Des paroles et des actes (Mélenchon, Duflot, Hamon) était attendu

vendredi 12 décembre 2014.
 

Le 4 décembre 2014, Jean-Luc Mélenchon était l’invité de « Des paroles et des actes » avec Cécile Duflot et Benoît Hamon. Il a appelé à rompre avec les vieilles pratiques économiques et politiques grâce à la 6e République (http://www.m6r.fr/je-signe/) et a réaffirmé qu’il refusait tout rassemblement avec Manuel Valls ou François Hollande.

« Des paroles et des actes » était attendu (Jean-Luc Mélenchon)

Je l’ai préparé avec soin, croyez moi. Sachez aussi ceci. Dans chaque équipe politique représentée, la discussion avait été âpre pour savoir s’il fallait y aller ou pas. Dans mon cas, cette évaluation se complique du fait que je suis l’ancien candidat commun de neuf organisations et que je dois tenir compte de ce que je sais de leur façon de voir. Puis ce furent des heures de révision de nos chiffres et de préparation de nos positionnements. Peu de choses ont servi car le fil de l’émission s’est vite perdu. Celle-ci a cependant rassemblé 2,3 millions de téléspectateurs et généré 37 000 tweet. Le thème initial de l’invitation était de savoir si l’on pouvait passer de l’opposition à Hollande à une alternative commune de l’opposition de gauche. Ce cadre partait de l’existence d’une opposition de gauche. Peut-elle s’unir, quand bien même ce concept est très flou à présent ? Serais-je allé sur ce plateau si je pensais que c’était totalement impossible ? Parmi mes amis, notamment au Front de Gauche, les uns espèrent cette jonction. Les autres n’ont plus aucune confiance dans la vieille gauche officielle et redoutent que je paraisse englobé avec celle-ci. Je me devais de représenter ces deux points de vue que je crois légitimes.

Je sais que l’Histoire va bientôt se charger de trancher. Pour ma part j’ai la certitude que les socialistes des diverses variétés de « frondeurs » ne rompront pas les rangs. En dehors des « socialistes affligés » tous les autres groupes de dissidents restent très soucieux de bonne réputation interne. Ceux qui sont restés à table mangent. Un petit bout de pain pour finir le petit bout de fromage, puis un petit bout de fromage pour finir le petit bout de pain. Et ce sera le refrain : des départementales au congrès et du congrès aux régionales et de celles-ci aux primaires, ad nauseum ! Pour autant, je m’en serais voulu de laisser passer une occasion d’agir utilement, c’est-à-dire d’ouvrir la route à ceux qui veulent la prendre. Je voulais montrer combien ce n’est pas moi qui bloque la voie du regroupement.

J’agis de cette façon, en acceptant un dialogue qui m’a été refusé des mois durant. Je le fais en pensant a ceux qui se disent « ça ne peut pas continuer comme c’est là ». C’est l’état d’urgence politique : notre pays va à l’abîme, l’Europe agonise, partout l’extrême droite est en dynamique, l’humanité est menacée de guerre généralisée et d’un désastre écologique majeur. On sait que « la catastrophe démocratique » en cours, comme dit Benoît Hamon, vient d’une politique économique austéritaire absurde. Le phénomène est général en Europe. L’extrême droite vient de renverser le gouvernement suédois. Elle est en tête au Danemark, elle culmine dans toute l’Europe du nord, l’ancien paradis social-démocrate. Le vieux « mouvement ouvrier » nordique a basculé dans le libéralisme. L’extrême droite capitalise ceux que la gauche officielle a expulsés de la vie sociale.

Dans ce contexte Cécile Duflot et Benoît Hamon ont fait tous les deux un constat d’échec à propos de François Hollande et Manuel Valls. Ils disent qu’il faut faire autre chose et autrement. Dès lors, on peut leur faire des reproches pour le passé récent mais il serait sectaire de les repousser quand ils semblent venir vers nous au moins en utilisant nos arguments. En préparant l’émission j’ai repéré les convergences fortes sur lesquelles je pouvais m’appuyer si le débat l’avait permis : la Sixième République, la demande de renégociations des traités européens, la transition écologique de l’économie, la fin de la précarité et de l’austérité, et, pour la paix, la sortie de l’Otan. Dès lors, je disposais de points d’appui pour avancer séance tenante si l’émission était restée centrée sur son objet. Ce ne fut pas le cas.

