Quelques leçons des élections italiennes

vendredi 14 avril 2006.
 

Les deux côtés des Alpes Autant la proclamation du résultat des élections italiennes a été confuse, autant leur leçon est claire : la ligne centriste n’entraîne pas la société.

La coalition emmenée par Prodi l’emporte d’un minuscule cheveu (25000 voix sur 47 millions) alors qu’elle était donnée largement gagnante. Les résultats économiques de Berlusconi sont en effet lamentables. Il est éclaboussé par divers scandales. Sa coalition a cahoté de crise en crise. Son gouvernement a été confronté à des mobilisations historiques, contre sa politique sociale ou contre la guerre en Irak. Si la gauche ne l’avait pas emporté avant, c’est qu’elle était divisée. L’union réalisée par des primaires, le programme préparé par la « démocratie participative » version « Fabrica » étaient censés lui donner une impulsion décisive. Certains proposaient même ce modèle à la gauche française, de la « Fabrique » montée par Kouchner à la démocratie participative via Internet vantée par Royal en passant par les primaires défendues par Emmanuelli. Ce beau modèle aura fait long feu !

L’Unione de Prodi n’a pas su mobiliser. Il faut comprendre pourquoi. L’Unione s’est heurtée à deux tares congénitales. Premièrement, la faiblesse du programme. La méthode retenue pour unir toute la gauche sans exclusive a été le renoncement aux questions qui fâchent. Ainsi, le programme brille surtout par ses silences. Faute d’accord sur la question, il n’a par exemple quasiment pas été question de la construction européenne dans la campagne. Ce flou est inquiétant pour l’avenir de la coalition au pouvoir. On voit qu’il n’a pas été non plus profitable à la campagne. Les électeurs ont montré qu’ils veulent à la fois le rassemblement et des choix clairs et assumés.

Deuxième tare : le choix d’un porte-parole situé au centre. L’analyse des résultats internes à la coalition de Prodi montre à l’inverse que l’énergie résidait à gauche. L’ensemble social démocrate Ullivo - Margherita - Democratici di Sinistra ne progresse quasiment pas, ni à l’Assemblée nationale (de 217 à 220 députés, soit +1,4% en nombre de sièges), ni au Sénat (passage de 100 à 105 sénateurs, soit + 5 % en nombre de sièges). La campagne de Prodi n’a donc produit aucune dynamique pour sa propre famille politique. De même, l’aile droitière de la coalition Prodi, le parti centriste UDEUR-Popolari, recule, perdant un député et un sénateur sur la dizaine qu’il comptait. En revanche, l’ensemble des gauches de rupture membres de la coalition progresse très fortement. Rifondazione Communista passe de 11 à 41 députés (+370%) et de 4 à 27 sénateurs (+700 %). L’union des Communisti Italiani (dissidents de Rifondazione) et des Verdi (écologistes radicaux) double son nombre de députés (de 15 à plus de 30 à eux deux), et conserve une dizaine de sénateurs. Au sein de la coalition Prodi, les autres petits partis de gauche indépendants progressent également fortement, comme La Rosa Nel Pugno (radicaux et républicains laïques) et Italia Di Valori, le parti-anticorruption du juge Di Pietro.

Ces élections montrent donc qu’il faut savoir concilier le rassemblement de la gauche sans exclusive et l’affirmation de la gauche des ruptures sans laquelle il s’avère impossible d’entraîner la société. Les électeurs font la différence entre le libéralisme agressif de la droite et la gauche, mais ils ne veulent pas non plus du libéralisme de gauche. C’est une leçon à méditer des deux côtés des Alpes.


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