Manuel Valls a perdu la bataille du rôle des départements

mercredi 18 mars 2015.
 

Ils reviennent de loin, les départements. Les élections départementales de la fin du mois ne sont pas passées loin d’être à la fois les premières sous ce nom (en remplacement des ex-cantonales) et les dernières. Il n’y a pas si longtemps, l’échelon intermédiaire entre la commune et la région était menacé de disparition pure et simple.

Au début du quinquennat, les socialistes avaient hérité de la réforme territoriale menée par Nicolas Sarkozy, qui devait fusionner les mandats de conseiller général et conseiller régional en un seul  : le conseiller territorial. Dans cette configuration, l’échelon départemental devenait en quelque sorte une sous-assemblée du niveau régional. Heureusement, le 3 mars 2012, dans son discours de Dijon, François 
Hollande, encore en campagne, promettait pour les départements «  un nouveau mode de scrutin qui devra assurer une proximité mais aussi une meilleure représentation de toutes les sensibilités, et respecter le principe de parité posé dans la Constitution  ». Cela paraissait simple annoncé ainsi, mais depuis 2012, le chef de l’État et ses gouvernements successifs traînent leur grande réforme territoriale, maintes fois changée, découpée, tournée et retournée.

Manuel Valls, arrivé à Matignon, pose une ligne claire dans son premier discours de politique générale devant les députés, le 8 avril 2014 : au nom de l’austérité, pour « en finir avec les enchevêtrements, les doublons et les confusions », les conseils départementaux sont condamnés « à l’horizon 2021 ». « Je pense que les conseils généraux ont vécu », confirme le chef de l’État lui-même, quelques semaines plus tard. Une décision annoncée qui surprend tout le monde, à commencer par le président de l’Assemblée des départements de France (ADF), Claudy Lebreton, qui dénonce alors « la brutalité de la méthode employée par le gouvernement puisque aucun échange préalable n’a eu lieu avant cette annonce ». En plus de la très forte mobilisation des élus locaux, l’échelon départemental doit avant tout son salut au fait que sa suppression aurait nécessité une révision constitutionnelle pour laquelle n’existait pas la majorité nécessaire des trois cinquièmes des parlementaires, députés et sénateurs.

Devant l’ADF, le 6 novembre, Manuel Valls a bien pris acte du changement de direction du vent. Il met en avant « le besoin de cet échelon intermédiaire » qu’est le département. Dans le nouveau discours du premier ministre, les conseils généraux « ont des compétences de proximité, de solidarité tout à fait essentielles », et « pendant cinq ou six ans, jusqu’en 2020-2021, ces compétences seront confortées, clarifiées, parce qu’on a besoin de cette solidarité, de cette proximité, de cette efficacité ». Finalement, l’échelon est pour le moment conservé mais tout est remis à plat. Avec un problème : le scrutin du 22 et 29 mars se déroulera alors même que les compétences des futurs conseils départementaux ne sont pas définitivement fixées, le parcours législatif de la loi Notre qui les fixera n’étant pas achevé. À ce stade, à la sortie de la première lecture à l’Assemblée nationale, ils conserveraient l’aide sociale, les collèges et la voirie…

Un mode d’élection « unique au monde », se vante le gouvernement

Pour plus de clarté, on ne parlera plus de conseils généraux, mais de conseils départementaux. Pourquoi pas ? Mais le mode d’élection des nouveaux conseillers départementaux aussi est tout neuf, et même, selon la communication du gouvernement, « unique au monde ». Désormais, les élus départementaux seront désignés par un « scrutin binominal mixte majoritaire à deux tours » (voir infographies). Un nom barbare pour un petit jeu de politique. « Pour remplacer le conseiller territorial que voulait mettre en œuvre Nicolas Sarkozy, François Hollande avait annoncé un nouveau mode de scrutin dans les départements, fondé sur deux principes : ancrage territorial et parité », rappelait Manuel Valls, encore ministre de l’Intérieur, en janvier 2013, devant le Sénat. Difficile de nier la nécessité du principe de parité, puisque, jusqu’alors, les femmes n’occupaient que 13,8 % des sièges dans les conseils généraux. Avec l’obligation de présenter des candidatures par binômes mixtes, elles ne pourront plus représenter moins de la moitié des élus. Le principe d’ancrage territorial est, lui, plus douteux, pour beaucoup d’élus. D’abord parce qu’ils lui auraient préféré un scrutin proportionnel, plus représentatif de la diversité politique. Mais aussi parce qu’il nuit au pluralisme d’une manière plus pernicieuse : dans l’ancienne version « conseil général », deux conseillers sur deux cantons pouvaient avoir une couleur politique différente. L’un pouvait, par exemple, être socialiste et le deuxième communiste, ils se présentaient sous des couleurs différentes. Élus en binôme sur un seul canton, ils seront forcément soit du même parti, soit au minimum en coalition. C’est ainsi que, lors du débat au Palais du Luxembourg, la cheffe de file des sénateurs communistes, Éliane Assassi, répondait « aux principes d’ancrage territorial et de parité », avancés par Valls, en regrettant que le projet « ne permet pas de poursuivre ce double objectif : parité et pluralisme ».

Coups de ciseaux du ministère de l’Intérieur et autres bizarreries

Un pluralisme qui est aussi questionné par le redécoupage des cantons qu’a nécessité la mise en œuvre de ce nouveau mode de scrutin. Dans ce genre d’exercice, celui qui tient les ciseaux, en l’occurrence le ministère de l’Intérieur, ne peut échapper au soupçon de servir les meilleures parts à sa famille politique. La question se pose de nouveau cette fois-ci devant certaines bizarreries : communes ou intercommunalités séparées en plusieurs cantons, zones rurales fusionnées dans des cantons urbains… Le ministère de l’Intérieur affirme avoir basé son redécoupage sur des critères démographiques. Un choix justifié par les grandes disparités qui existaient alors : dans le Finistère, par exemple, on compte un conseiller général pour 871 habitants dans le canton d’Ouessant, contre un pour 32 168 dans celui de Saint-Renan, soit un rapport de 1 à 40. Mais pour parvenir à ce rééquilibrage, pour représenter un nombre équivalent de citoyens, les zones rurales étant moins densément peuplées, leurs cantons recouvrent un territoire beaucoup plus grand et englobent un nombre élevé de communes, ce qui résulte en une représentation bien moindre des zones rurales dans les futurs conseils départementaux.

Il est encore temps pour les procurations. Le premier tour des élections départementales (ex-cantonales) se déroulera dimanche 22 mars. Le second tour est prévu le dimanche suivant. 
Le conseil général de chaque département devient le conseil départemental. 
Le scrutin se déroulera dans tout le pays, sauf à Paris, dans la métropole de Lyon, en Guyane et en Martinique. Les conseillers seront élus pour six ans. Pour voter, il faut être inscrit sur les listes électorales. 
En cas d’absence le jour du scrutin, 
on peut voter par procuration (en faveur d’une personne votant dans la même commune), à faire établir au plus vite au commissariat de police, à la gendarmerie ou au tribunal d’instance.


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