Cette soirée pouvait-elle être un commencement honnête, sans tentative pour me récupérer dans le système que je combats ? Je n’ai pas eu à le craindre. D’entrée de jeu, Benoît Hamon s’est placé en mode absent. Il a paru totalement paralysé par son impossibilité d’aller au bout de sa rupture avec Hollande et Valls. Il nous a récité le discours convenu et irréel de la « lutte pour la réussite du quinquennat » à laquelle lui-même ne croit pas. Il a même voulu valoriser les acquis du gouvernement en citant ses « réussites dans l’éducation nationale »… ce qui était hautement surréaliste et se passait de commentaires du fait de l’énormité ! En fait, il n’a rien d’autre à proposer que de nous demander de l’aider dans la préparation du prochain congrès du PS. Pauvre perspective pour le pays ! Ce n’est une perspective pour personne, et peut-être même pas pour les socialistes eux-mêmes. Ils pressentent combien la partie va être pré-arrangé par ses chefs. Hamon s’est donc isolé tout seul sur ce plateau et je crois qu’il l’a fait volontairement. Dans ces conditions, la gauche du PS et les frondeurs ont montré leurs limites ce soir-là. Je le dis sans malice car je suis bien conscient que Benoît Hamon ne les représente pas formellement. La gauche du PS, c’est surtout Emmanuel Maurel. Quant aux « frondeurs », ils vont de Pascal Cherki à Jean Marc Germain en passant par Christian Paul. Des parlementaires sans ces paquets de mandats qui font les vrais seigneurs du PS. Hamon voulait se mettre en position de les représenter tous à la fois dans cette émission. Ambition légitime pour laquelle il n’est pas le plus mal placé. Mais le prix à payer pour occuper cette position est celui de toute ambiguïté assumée : on ne peut en sortir qu’à ses dépens et sans retour. Ce n’était pas le jour visiblement. Il fut donc cotonneux, techno et chaloupant toute la soirée.

A l’inverse, Cécile Duflot avait adopté un autre style plus libre et allant. Elle le pouvait du fait de son choix de rupture avant même le commencement de l’épisode Valls. Dès lors, la présence de Cécile Duflot, du fait de son évolution depuis la sortie du gouvernement jusqu’à aujourd’hui, offrait une opportunité spectaculaire. On pouvait faire constater la convergence non seulement des points de vue mais aussi des références communes à l’écologie politique. Comme elle était à l’aise et la plus performante sur ce plateau, la bonne volonté réciproque pouvait se donner libre cours sans blocage égotique. Certes, convergences n’est pas accord. Mais cette soirée marque une étape incontestable dans le rapprochement avec les Verts. Il est tout à fait évident pour moi qu’elle agissait très consciemment en affichant sa connivence avec moi. Donc, la menace de scission fulminée par Jean Vincent Placé est sans effet sur elle. Sans doute parce que l’intéressé est hors d’état de faire davantage que d’en parler. Comme disent dorénavant les entourages : « ce ne serait pas une scission, juste une démission ».

Mais au total, faute d’avoir respecté son projet, l’émission a surtout vécu en dehors des clous. Car le duo Saint Cricq et Lenglet, loin de vouloir faire exposer la pensée de chacun sur l’alternative, a passé son temps à l’habituel exercice de démolissage en mode « ce que vous proposez, que je résume d’une façon caricaturale, est inepte ». Dans ces conditions les bons moments de télé étaient hors du dérouleur prévu. C’est celui où le futur président de la CGPME, dont Pujadas avait « oublié » de dire qu’il l’était, demandait le droit de faire travailler les apprentis comme des ouvriers « ordinaires » inclus la nuit et les dimanches. Et le sommet de tout fut atteint avec cette député allemande, caricature de « boche » de bande dessinée avec cette phrase d’anthologie où elle déclare : « che n’ai pas bien kompris qu’est-ce que fou foulez faire sinon fou couper les chéfeux entre fous ! ». Du Jacques Villeret dans le rôle d’Apfelstrudel de « Papy fait de la Résistance » ! En moins drôle et même très glacial ! Dès le lendemain, je n’ai plus compté les gens qui m’ont arrêté dans la rue pour me féliciter d’avoir « bien répondu à l’Allemande ». Ce qui m’en apprend beaucoup sur ce que pense notre peuple.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message