Le néolibéralisme et ses politiques d’austérité mettent la recherche en danger.

dimanche 21 octobre 2018.
 

Le potentiel intellectuel de la France est miné par le mercantilisme néolibéral

Quelques mots et chiffres sur le contexte économique

Avant d’aborder la manifestation des chercheurs, rappelons quelques chiffres figurant sur le tableau noir Hollande–Valls

– 40 milliards d’exonérations fiscales et sociales annuelles au bénéfice du patronat

– 50 milliards de coupes budgétaires jusqu’en 2017 réparties en :

–19 milliards pour les administrations d’État –11 milliards dans les dotations aux collectivités territoriales –20 milliards dans la protection sociale

Dès 2015 :

– 7, 7 milliards dans les services de l’État et agences publiques

– 3, 7 milliards dans les collectivités locales

– 9, 6 milliards dans la protection sociale

Rappelons que ces exonérations fiscales et sociales qui ont eu lieu depuis plus de 30 ans n’ont pas eu d’effet significatif sur l’emploi au niveau macro-économique : pas d’incidence visible sur la courbe du chômage.

Une étude de l’INSEE sur la période 2003 –2005 avait montré sa totale inefficacité.

"En deux décennies, ce sont plus de 370 milliards d’euros de baisses de charges qui auront été offerts aux entreprises sans aucune contrepartie ni aucun moyen de vérification que les fonds ont bien servi à créer ou sauvegarder de l’emploi, à investir, à former ses salariés.…

La part des exonérations dans les cotisations dues aux Urssaf est ainsi passée de 4 % en 1992 à 9 % aujourd’hui".

Certaines études, dont la fiabilité est très controversée, arrivent à des évaluations de création d’emplois très variables. Mais de toute façon, le coût de chaque emploi créé est relativement élevé. "Cela signifie que chaque emploi créé par une exonération sur les cotisations revient à 44 000 euros, contre 24 000 euros pour un emploi public au Smic. Le risque est de créer beaucoup d’emplois non qualifiés en détruisant des emplois mieux qualifiés."

Source : Mediapart Les allègements de charges ont un impact très limité sur l’emploiArticle du 7/7/2014

En prime : dépenses militaires pour les opérations extérieures prévues pour 2015 : 2 milliards d’euros. L’adhésion de la France à l’OTAN coûte aux contribuables 650 millions d’euros par an, somme à laquelle il faut ajouter 670 millions pour la période 2010 – 2015. Source : cliquez ici

Un regard tout de même sur le tableau rose Hollande –Valls. Une explosion du pouvoir d’achat des …

En 2014 : la France est seconde mondiale pour le versement de dividendes aux actionnaires et première en Europe "En période de crise, la France se serait bien passé de ce trophé : championne européenne des dividendes versés aux actionnaires, au cours du deuxième trimestre, selon l’étude de Henderson Global Investors. Les rémunérations des actionnaires ont en effet augmenté de 30,3 % dans l’Hexagone pour atteindre 40,7 milliards de dollars." Source : Le Figaro

Pour les détails, voir étude de Henderson Global Investors en cliquant ici.

Et on nous dit qu’il n’y aurait plus d’argent dans les caisses de l’État, que le déficit budgétaire ne permettrait pas de financer la recherche et la connaissance ?

Venons-en aux faits. Les deux mouvements de protestation ci-dessous mentionnés (du 17/10/2014) montrent que les gens qui réfléchissent ne sont pas dupes de cette escroquerie intellectuelle et organisent la résistance contre cette politique d’austérité que d’aucuns pourraient appeler "racket des forces vives du pays".

Manifestation des chercheurs du 17/10/2014 à Paris

Plus de 8 000 chercheurs et universitaires ont manifesté vendredi 17 octobre à Paris, à l’appel du collectif Sciences en marche et de l’ensemble de leurs organisations syndicales, pour réclamer de nouveaux moyens pour la recherche et dénoncer la politique du gouvernement symbolisée par le Crédit Impôt Recherche. Voir article reportage avec vidéos dans l’Humanité en cliquant ici

Lettre des chercheurs destinée au président de la république.

Source : La science en marchecliquez ici

Monsieur le Président de la République,

Depuis quelques mois, la résignation et le désespoir dans les laboratoires et les universités se transforment en une profonde colère dont l’expression la plus forte est l’action en cours du collectif « Sciences en Marche » dont vous avez sans doute remarqué la jeunesse, le dynamisme et la détermination.

