Réinventer la politique autour de l’écosocialisme

mercredi 24 décembre 2014.
 

Corinne Morel-Darleux l’affirme : la biosphère peut être le nouvel objectif commun du combat politique. La tradition du socialisme n’a pas su intégrer la dimension finie des ressources naturelles et notre interdépendance avec les écosystèmes dans lesquels nous vivons. Pour leur part, les mouvements de l’écologie ont trop souvent sombré dans l’environnementalisme en négligeant la dimension systémique et radicale des problèmes économiques et sociaux. Pour l’auteure, il s’agit désormais de construire un projet écosocialiste qui réaliserait cette synthèse inédite de Karl Marx, André Gorz et Jean Jaurès pour rompre avec les schémas traditionnels et remettre l’économie au service des besoins humains.

Regardons les choses en face. Oui, les citoyens se détournent des urnes et semblent ne plus croire en la capacité des partis et de la représentation politique traditionnelle à améliorer leur vie. Pourtant, il subsiste un espace pour l’expérience politique, un espace dans lequel de nombreuses énergies se mobilisent pour organiser la réappropriation citoyenne de la chose publique. Cette expérience se nourrit de l’émergence de la conscience, à la fois individuelle et collective, que les biens communs — l’eau, l’air, les sols —, mais aussi tout ce qui est nécessaire pour répondre aux besoins fondamentaux humains — se nourrir, se soigner, se loger, se chauffer, se laver — sont à nous, qu’ils sont de propriété publique et d’intérêt collectif. De multiples zones de résistances, locales, virtuelles et internationales, émergent. Des collectifs anti-gaz de schiste au comité invisible, des zones à défendre aux forums Alternatiba, des organisations militantes d’une nouvelle forme réactivent l’idée que c’est à nous de décider de l’usage de ces biens communs et de nous en occuper dans une perspective de long terme, dégagée des intérêts marchands.

Des citoyens dépossédés de leur vote et de leur souveraineté populaire

Certes, cette idée de réappropriation de la chose publique peut sembler aujourd’hui utopique et même risible, tant les citoyens ont été dépossédés de leur souveraineté populaire. L’exemple le plus marquant pour notre génération militante restera sans doute la manière dont le vote majoritaire du « non » au référendum sur le traité constitutionnel européen (TCE) en 2005 a été bafoué. C’est aujourd’hui de ces mêmes principes, pourtant rejetés par voie populaire, que dépendent une grande part des décisions politiques. La politique budgétaire a été déléguée à l’Union européenne (UE) et la politique monétaire confiée à l’euro. La règle d’or de l’austérité édictée à Bruxelles dicte la politique gouvernementale en matière de casse des services publics et de relance de l’activité par une logique de l’offre dont les principaux bénéficiaires sont les entreprises, sans aucune contrepartie en matière d’emploi ou d’orientation de la production vers des besoins non satisfaits. C’est cette doxa libérale qui dicte encore la vente des parts de l’État — donc les nôtres — dans des entreprises stratégiques nationales au privé. Les éléments majeurs de toute politique publique digne de ce nom nous échappent peu à peu, et le sentiment légitime se répand que c’est une oligarchie qui décide à notre place. Une oligarchie dont font hélas partie certains de nos élus, qui ne respectent pas le mandat pour lequel ils ont été désignés. Alors en effet, de promesses en renoncements, les citoyens n’y croient plus et boudent les urnes en se dépossédant eux mêmes de ce droit majeur. C’est ainsi que le spectacle désolant qu’offre la politique aujourd’hui déprécie la valeur du vote, ce beau moment démocratique pourtant, où pour une fois chaque voix a le même poids.

La faillite du système représentatif ne délégitime pas l’action politique

Cela ne doit pas nous faire oublier que des paysans en Amérique latine ont repris, par la force, leurs terres aux grands propriétaires. Cela ne doit pas nous faire oublier la Révolution citoyenne en Équateur ou les mouvements populaires en Bolivie qui ont vu un indien, Evo Morales, devenir chef d’État, ni les assemblées constituantes en Équateur ou en Tunisie, les Indignés et les marées citoyennes à Madrid, les mouvements Occupy, et les opposants au projet de barrage de Sivens dans le Tarn, en Isère contre « Center Parcs » ou à Notre-Dame-des-Landes. Tous se sont réappropriés leur destin commun. Comment ? Par l’expérience politique, c’est à dire la mise en mouvement organisée autour d’objectifs communs et la mise en place d’un rapport de forces qui, on le sait, ne passe pas uniquement par les élections.

Un préalable à la réappropriation collective : l’émancipation individuelle

Comment définir ces objectifs communs, nécessaires aujourd’hui pour recréer le lien de l’expérience politique, fédérer les résistances et dépasser le repli sur soi ? Entre l’agriculteur rural et l’étudiant urbain, entre le retraité à faible pension, la femme de ménage de palace qatari parisien et le cadre informatique qui court d’avion en avion, entre la chômeuse de longue durée et la « célibattante » du CAC 40 ? Il en existe un : l’émancipation individuelle, ce désir fondamentalement humain. Et la politique nous en fournit un deuxième : l’émancipation collective. Celle qui fait dire à Victor Hugo qu’on ne peut pas vivre heureux dans un océan de misère.

Encore faut-il, pour s’engager dans cette voie collective, s’être affranchi de l’urgence de la précarité, pouvoir sortir la tête de l’eau et poser les yeux sur le monde qui nous entoure. Encore faut-il s’être émancipé d’un certain nombre d’aliénations. La consommation irraisonnée, poussée par la publicité, les crédits à la consommation, les magazines et tout ce que cela crée de désirs artificiels. Le travail érigé en valeur, qui prétend définir l’individu en le réduisant à son statut de travailleur. Enfin, le mythe de la croissance économique à tout prix avec son corollaire de production irraisonnée où seul compte le fait de produire et d’écouler sur le marché, sans se poser la question de l’utilité de qu’on produit pour répondre aux besoins humains, de l’impact de cette production sur l’environnement, ni de la manière dont sont prises les décisions. Consumérisme et productivisme, culte de l’argent, autant de croyances érigées en valeurs, qui transforment l’être humain en producteur/consommateur, bien loin de l’émancipation individuelle, et nous emmènent collectivement vers une catastrophe à l’échelle planétaire.

La biosphère, nouvel objectif commun de combat politique

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