Coupes à la hache dans la politique familiale

mardi 14 octobre 2014.
 

A) Sécurité sociale : les familles ciblées par l’austérité, par Laura Raim

Source : Revue Regards, http://www.regards.fr/#&panel1-1

Le gouvernement socialiste poursuit son programme de détricotage social. Lundi, la ministre de la Santé Marisol Touraine a détaillé une série de pistes devant permettre de réaliser 700 millions d’économies sur la branche famille de la Sécu en 2015.

Au menu du ministère : réduction de la durée du congé parental pour les mères, division par trois de la prime de naissance, (actuellement de 923 euros), à partir du deuxième enfant et baisse des aides à la garde d’enfant pour les familles aisées. Cette dernière mesure n’est pas aussi juste qu’elle en a l’air : car le gouvernement semble habituellement considérer comme "famille aisée" un couple avec deux enfants gagnant 53.000 euros par an (soit 2.200 euros mensuels chacun). Ce ne sont donc pas les quelques millionnaires qui sont visés. De fait, l’Observatoire français des inégalités considère que l’on est riche lorsque l’on gagne plus de deux fois le revenu médian, soit au-delà de 7.683 euros par mois pour un couple avec deux enfants.

C’est la crise qui creuse le "trou"

En plus des économies sur la branche famille, Marisol Touraine a présenté un plan d’économies de 3,2 milliards sur la branche maladie. Évidemment, c’est pour la bonne cause : selon la commission des comptes de la Sécurité sociale, le déficit du régime général en France s’aggraverait à 14,7 milliards d’euros en 2015 sans mesure nouvelle d’économies. Après avoir servi à justifier les déremboursements de médicaments, le ticket modérateur, la franchise médicale et le forfait hospitalier payés par les patients, le fameux "trou de la sécu" est une fois de plus mobilisé pour signaler que nous vivons « au-dessus de nos moyens » et pour légitimer de nouvelles coupes dans les dépenses publiques.

Mais ce que le gouvernement feint d’ignorer, c’est qu’il est normal qu’en période de crise, les recettes en baisse ne suffisent pas à satisfaire les besoins en financement. Autrement dit le "trou" n’est pas le fait de dépenses « excessives » mais de la chute de la masse salariale et des rentrées fiscales. Sans compter le manque à gagner que représentent les fraudes patronales. Selon le tout récent rapport annuel de la Cour des comptes, le niveau des fraudes aux cotisations s’est établi à un niveau record en 2012, avec un montant estimé entre 20,1 et 24,9 milliards d’euros. Ce sont ainsi près de 5% des recettes de la Sécu qui manquent chaque année dans les caisses. Étonnamment, on entend peu Marisol Touraine sur ce sujet.

Baisse du "coût" du travail et assèchement des ressources

Au-delà de l’impact de la fraude, comment s’étonner que le déficit se creuse quand l’État ne cesse de multiplier les allègements et exonérations de cotisations, alors que les dépenses de santé sont structurellement amenées à augmenter pour des raisons d’amélioration des soins et de vieillissement de la population ? Depuis les années 90, les gouvernements Balladur, Juppé, Jospin et Fillon ont successivement mis en place des dispositifs fiscaux destinés à faire baisser le "coût du travail" au nom de la compétitivité des entreprises françaises, mais qui n’ont fait qu’assécher progressivement les ressources de la Sécurité sociale. Un mauvais calcul du point de vue aussi bien social que macroéconomique puisque les familles privées d’allocations ou de couverture santé sont incitées à se serrer la ceinture pour se soigner ou pour épargner, ce qui réduit la consommation et entrave la reprise.

Manuel Valls emboite désormais le pas à ses prédécesseurs avec ses 30 milliards d’euros d’allègements fiscaux et sociaux inclus dans le Pacte de responsabilité. Et il ose encore prétendre que « réformer, ce n’est pas casser notre modèle social ».

