Rapport franco-allemand : fête chez les ennemis du peuple

lundi 8 décembre 2014.
 

C’était la fête chez les ennemis du peuple à la lecture jouissive du « rapport franco-allemand » pour détruire les acquis sociaux, « privilèges » des salariés. L’enfumage ne doit pas vous laisser aller à croire que ce soit là une étude scientifique. Juste un manifeste de plus de l’adhésion des militants du PS au dogme libéral. En effet, les auteurs du rapport ne sont pas de simples « économistes ». Jean Pisani-Ferri et Henrik Enderlein sont d’abord des militants politiques très liés aux sociaux-démocrates. Henrik Enderlein est même membre du SPD allemand qui gouverne actuellement avec Angela Merkel. Jean Pisani-Ferry a travaillé pour Dominique Strauss-Kahn. Et il occupe actuellement le poste de commissaire général à la prospective auprès du gouvernement Valls. Il y a été nommé par François Hollande en mai 2013. Les deux économistes ont une longue carrière dans les institutions libérales. Jean Pisani-Ferry a travaillé pour le FMI et la Commission européenne. Son collègue allemand représentait la Banque centrale européenne dans la Convention Giscard qui a rédigé le projet de Constitution européenne. Le Français a aussi fait un passage chez Goldmann Sachs et la banque Rothschild, comme le ministre Emmanuel Macron. L’Allemand a été le conseiller de l’actuel ministre de l’Economie d’Angela Merkel, le social-démocrate Sigmar Gabriel. Autrement dit, ces « économistes » travaillent sur commande pour les dirigeants sociaux-libéraux européens. Ils sont seulement là pour lâcher des ballons d’essai et préparer les esprits aux prochains mauvais coups.

Ils prennent leur tâche très au sérieux. Leur rapport est un appel à la violence sociale. Jean Pisani-Ferry a ainsi appelé le gouvernement français à « passer un cap » dans les réformes favorables au patronat. Pour lui, malgré tout ce qui a déjà été donné par Hollande au MEDEF, on est seulement à « la mi-chemin » ! La rengaine est toujours la même. Le premier axe des « économistes » est l’assouplissement du marché du travail. Comprenez : la baisse des droits des salariés. Comment ? La proposition est de faire reculer l’emprise de la loi au profit de « plus d’autonomie à la négociation de branche et d’entreprise ». Le but est de permettre des « accords de compétitivité offensifs ». Les « accords de compétitivité » sont ces dispositifs par lesquels un employeur peut obtenir des salariés qu’ils renoncent à certains droits, y compris une partie de leur salaire, en échange de promesses creuses. Ce type d’accord a été généralisé par François Hollande à travers la loi « made in Medef » voté au printemps 2013 suite à l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le sujet. Mais jusqu’ici, seuls des accords « défensifs » sont autorisés. C’est-à-dire que l’entreprise doit avoir des problèmes de compétitivité pour pouvoir en profiter. Et ces accords ne s’appliquent que pendant deux ans. C’est déjà inadmissible. Mais ce n’est jamais assez pour le MEDEF. La proposition Pisani-Ferry/Enderlein veut donc rendre ce type d’accord plus facile et plus durable.

C’est-à-dire ouvrir la voie à un chantage patronal encore plus grand. C’est écrit noir sur blanc dans le rapport. Le but est d’« élargir le champ des dérogations possibles aux dispositions légales dans les conventions collectives de branche, y compris lorsque ces accords comportent des dispositions qui ne sont pas bénéfiques pour les employés ». Le ministre français de l’économie, Emmanuel Macron, a dit son accord pour aller dans ce sens. Il s’est dit « à l’aise avec ce programme », parlant « d’agenda de convergence » et même de « programme commun ». Macron a répété ce qu’il a dit il y a quelques jours à l’Assemblée à propos des 35 heures : leur démantèlement continuera mais en cachette. Il propose de « dédramatiser » ces reculs sociaux, en « déconcentrant » le débat « dans les branches professionnelles et les entreprises » pour « faire un pas vers la culture allemande ». Il reprend ainsi un point central du programme du MEDEF, l’hypocrisie en plus !

L’autre offensive frappe les salaires. Pour préparer les esprits, la presse allemande avait fait fuiter l’idée d’un gel des salaires pendant trois ans en France. Il lui reste à apprendre que le gouvernement français n’a pas le pouvoir de geler les salaires dans les entreprises privées, et que le salaire des fonctionnaires est déjà gelé depuis 2010 ! Mais c’est bien l’esprit du rapport. Il propose ni plus ni moins de supprimer les négociations annuelles obligatoires sur les salaires ! Et de les remplacer par des négociations triennales, c’est-à-dire une fois tous les trois ans seulement.

L’autre proposition pour geler ou contenir les salaires concerne le SMIC. Le rapport propose de revoir le mode de calcul du salaire minimum pour freiner encore sa hausse déjà quasi-nulle. Il s’agirait de ne plus prendre en compte dans le calcul du SMIC la hausse moyenne du salaire ouvrier mais de remplacer ce critère par une prise en compte de l’évolution de la productivité. En gros, le SMIC augmenterait moins vite que les autres salaires. Un gel déguisé en somme. Le ministre Macron a précisé qu’il n’était « pas prévu » de modifier le mode de calcul. Et pour cause, il n’en a pas besoin pour geler le SMIC ! Son collègue François Rebsamen a déjà annoncé il y a quelques jours qu’il n’y aurait pas de coup de pouce sur le SMIC au 1er janvier prochain. Et comme les statistiques disent que les prix n’augmentent pas, il y a fort à parier que le SMIC sera gelé au 1er janvier, sans même avoir besoin de changer son mode de calcul.

Le troisième étage de la fusée est d’une banalité aussi affligeante que les deux premiers. Que proposent ces « économistes » ? De l’austérité ! Bien sûr, ils versent des larmes de crocodiles sur l’absence d’investissement. Dans un éclair de lucidité, ils estiment que le plan européen d’investissement bidon de Juncker est « insuffisant ». Mais c’est pour mieux appeler à encore plus d’austérité en France ! Dans leur rapport, ils proposent de réduire la dépense publique à 50% du PIB contre 55%. Cela revient à couper 100 milliards d’euros dans les services publics, les prestations sociales ou dans l’investissement de l’État ou des collectivités locales ! Valls a déjà prévu d’en faire la moitié d’ici 2017. Macron a laissé entendre que les 50 autres milliards d’euros seraient à trouver entre 2017 et 2022, c’est-à-dire dans le mandat du successeur de François Hollande. L’austérité à perpétuité pour le peuple, voilà le programme de ces gens-là !


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