L’Académie des Sciences, des collectifs de jeunes scientifiques précaires, des présidents et des conseils centraux d’universités, des organisations syndicales, des conseils scientifiques d’organismes de recherche, des sociétés savantes, des fondations caritatives finançant la recherche s’associent à Sciences en marche pour regretter ou dénoncer le manque de soutien, de vision et d’ambition des politiques scientifiques de notre pays, au moment où de nombreux pays développés ou émergents investissent massivement dans ce domaine.

Les politiques successives menées depuis des années ont eu des conséquences dommageables, que l’on mesure bien aujourd’hui, sur le fonctionnement des laboratoires publics, des universités, et le développement des entreprises innovantes. Elles ont conduit graduellement les universités et les laboratoires à une situation de paupérisation dramatique, et imposé aux chercheurs et enseignants-chercheurs des tâches toujours plus nombreuses, administratives notamment, ainsi qu’une course sans fin aux financements, qui dévorent le temps qu’ils devraient consacrer à leurs missions d’enseignement et de recherche.

La pression sur les personnels administratifs et techniques, en sous-effectif chronique, devient également insupportable. Dans le secteur des entreprises innovantes, la politique d’incitation basée sur le Crédit Impôt Recherche (CIR) n’a pas eu l’effet de levier escompté, l’investissement privé plafonnant à 1,44% du PIB, contre 1,94% en Allemagne.

L’emploi scientifique public et privé est aussi fortement affecté. L’augmentation massive du recours à des contrats à durée déterminés dans l’ESR, la baisse des recrutements statutaires dans la fonction publique, et les faibles débouchés industriels, souvent sur des emplois sous-qualifiés, ont conduit plusieurs dizaines de milliers de jeunes techniciens, ingénieurs, chercheurs ou enseignants-chercheurs à des situations dramatiques. La situation est notamment préoccupante pour les jeunes docteurs des universités, dont le diplôme est faiblement reconnu hors des laboratoires. Plus de 10% d’entre eux sont au chômage 3 ans après l’obtention de leur diplôme, contre moins de 2% dans la majorité des pays développés.

Le sacrifice de ces jeunes, qui comptent parmi les plus brillants de leur génération, et dans lesquels l’Etat a investi 8 années d’études est inadmissible. Cette situation conduit les jeunes à déserter les carrières scientifiques ou à quitter notre pays, alors même que notre société a de plus en plus besoin de leurs compétences.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Un premier élément de réponse est dans la confusion entre innovation technologique et recherche. La priorité donnée à l’innovation, qui pour les politiques est souvent comprise comme la partie « utile » de la recherche, celle qui soutient l’économie, n’est pas compatible avec la longueur des rythmes de la recherche. Les avancées technologiques qui ont révolutionné notre société, comme internet, les lasers, ou l’imagerie médicale sont toutes assises sur des travaux de recherche fondamentale très antérieurs, dont les auteurs ne pouvaient prévoir l’impact sociétal qu’ils ont eu plusieurs décennies plus tard. Orienter la recherche vers les domaines dont les applications sont rapides et programmables, comme cela est le cas depuis quelques années, revient à ignorer le caractère imprévisible des découvertes les plus importantes, celles qu’on appelle de rupture et qui par définition ne pouvaient être anticipées. Celles pourtant dont l’impact économique et sociétal est le plus grand.

C’est aussi condamner les domaines de recherche qui ne se prêtent pas à des applications rapides. Nous le disons avec force : la recherche a besoin de temps et de liberté.

Les politiques dans ce secteur doivent être stables et respecter cette dynamique. De même, les politiques d’emploi scientifique doivent s’inscrire dans la durée car il faut près de 10 ans pour former un chercheur.

Le second élément de réponse tient à la mauvaise estimation des coûts induits par la pléthore de réformes imposées aux universités. La loi LRU de 2007 et l’entrée des universités dans l’autonomie ont été mal accompagnées par l’Etat : les charges de gestion de la masse salariale, les fusions et la compétition exacerbée entre établissements ont précipité les universités dans le cercle infernal des déficits, des gels de postes et de la souffrance au travail. Aujourd’hui la création à moyens constants, c’est à dire sans anticiper les difficultés organisationnelles, de Communautés d’universités et d’établissements risque d’amplifier le désastre financier.

