Grève des médecins libéraux Un mouvement réactionnaire caractéristique

lundi 29 décembre 2014.
 

Le projet de loi santé prévoit l’instauration, le 1er janvier 2015, du tiers payant pour les bénéficiaires de l’ACS avant de l’étendre en 2017 à l’ensemble de la population. Ainsi, les patients n’auront plus à avancer d’argent, l’assurance maladie réglant directement au médecin la consultation. Ce système s’applique déjà avec les pharmacien(e)s ou les infirmier(e)s libéraux…ainsi qu’aux médecins des pays voisins (Allemagne, Pays-Bas…).

• La généralisation du tiers payant, une mesure de justice sociale appliquée depuis longtemps par nos voisins européens

L’avance des frais par les patients, telle que pratiquée aujourd’hui, entraine de nombreux renoncements aux soins (15,4% des plus de 18 ans déclaraient avoir renoncé aux soins en 2008, chiffre en augmentation constante depuis 2002). De plus, comme le rappelle l’IGAS dans un récent rapport1, le patient ayant déjà acquitté des cotisations préalables, il ne devrait pas avoir en plus à avancer les frais. Pourquoi les patients devraient-ils effectuer une avance de trésorerie ?

• Les arguments des syndicats de médecins : de la mauvaise foi jusqu’au racisme de classe

Il convient tout d’abord de souligner que tous les syndicats de médecins ne soutiennent pas cette grève, à l’image de SMG qui appelle à ne pas faire grève. "Les médecins ne veulent pas être dépendants des caisses d’assurance-maladie" dit le président du CSMF. Mais ils le sont déjà ! Qui rend solvable les patients qui ont recours à leurs soins, qui fournit aux médecins généralistes 10% de leur rémunération annuelle sous forme forfaitaire ? C’est l’Assurance maladie.

Les syndicats de médecins grévistes invoquent alors le risque de dévalorisation de leurs actes. Les actes des médecins néerlandais ou allemands sont-ils dévalorisés alors que le tiers payant y est généralisé ? Enfin, autre argument mobilisé, lequel révèle la nature profondément réactionnaire de certains syndicats de médecins, la généralisation du tiers payant entraînerait une surconsommations de soins, des hordes de patients alléchés par la gratuité apparente de la consultation viendrait consommer des soins par pur plaisir. Cet argument ne tient pas la route. Si la généralisation du tiers payant a pu augmenter le nombre de consultations, c’est parce qu’auparavant les personnes renonçaient à se soigner. Ce que nos éminent docteurs nomment surconsommation, ne correspond en fait qu’au résultat d’un accès aux soins garanti à l’ensemble de la population. Sont-ils contre ?

• Les véritables motivations des grévistes : augmenter leurs revenus et être dégagés de toute obligation de service public

1 http://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/RM2...

2 http://www.smg-pratiques.info/Le-SM...

En fait, les syndicats de médecins grévistes utilisent des arguments qui ne tiennent pas la route pour masquer leur réelle motivation. D’une part, la généralisation du tiers payant menace directement la pratique honteuse des dépassements d’honoraires. En effet, avec le tiers payant, le seul cas où le patient aura à sortir de l’argent, c’est si son médecin se livre à cette pratique condamnable mais non remise en cause par la loi santé.

D’autre part, les syndicats de médecins grévistes, utilisent la question du tiers payant comme monnaie d’échange. Monnaie d’échange contre une revalorisation de leurs actes et monnaie d’échange contre une assurance de non remise en cause de la liberté d’installation, laquelle est pourtant responsable de l’apparition de véritables déserts médicaux. S’agissant de la question de la revalorisation du tarif de la consultation, on remarquera qu’un médecin généraliste libéral gagne en moyenne 6800€ nets par mois et que sa rémunération est en augmentation constante du fait de l’introduction d’une rémunération annexe sur objectifs. Concernant, la liberté d’installation, comment accepter qu’une personne assurant une mission de service public ne soit pas astreinte à des obligations de service public ?

• Ce mouvement aux motivations contestables ne doit pas pour autant enterrer tout débat sur la nécessaire évolution de la médecine de premier recours

Notre médecine de ville est aujourd’hui à bout de souffle. L’écho rencontré par ce mouvement réactionnaire est la preuve d’un malaise certain au sein de la profession. Mais les solutions ne sont sûrement pas dans une intensification des pratiques qui minent aujourd’hui le dispositif (installation dans les zones surdotées qui entraine désert médicaux et augmentation des actes inutiles au détriment de la qualité, multiplication des dépassements d’honoraires…).

Au contraire, il s’agit, comme le propose le Parti de Gauche, de revoir de fond en comble ce système afin de nous doter d’une offre de soins de premier recours de qualité, accessible à tous. Cela suppose notamment de multiplier sur l’ensemble du territoire les centres de santé, où les praticiens salariés ne sont plus soumis au paiement à l’acte et sont dégagés des tâches administratives, de viser un remboursement à 100% des soins par l’assurance maladie et d’offrir aux professionnels de santé un cadre leur permettant de disposer d’une formation continue de qualité indépendant des divers lobbys. Ce n’est malheureusement pas la direction prise par la loi santé.

Noam Ambrourousi, commission santé du Parti de Gauche


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