B) Politique Familiale No Future ? (Parti de Gauche)

Le gouvernement a annoncé de nouvelles mesures d’austérité qui concernent la politique familiale. Il poursuit ainsi la destruction de la sécurité sociale et de notre modèle de santé, pourtant reconnu mondialement. La raison invoquée :l’aggravation du trou de la sécurité sociale. C’était écrit. C’est en effet mathématique : s’il n’est pas prouvé que les exonérations de cotisations sociales créent de l’emploi, elles provoquent à coup sûr des trous dans les comptes sociaux. C’est une longue série qui passe par le déficit du régime des retraites, des indemnités chômage etc… Soit autant de revenus en moins pour des millions de français ce qui a pour conséquence d’étrangler un peu plus l’activité. D’où des emplois en moins et donc moins de cotisations sociales… Et les trous d’après demain. Voilà le cercle absurde dans lequel le gouvernement entraîne le pays.

Ce qui est encore plus cynique c’est de servir du combat pour l’égalité entre le femmes et les hommes pour justifier des économies sur le congé parental au lieu d’améliorer l’accès aux modes de gardes des enfants en bas âge et de promouvoir l’égalité d’accès à l’emploi et au déroulement des carrières professionnelles.

Ces attaques contre la politique familiale qui permet à la France de remplacer ses générations frappent une fois de plus les femmes les plus en difficulté. Hollande cherche-t-il là encore à nous imposer le modèle allemand ? Soit un pays qui vieillit après s’être appauvri. Notre pays mérite assurément un autre destin.

Eric Coquerel,

C) Réduction de la durée du congé parental : une nouvelle mesure d’économie sur le dos des familles déjà lourdement mises à contribution, cela doit cesser !

Communiqué de presse de L’UNION DES FAMILLES LAÏQUES

L’UFAL n’a jamais été une fervente admiratrice du congé parental, dispositif d’essence patriarcale qui concourt à éloigner les femmes du monde du travail.

Nous réclamons en revanche depuis longtemps un véritable plan de développement des places d’accueil du jeune enfant avec une priorité donnée aux solutions d’accueil collectif.

C’est pourtant un sentiment de colère que nous tenons à exprimer avant l’annonce probable de la réduction à 18 mois du congé parental pour un des parents de deux enfants ou plus, contrairement aux promesses du gouvernement à la représentation nationale lors de l’examen du Projet de loi sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Nous considérons en effet qu’une réforme du congé parental ne peut être envisagée qu’après la réalisation de deux préalables : l’égalité salariale H/F et l’augmentation du nombre de places d’accueil du jeune enfant à la hauteur des besoins.

Cette décision est donc à mettre en perspective avec l’insuffisance criante de la politique gouvernementale en faveur de l’offre de solutions de garde des jeunes enfants.

Avec un objectif annoncé de 275 000 places d’accueil d’ici à 2017 dont seulement 100 000 places de crèche, les ambitions étaient déjà très éloignées des besoins, estimés par le Haut Conseil de la Famille à 400 000 places.

Mais avec la confirmation récente du rebasage du FNAS (Fonds national d’action sociale), c’est un assèchement de 1,4 Md€ du budget consacré à l’investissement dans les établissements d’accueil collectif du jeune enfant qui a été décidé et rend de facto inatteignable l’objectif annoncé en juillet 2013.

Les masques tombent et les beaux discours sur l’égalité femmes/hommes ne peuvent plus masquer que la politique familiale sert à nouveau de variable d’ajustement pour atteindre les objectifs d’économies, alors que la « rénovation » de la politique familiale présentée en juin 2013 s’était traduite par un vaste plan d’économie de 2 Md€ sur le dos des familles.

Déjà le partage du congé parental à 2 ans ½ pour l’un des parents et 6 mois pour le second était d’emblée considéré comme une mesure d’économie (le congé parental est actuellement à 96% du fait de la mère) tant les conditions n’étaient pas réunies pour faire en sorte qu’une majorité de pères le partage.

En le « partageant » à 18 mois pour chaque parent, donc en le réduisant à 18 mois dans l’immense majorité des cas, le gouvernement va ainsi acculer les familles qui y ont recours à se tourner vers des solutions individuelles de garde, pour un coût très supérieur. Nous demandons donc au gouvernement de renoncer à cette mesure austéritaire (la perte pour les familles est évaluée à 400M€) et lui conseillons de choisir des gisements bien plus rentables comme la lutte contre l’évasion fiscale ou la fraude patronale aux cotisations et contributions sociales (20 à 25Md€ selon un récent rapport de la Cour des comptes) plutôt que de détricoter la politique familiale française sans autre objectif que de réaliser des économies.