Un troisième élément de réponse a trait à la position sociale des docteurs de l’université dans notre pays. Dans la plupart des pays développés, le doctorat est le diplôme le plus prestigieux, celui qui ouvre les portes des conseils d’administration des entreprises et de la haute fonction publique. Cette large présence des docteurs dans tous les rouages de la société contribue à une prise de conscience des grands enjeux scientifiques par les décideurs économiques et administratifs. Dans notre pays, les docteurs voient cependant leur avenir professionnel trop souvent limité aux seuls laboratoires de recherche publics et aux universités. Seuls 13% des chercheurs dans les entreprises et moins de 2% des cadres de la haute fonction publique ont un doctorat. Il est urgent d’ouvrir les grands corps d’Etat aux docteurs, d’encourager les diplômés des grandes écoles à compléter leur formation par un doctorat et de reconnaître le doctorat dans les conventions collectives des entreprises et des grands secteurs industriels. Des efforts sont actuellement faits dans cette direction, mais ils restent très insuffisants.

Que doit-on faire maintenant ?

La priorité doit être de redonner aux organismes de recherche et aux universités des budgets de fonctionnement permettant à leurs personnels d’accomplir leurs missions. Il est inadmissible que seuls un peu plus de 5% de la dotation d’Etat d’un grand organisme comme le CNRS soit attribué au fonctionnement quotidien de ses laboratoires. L’augmentation nécessaire des budgets de fonctionnement des universités et des organismes de recherche a un coût de l’ordre d’un milliard d’euros par an. Ce coût est minime par rapport au bénéfice qu’en tirera la société en terme de qualité de formation, de dynamisme de sa recherche et de valorisation industrielle de ses résultats.

Il est aussi urgent de redonner leur prestige aux métiers scientifiques, en assurant des débouchés attractifs à celles et ceux qui s’y engagent. Dans le secteur public, le recours massif à des contrats à durée déterminée doit être abandonné. Il faut s’assurer d’un flux entrant stable dans la fonction publique, estimé à plusieurs milliers d’emplois en plus du remplacement des rares départs à la retraite actuels. Un plan pluriannuel de création d’emplois statutaires permettra de résorber la précarité qui s’est installée dans les laboratoires et universités. Nous estimons que ces nouveaux postes doivent revenir pour deux tiers aux corps techniques et administratifs qui ont le plus souffert des restrictions récentes, et pour un tiers aux chercheurs et enseignants-chercheurs. Le coût annuel de ces mesures est de l’ordre du milliard d’euros.

Dans le secteur privé, il faut cibler les aides publiques sur les petites et moyennes entreprises où se font la majorité des recrutements scientifiques. Il faut aussi renforcer les mesures d’insertion des docteurs, que ce soit par des aides aux entreprises qui les recrutent, ou le développement des contrats doctoraux CIFRE associant recherches publique et privée.

Comment financer une politique ambitieuse de recherche et d’enseignement supérieur ?

Le plan d’urgence que Sciences en marche propose a un coût de l’ordre de 20 milliards d’euros sur 10 ans. Au cours de notre traversée de la France, nous avons pu constater à quel point nos concitoyens sont conscients de la nécessité d’un fort investissement public dans l’enseignement supérieur et la recherche. Cet effort ne devant pas se faire au détriment des autres services publics, également en difficulté, nous proposons de financer ces réformes en abondant les crédits de l’Etat : une réforme du Crédit Impôt Recherche doit permettre de dégager les moyens dont nos laboratoires et nos universités ont cruellement besoin.

Le Crédit Impôt Recherche (CIR), visant à encourager la recherche privée, a connu une croissance rapide depuis 2008, pour atteindre et bientôt dépasser 6 milliards d’euros annuels. S’il est normal que l’Etat soutienne la recherche industrielle, le mécanisme retenu pour le faire est problématique sur le fond comme sur la forme, ce que la Cour des Comptes n’a pas manqué de remarquer. Sur le fond, ce type d’aides indirectes ne permet pas de cibler efficacement des secteurs d’activité stratégiques, ou les PMEs et ETIs qui en auraient le plus besoin. Son utilisation majoritaire signe l’abandon par l’Etat de son rôle de stratège industriel, qui a jadis permis le développement des filières aérospatiales ou nucléaires. La France est d’ailleurs le seul pays qui a choisi de privilégier cette forme d’aide.

Sur la forme, le CIR est inefficace. Il a créé de véritables niches fiscales sans avoir l’effet de levier escompté sur le développement industriel. Dans le contexte de restrictions budgétaires actuel, il est inadmissible que l’Etat perde des sommes aussi importantes dans un mécanisme dont l’efficacité est faible. Nous proposons de redéployer un tiers de ce crédit d’impôt vers le financement de l’ESR, et de réfléchir au moyen d’utiliser les sommes restantes pour construire une véritable politique stratégique à long terme dans le secteur de la recherche privée.

