Grève générale massive en Italie

mardi 16 décembre 2014.
 

Des centaines de milliers d’Italiens ont défilé vendredi 12 décembre 2014 dans les rues des villes italiennes à l’occasion d’une grève générale. La Confédération générale italienne du travail (CGIL) et l’Union italienne du travail (UIL) protestent contre le projet de budget 2015 et la réforme du marché du travail. Selon les syndicats, 70% des salariés ont cessé le travail.

Il est neuf heures ce matin. On s’affaire devant l’Eglise Santa Maria Maggiore à Rome. Un enfant donne des coups de poings dans un ballon de baudruche qui représente le président du Conseil Matteo Renzi affublé d’un long nez. Autour, un stand distribue des exemplaires de ce Renzocchio bonimenteur.

Bientôt ils sont quarante-mille venus de toute la région du Latium à défiler dans les rues de la capitale à l’occasion de la grève générale convoquée par la Confédération générale italienne du travail (CGIL) et l’Union italienne du travail (UIL). Cet appel en commun est une première depuis la création de l’UIL en 1950. La Confédération italienne des syndicats de travail (CISL), deuxième centrale du pays n’appelait pas au mouvement.

Au total, on a compté des cortèges dans cinquante-quatre villes. A Milan, cinquante-mille personnes ont marché. Selon la CGIL, le taux d’adhésion à la grève a été de 70,2%. 50% des trains étaient à l’arrêt. Le gouvernement avait tenté de faire interdire la grève des cheminots pendant la semaine et hier l’autorité de régulation de la grève menaçait les syndicats de poursuites.

Susanna est déléguée syndicale à l’Aurelia Hospital au nord de Rome. Là, 163 personnes risquent de perdre leur poste de travail. « La réduction des dépenses publiques a prévu des coupes inconsidérées », explique-t-elle. Certains lycées étaient en grève également, c’était le cas de l’établissement Plaudo, dont certains élèves étaient dans le cortège. « Nous venons pour protester contre la loi sur le travail et pour des fonds pour l’école », témoigne Claudio. « Ces quatre ou cinq dernières années, les fonds pour l’école ont été beaucoup réduits », déplore-t-il.

Salvatore, soixante-trois ans, fait partie, lui, d’un collectif de salariés de l’Education nationale qui en 2012 se sont vus contraints d’attendre entre deux à huit ans supplémentaires pour faire valoir leurs droits à la retraite, après l’adoption de la loi Fornero, quand Mario Monti tenait les rênes du pays. « Cet été, le gouvernement Renzi a dans une loi inscrit une disposition pour régler notre problème. Le texte a été voté – avec motion de confiance- par la chambre des députés. Trois jours plus tard, le gouvernement a fait adopter un amendement contraire au Sénat. Avec motion de confiance ! », s’insurge-t-il. Fabrizio du Silp-CGIL, le syndicat de la police est venu « en solidarité avec les autres catégories de travailleurs ». Dans sa branche, l’accord national n’est pas renouvelé depuis plusieurs années si bien que « les salaires n’augmentent plus ». La faute aux budgets d’austérité. Défilant avec les salariés de MacDonald’s, Cinzia de la Filcams-CGIL s’en prend à « Matteo Renzi » qui veut « détruire le statut des travailleurs ».

C’est bien le thème qui revient souvent dans la bouche des syndicalistes. La loi 300, votée en 1970 à l’issue de plusieurs années de lutte, comprend de nombreuses dispositions protectrices pour les travailleurs. C’est ce texte que démantèle aujourd’hui Matteo Renzi avec son « Jobs Act », le nom anglais qu’il a trouvé à sa réforme du marché du travail pour la rendre moderne. L’article 18 qui permet à un juge de prononcer la réintégration d’un salarié injustement licencié est annulé. La modification à venir de son article 4 permettra la vidéosurveillance des salariés. Et un salarié pourra être embauché pour une tâche et en faire une autre.

800.000 emplois ont été promis avec cette réforme du marché du travail. « Diminuer les taxes sur les entreprises et en réduire les droits des salariés ? On sait où a fini la promesse de créer un million d’emplois prononcée il y a quelques années » par Silvio Berlusconi, a dénoncé lors du meeting de clôture de la manifestation Claudio di Berardino, secrétaire régional de la Confédération générale italienne du travail. Au contraire, il faut des investissements, estime-t-il. « S’il n’y a pas de croissance, si les familles ne consomment pas », l’économie ne repartira pas, prévient-il. « Retirer l’article 18 ne favorisera pas l’emploi. Cela ne fera que rendre le travail servile », dénonce-t-il.

Le nouveau secrétaire de l’Union italienne du travail (UIL), Carmello Barbagallo s’est, lui, inquiété de l’avenir du pays qui « risque l’extinction ». « Les jeunes ne font plus qu’un enfant par couple parce qu’ils n’ont plus confiance dans le futur. Sans démographie, il n’y a plus d’avenir », a-t-il averti, ajoutant avoir peur de voir les « jeunes obligés, avec leur ordinateur dans leur valise, d’aller à l’étranger chercher du travail ». Avec un ton offensif qui tranche avec celui de son prédécesseur Luigi Angeletti, Barbagallo a appelé à un « nouvelle résistance contre ceux qui pensent pouvoir faire sans les syndicats ». Dans ses discours, Matteo Renzi n’a de cesse de s’en prendre aux organisations de défense des salariés, avec lesquelles il n’a pas même pris la peine de négocier le contenu de sa réforme du marché du travail. « J’attends de ce gouvernement quand il parle de réforme du marché du travail, qu’il en parle avec les corps intermédiaires, avec les syndicats », a lancé le syndicaliste. Matteo Renzi, lui, n’en discute même pas avec son Parlement : ses textes en la matière passent grâce à des motions de confiance.

Gaël De Santis


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