D) Les nouvelles économies dans les prestations familiales sévèrement critiquées

Le Point - Publié le 30 septembre 2014

La gauche du PS, la droite, les associations de défense des familles et des syndicats dénoncent un mauvais coup porté à la politique familiale.

Les nouvelles économies dans les prestations familiales annoncées lundi continuaient de susciter une vague de critiques mardi, la droite appelant à la "mobilisation" contre ces mesures, jugées "inacceptables" par les associations familiales. En réponse à cette levée de boucliers, François Hollande a souligné qu’il n’y avait "pas de plan d’économies qui soit indolore". Il a relevé la nécessité de faire ces économies "de manière juste, de manière efficace, de manière innovante".

Côté syndicats, la CFTC a déploré "le coup une nouvelle fois porté aux familles", avec les mesures annoncées dans le projet de budget de la Sécurité sociale pour 2015 et visant à faire 700 millions d’euros d’économies dans la branche famille l’an prochain. Le syndicat chrétien a notamment déploré le nouveau projet de réforme du congé parental, visant à un partage entre pères et mères, et la division par trois de la prime de naissance à partir du deuxième enfant, une nouvelle sanction pour les ménages".

"Les familles les plus modestes touchées (Unsa)

L’Unsa (Union syndicale des syndicats autonomes) a estimé que c’est dans le domaine des prestations familiales que "les mesures annoncées sont les plus douloureuses". Elle a souligné que le report de 14 à 16 ans de la majoration des allocations familiales va toucher "de plein fouet" les "plus modestes d’entre elles, ce qui n’est pas admissible. "Avec ce report de deux ans, les familles vont perdre 1 500 euros par enfant", a calculé l’Union nationale des associations familiales (Unaf), qui dès lundi s’était dite "abasourdie" par ces mesures "inacceptables".

L’Unaf a ironisé sur l’annulation du gel de la revalorisation des allocations familiales : "Finalement, comme il n’y a pas d’inflation, c’est une mesure qui ne rapporte presque rien, donc on l’annule."

’La vache à lait de la Sécu’ (Union des familles en Europe)

"La droite comme la gauche font de la politique familiale la vache à lait de la Sécu", a regretté l’Union des familles en Europe. Les Associations familiales catholiques ont jugé que "le mécontentement des familles ne peut aller que croissant et les incite à participer à la manifestation prévue dimanche prochain, 5 octobre". Organisée par la Manif pour tous à Paris et à Bordeaux, elle ciblait initialement la gestation pour autrui (GPA, interdite en France) et la loi sur le mariage homosexuel.

Sans mentionner cette manifestation, le député Bruno Le Maire, candidat à la présidence de l’UMP, a appelé "toute la droite", élus et sympathisants, à se mobiliser contre les projets gouvernementaux, affirmant que "les familles de France ont déjà subi la baisse du quotient familial de plein fouet". L’eurodéputée FN Marie-Christine Arnautu a jugé que "le PS ne fait qu’agrandir le sillon destructeur de la famille creusé par l’UMP", estimant que "la famille est devenue la cible favorite des gouvernements successifs depuis les années 1970 et ceci ne fait qu’empirer".

À gauche, les députés écologistes ressentent "une impression un peu d’improvisation", selon la coprésidente du groupe EELV, Barbara Pompili, qui a rappelé qu’une réforme du congé parental venait déjà d’être votée. Elle a rappelé que la prestation versée en cas de congé parental est "de 390 euros par mois" pour quelqu’un qui interrompt totalement son activité. "Un homme qui en général est encore celui qui gagne le plus gros salaire dans notre pays ne va pas abandonner son métier" dans ces conditions.

En réponse aux critiques, le gouvernement a tenté l’apaisement. "Il y a un débat parlementaire qui va s’ouvrir et c’est dans le cadre de ce débat parlementaire que les décisions définitives seront prises", a souligné la ministre de l’Écologie, Ségolène Royal, voyant dans les critiques un signe de l’attachement des Français à la famille.


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