où les socialistes sont en difficulté. « Le contexte leur était favorable après deux ans de gauche au pouvoir et une crise économique qui s’enracine mais leurs résultats montrent une stabilité décevante », constate M. Fourquet.

Les déchirements des municipales ont sérieusement handicapé la campagne. Non seulement le Front de gauche ne séduit pas les mécontents de François Hollande mais il ne récupère pas non plus les voix de l’extrême gauche en perte de vitesse. Le NPA et LO passent en effet de 6,1% en 2009 à 1,6% en 2004 sans que le Front de gauche ne parvienne à capter cet électorat. « C’est une immense déception : le Front de gauche perd sur les deux tableaux, relève M. Fourquet. Même l’électorat le plus à gauche est déboussolé et ne croit pas aux solutions prônées par la gauche de la gauche. »

Pour le politologue, ce constat est d’autant plus sévère que, malgré le discours contre « les politiques austéritaires » du PCF et du PG, c’est l’extrême droite qui paraît en profiter. « Le Front de gauche peine à incarner un débouché politique à cette colère sociale qui s’exprime d’abord au travers du vote FN, dont le programme et le discours semblent plus en phase avec les attentes et la vision du monde des électeurs vivant dans les zones les plus touchées par la crise », juge M. Fourquet.

L’« équation personnelle » de Mélenchon

Il y a bien sûr « l’équation personnelle » de Jean-Luc Mélenchon, réélu dans le Sud-Ouest avec 8,6 % des voix (contre 8,1% en 2009). Si ce dernier réalise ainsi le meilleur score du Front de gauche, il ne réussit pas à égaler son résultat de la présidentielle. Le vote Front de gauche s’organise par ailleurs pour l’essentiel autour des emprises communistes traditionnelles. C’est dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, la Lorraine métallurgique, les mairies communistes de la région parisienne, une partie du Centre-Bretagne, le Massif Central, la Dordogne, la Corrèze ou encore dans ce qui reste du « Midi rouge » dans les Bouches-du-Rhône que la coalition atteint ses meilleurs performances.

M. Fourquet va même jusqu’à parler de « communisme zombie » dans d’anciennes communes minières, comme Billy-Montigny (22,9%) et Sallaumines (18,4%) dans le Pas-de-Calais, Chamborigaud (24,5%) dans le bassin minier d’Alès ou encore Corsavy (25,5%) dans le massif du Canigou. « La traduction électorale perdure localement alors que les conditions socio-économiques ayant prévalu au développement d’une conscience de classe et à un fort vote de gauche ont disparu depuis longtemps », note-t-il.

Si les traditionnelles places fortes du PCF ont permis au Front de gauche de résister, ses résultats sont cependant en recul dans certains de ses fiefs par rapport à 2009. C’est notamment le cas dans le Nord-Pas-de-Calais, dans le Massif Central ou dans une moindre mesure dans la « banlieue rouge ». « A ce phénomène d’érosion assez générale du vote communiste dans les bastions historiques du PCF – une tendance de fond que la création du Front de gauche n’a pas réussi à enrayer – est venue s’ajouter la non-présence sur la liste d’élus locaux communistes qui avaient tiré localement sur leur seul nom les scores du Front de gauche en 2009 », constate M. Fourquet.

« Notables communistes »

C’est ainsi à Saint-Pierre-des-Corps, cité cheminote de la banlieue de Tours où l’ancrage du PCF est ancien et solide, que la baisse a été la plus forte (22 points) malgré un score qui reste très élevé (21,1%). En 2009, c’est la sénatrice et maire communiste de la ville, Marie-France Beaufils, qui était tête de liste. Cinq ans plus tard, son remplacement par Corinne Morel-Darleux, une conseillère régionale PG de la Drôme (département qui ne fait pas partie de la circonscription), aura donc eu un coût électoral très élevé pour le Front de gauche.

« L’équation personnelle des notables communistes constitue un vrai atout électoral pour le Front de gauche dans la mesure où cela lui a permis localement d’élargir son audience bien au-delà des seuls électeurs PCF ou PG », souligne M. Fourquet. D’où l’importance pour le PCF de sauvegarder son implantation locale. Ce qui passe par des alliances avec le PS comme aux municipales quitte à se fâcher avec ses partenaires du Front de gauche. « L’apport des maires communistes est important pour structurer la géographie du vote et la ligne d’autonomie clamée par Mélenchon ne peut pas aller plus loin : s’émanciper complètement du PS présente un risque trop grand pour le PCF », conclut le politologue.

Raphaëlle Besse Desmoulières


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