Indemnités de guerre, l’autre dette qui oppose Athènes et Berlin

samedi 14 février 2015.
 

La dette… mais allemande. C’est l’autre sujet de tension entre la Grèce et l’Allemagne. Le ministre grec des affaires étrangères, Nikos Kotzias, a remis, mardi 10 février à Berlin, une demande formelle de son gouvernement pour des réparations de guerre à la suite de l’occupation de la Grèce par la Wehrmacht, entre 1941 et la fin 1944.

Dimanche, dans son discours de politique générale, le nouveau premier ministre grec, Alexis Tsipras, avait déclaré qu’« il y a une obligation morale envers notre peuple, envers l’Histoire, envers tous les peuples européens qui se sont battus et ont donné leur sang contre le nazisme, une obligation historique » à réclamer à l’Allemagne « des indemnités de guerre. »

La facture s’élèverait, selon une évaluation faite en 2012 par la Cour des comptes grecque, à 162 milliards d’euros. Soit plus de la moitié de la dette publique grecque actuelle (315 milliards).

Mais, pour l’Allemagne, il n’y a pas de sujet. Le gouvernement allemand juge le dossier clos et la revendication juridiquement injustifiée.

Pour Berlin, tout a été « réglé » depuis 1960, quand l’Allemagne a conclu avec la Grèce – comme elle l’avait fait avec d’autres pays occidentaux – un accord de dédommagement, prévoyant le versement d’une indemnité de 115 millions de marks, essentiellement destinés aux victimes du nazisme. Importance symbolique

Les juristes allemands mettent également en avant un autre argument : les Américains avaient obtenu, en 1953, de leurs alliés qu’ils ne réclament les indemnités que leur devait l’Allemagne que lorsque celle-ci serait réunifiée et aurait conclu un « traité de paix », histoire de laisser à celle-ci le temps de se redresser et de ne pas commettre la même erreur qu’avec le traité de Versailles, après 1918.

Or, le traité « 2 + 4 » (les deux Allemagne, la Russie, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France), qui a ratifié la réunification allemande en 1990, n’est pas un traité de paix et la Grèce l’a approuvé. Ce qui, pour l’Allemagne, met un terme au débat.

Porté notamment par des figures de la résistance grecque au nazisme, le sujet est toutefois extrêmement sensible à Athènes. Et, à Berlin, on ne sous-estime plus son importance symbolique et on reconnaît qu’il envenime les relations entre les deux pays.

De fait, cette revendication rappelle que la Grèce est l’un des pays où l’occupation nazie, à partir de 1941, a été la plus barbare. En outre, l’Allemagne avait imposé un prêt de 476 millions de Reichsmark à la Banque centrale de Grèce. Ce « prêt », jamais remboursé, était évalué à 8,25 milliards d’euros en 2012 par le Bundestag et à 11 milliards d’euros en janvier par le ministère des finances grec.

Frédéric Lemaître


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