L’UFAL avait dénoncé il y a trois ans le détournement d’une proposition sénatoriale de loi de Mme Françoise LABORDE (RDSE) par des amendements de M. Alain RICHARD (PS) violant explicitement la loi du 9 décembre 1905. L’intéressé s’en était d’ailleurs justifié, en réponse à l’UFAL. La proposition ainsi trafiquée avait été reprise mot pour mot par M. Roger-Gérard SCHWARTZENBERG au titre de l’Assemblée Nationale en janvier 2013. Alors qu’on pouvait la croire enterrée, elle se prépare à refaire surface le 12 mars prochain à l’Assemblée Nationale, et au pire moment : quand la France aurait besoin de renouer avec la laïcité ! Le prétexte tiré de l’affaire Baby-Loup ne joue plus : il n’y a pas besoin de loi pour protéger la neutralité religieuse des crèches privées !
Une loi n’est plus nécessaire, depuis l’arrêt Baby-Loup de la Cour de cassation du 25 juin 2014. Les incertitudes juridiques prétendues pesant sur la possibilité pour une crèche privée de se réclamer de la neutralité religieuse ont été définitivement levées. « La nature des tâches » de garde et d’éducation de jeunes enfants peut ainsi justifier des restrictions à la liberté d’expression religieuse des salariés, si elles restent « proportionnées » au but recherché. La garantie de la Convention internationale des droits de l’enfant est en la matière supérieure à la loi. Il faut donc en conclure que c’est un tout autre but que la protection de la neutralité des crèches privées qui est recherché aujourd’hui.
Permettre le financement public des crèches confessionnelles : vos impôts pour endoctriner les bébés !
Voici un extrait de l’article 2 de la proposition Richard – Schwartzenberg :
« Les deux alinéas précédents [obligation de neutralité du personnel]ne sont pas applicables aux personnes morales de droit privé se prévalant d’un caractère propre porté à la connaissance du public intéressé. Toutefois, lorsqu’elles bénéficient d’une aide financière publique, ces personnes morales accueillent tous les mineurs, sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyances. Leurs activités assurent le respect de la liberté de conscience des mineurs. »
Ce texte est doublement contraire à la laïcité :
Il introduit l’autorisation de financement public des crèches confessionnelles, usines à endoctriner les bébés (cf. les subventions de la ville de Paris aux crèches intégristes Loubavitch) ;
Il étend au secteur de la petite enfance la notion anti-laïque de « caractère propre », inventée pour justifier la loi Guermeur (1977) en faveur de l’enseignement scolaire privé confessionnel !
L’analyse que nous en faisions dès 2012 reste entièrement valable, hélas !
Un fort relent d’inconstitutionnalité
De surcroît, les fins juristes qui ont rédigé la proposition de loi ont laissé passer au moins deux dispositions à la constitutionnalité douteuse :
l’intitulé prétend « assurer le respect du principe de laïcité ». Or, de jurisprudence constante (1), ce principe ne peut s’appliquer hors des services publics (exercés soit directement soit par délégation à une personne privée). Le seul critère du financement public, a rappelé le Conseil d’Etat, ne suffit pas à qualifier une structure privée de service public.
l’article 3 de la proposition de loi soumet à l’obligation de neutralité les assistants maternels (« nounous ») « à défaut de stipulation contraire » du contrat qui les lie aux familles employeuses. Or rien ne permet d’imposer une telle obligation dans un contrat de droit privé. Mieux inspirée, la proposition initiale de Mme Laborde se limitait strictement à introduire la « neutralité » parmi les conditions de l’agrément public (obligatoire) des assistantes maternelles par le président du Conseil général. Ruse de l’histoire, une proposition de loi émanant du groupe UMP reprend quasiment mot pour mot le texte de Mme Laborde… évitant les amendements anti-laïques qui l’ont parasitée.
Nous voici loin des fortes paroles qui ont pu être prononcées par le Premier ministre ou le Président de la République : la gauche gouvernementale (initiative du PRG) se prépare à défendre une proposition délibérément contraire à la laïcité (voire à la Constitution).
Par Charles Arambourou
Note(s)
1. On se souvient notamment des deux arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation du 19 mars 2013, Baby-Loup et CPAM de Saint-Denis
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