Des milliers de personnels de l’Enseignement supérieur et de la Recherche manifesteront à l’initiative de Sciences en Marche à Paris le 17 octobre, après avoir traversé toute le France. Par la présente lettre, ce sont aussi eux qui vous interpellent et vous prient, Monsieur le Président, de bien vouloir vous mettre à leur écoute en acceptant de recevoir dans les meilleurs délais une délégation de Sciences en Marche et des organisations représentatives de l’ESR afin d’envisager avec elles les mesures urgentes que doit prendre votre gouvernement.

Monsieur le Président, vous seul avez l’autorité pour impulser une politique visionnaire et ambitieuse dans le domaine de la Recherche et l’Enseignement supérieur. Nous en appelons à votre clairvoyance.

Fin de la lettre

Un autre secteur en danger : le collège international de philosophie menacée de disparition.

Pétition en cours. Sauvons l’espace civique du Collège international de philosophie, pour le droit à la philosophie pour tous !

Source : cliquez ici

Texte de la pétition

Association à but non lucratif, reconnue d’intérêt général, le Collège international de philosophie est né en 1983 de la conjugaison d’une volonté politique de l’État français et d’une exigence inconditionnelle de pensée, portée par des intellectuels et des philosophes : parmi eux figuraient François Châtelet, Jacques Derrida, Jean-Pierre Faye et Dominique Lecourt. À côté des institutions d’enseignement supérieur et de recherche, le Collège a toujours tenu ses engagements.

Il ne défend aucune philosophie officielle. Il développe ses activités avec des moyens dérisoires, si on les rapporte au nombre et à la qualité de ses productions ainsi qu’à leur impact dans la vie intellectuelle, la philosophie et les sciences humaines. Sans autre condition que l’exigence de penser, il favorise des échanges entre des philosophes, des intellectuels, des écrivains, des scientifiques, des artistes, et avec la société civile. Il participe à la construction d’un espace public où la pensée critique s’exerce et se renouvelle en toute liberté, surmontant les frontières nationales, linguistiques et disciplinaires.

L’année dernière, il a offert 720 heures de séminaires publics et gratuits. Il a organisé des colloques, des journées d’études, des débats sur des livres avec leurs auteurs. Avec quatre livraisons par an, sa revue Rue Descartes, entièrement en ligne et en libre accès, voit ses taux de fréquentation grimper.  Le Collège est désormais membre associé de l’Université Paris Lumières, composée des Universités Paris 8 et Paris Ouest Nanterre, le CNRS et d’autres institutions. La dotation de 240.000 euros promise par le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, via l’Université Paris Lumières n’a finalement pas été versée, sans justification, ce qui place le Collège au bord du dépôt de bilan. 

Le Collège a instamment besoin de cette somme pour payer quatre salariés de la cellule administrative qui, sans cela, se retrouveront au chômage. Il en a besoin pour son fonctionnement minimal, afin d’appuyer les activités en France et à l’étranger de 50 directeurs de programme non rémunérés. En novembre 2014, si une décision du pouvoir d’État n’intervient pas, le Collège international de philosophie fermera ses portes après 30 ans d’activité et de création au sein de réseaux internationaux solides. Un espace d’expérience, de recherches novatrices et de formation originale disparaîtra.

Or existe-il aujourd’hui en France une volonté politique claire, prête à s’engager pour la défense d’une recherche libre et ambitieuse ?  Nous demandons le maintien du financement « Recherche » de 240 000 euros par an, qui permet au Collège de fonctionner. Au nom du droit à la philosophie pour toutes et tous, dans une société démocratique, nous demandons aussi la pérennisation des conditions de vie du Collège. Notre souhait est que le Collège, pour de nombreuses années encore, accueille d’autres générations de penseurs, venus du monde entier, œuvrant à la production d’une pensée critique et libre, ouverte à tous.

Signez cette pétition pour demander à la ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Najat Vallaud-Belkacem, de débloquer la subvention qui permet au CIPh de fonctionner ! Et faites signer autour de vous !

L’Assemblée collégiale du Collège international de philosophie collectif@ciph.org https://www.change.org/p/sauvons-le...

Paris, le 17 octobre 2014

Fin du texte de la pétition

Hervé Debonrivage


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