Valls doit frapper tout de suite : Bruxelles l’ordonne

mercredi 8 avril 2015.
 

Manuel Valls veut continuer comme avant. Dès 20h, dimanche soir, il a voulu balayer d’un revers de main la déroute du PS aux élections départementales. Et dresser laborieusement la liste des prochaines trouvailles de son gouvernement contre les droits sociaux. François Hollande avait déjà prévenu avant le premier tour, dans Challenges, qu’il ne voulait changer « ni de ligne, ni de Premier ministre ». Valls a répété la même chose une semaine plus tard, dans le même journal : « ceux qui pensent que nous allons freiner ou stopper les réformes se trompent. Quel que soit le résultat des élections, nous allons les poursuivre en ouvrant de nouveaux chantiers. Nous n’avons pas d’autres choix pour le pays que de faire sauter les verrous et débloquer les énergies ». Quel vocabulaire ! Dans le viseur de Valls ? Le transfert des protections des travailleurs, de la loi vers des négociations de branches et des négociations de branches vers les entreprises pour que le rapport de force soit plus favorable au patronat. C’est, en tout cas, ce que croit savoir Challenges. Manuel Valls vise aussi « le contrat de travail » avec un possible retour d’un ersatz du CNE – Contrat Nouvelle Embauche – inventé il y a 10 ans par Dominique de Villepin pour « assouplir » le CDI dans les petites entreprises. Autre cible ? Les chômeurs, dont le gouvernement cherche depuis des mois comment réduire l’indemnisation.

Face à tous ces projets, les salariés sont appelés à la grève jeudi 9 avril, par plusieurs syndicats : CGT, FO, Solidaires et FSU. Ils dénoncent l’austérité, le pacte de responsabilité et la loi Macron qui sera discutée au Sénat à partir du 7 avril. Cette grève est aussi l’occasion de regrouper des luttes courageuses mais jusqu’ici éparpillées : salariés du commerce opposés au travail du dimanche, chauffeurs routiers en lutte depuis des semaines pour des hausses de salaires, cheminots refusant la réforme ferroviaire, douaniers qui s’opposent à 250 suppressions de postes par an d’ici 2018, salariés de Radio France en grève depuis des jours contre les coupes budgétaires pendant que leur patron fait refaire son bureau à grand frais…

Mais le cœur, c’est le refus de la politique d’austérité budgétaire et salariale. Cette politique est une aberration économique et une catastrophe sociale. Elle est imposée par le gouvernement allemand et la Commission européenne à toute l’Europe. François Hollande a mis le doigt dans cette broyeuse en ne renégociant pas le traité budgétaire en 2012, comme il avait promis de le faire dans la campagne. Depuis, son gouvernement multiplie les coupes budgétaires. Il a prévu 50 milliards d’euros de coupes dans les budgets publics et de la Sécurité sociale entre cette année et 2017. La Commission européenne juge que ce n’est pas assez et en demande davantage. Pourtant, les ravages sont bien visibles. Comme le dit le nouveau secrétaire général de la CGT Philippe Martinez « il y a une convergence de politiques, en Europe, qui conduit à l’austérité. On est sur la même autoroute, certains pays sont devant nous. En France, on gèle les pensions des retraités, on n’augmente pas les salariés et les fonctionnaires, on réduit les effectifs partout ».

Les coupes dans l’investissement public ont des conséquences dramatiques : explosion du chômage, report des investissements nécessaires à la transition écologique… Le secteur du bâtiment et des travaux publics est durement frappé. Le patronat du secteur tire la sonnette d’alarme depuis des mois. Près de 30 000 emplois ont été détruits dans le secteur en 2014. Encore autant devraient disparaître cette année ! Bien sûr, la concurrence déloyale de patrons voyous, utilisant le système du détachement de travailleurs, frappe durement les PME. Mais le cœur du problème, c’est l’absence de projets faute de financements publics. Le président de la Confédération des artisans et petites entreprises du bâtiment s’inquiète : « nos carnets de commandes sont vides ». Son homologue de la Fédération nationale des travaux publics est plus alarmiste encore : « c’est carrément le marasme… ou la catastrophe, je ne sais plus quel terme employer », dit-il dans Le Monde. Il y a donc urgence à changer de politique et à engager la relance écologique de l’activité.

Les chômeurs aussi sont appelés à se faire entendre. Ils sont de plus en plus nombreux. En février, on a battu un nouveau record de chômeurs sans activité ou avec une activité réduite : 3,26 millions. Or on sait que moins d’un chômeur sur deux est indemnisé. Sans compter que les ministres Macron et Rebsamen ont plusieurs fois laissé entendre que le gouvernement voulait durcir encore les contrôles sur les chômeurs. Leur modèle ? C’est le système allemand : des chômeurs obligés d’accepter n’importe quel boulot même payé 1 euro de l’heure sous peine d’être radiés. Puisqu’ils ne veulent pas changer de politique, les radiations massives sont la seule solution qui leur reste pour faire baisser les chiffres du chômage ! La nouvelle convention d’assurance chômage ne doit théoriquement pas être renégociée avant l’an prochain. Mais le gouvernement Valls aimerait bien aller plus vite, notamment pour rendre les allocations chômage dégressives au bout d’un certain temps.

Outre l’assurance chômage, il y aussi la facilitation du chantage à l’emploi en allant encore plus loin que la loi « made in Medef » de 2013 sur les « accords de maintien de l’emploi ». Le gouvernement a prévu une loi sur le sujet. Son idée ? Permettre aux actionnaires d’exiger des salariés qu’ils renoncent à des droits au nom de « l’emploi » même quand l’entreprise n’est pas en difficulté. Il appelle cela « des accords offensifs ». Le respect de la durée légale du travail de 35h est notamment visée par Emmanuel Macron. Jean-Claude Mailly, de Force Ouvrière, a donc totalement raison de dénoncer « les « réformes structurelles » qui consistent à flexibiliser et précariser le social et le travail pour répondre aux dogmes économiques libéraux ».

L’appel à la mobilisation s’adresse aussi aux retraités actuels et futurs. Les retraites sont gelées depuis un an. Actuellement, patronat et syndicats négocient la future convention concernant les retraites complémentaires. Le MEDEF fait le forcing pour rogner les droits des salariés et retraités. Il propose que les retraites soient gelées trois ans de plus. Il veut aussi réduire les pensions de réversion, versée aux veufs et veuves. Surtout, le MEDEF veut utiliser les retraites complémentaires pour repousser encore l’âge de la retraite. Il propose ainsi d’instaurer une décote pour les retraites complémentaires entre 62 et 67 ans ! Cela reviendrait à obliger les salariés à partir à la retraite à 67 ans, sauf à perdre 20% à 40% de sa retraite complémentaire ! L’âge légal de départ à 62 ans pour le régime de base ne serait plus qu’une coquille vide !

L’objectif du 9 avril n’est pas seulement défensif. Il est de « reprendre l’offensive » comme l’écrit Solidaires. Les conditions sont réunies pour que cette grève soit un succès. L’appel unitaire à la grève et à des manifestations a été lancé le 17 février. Les militants syndicaux préparent donc activement cette journée depuis des semaines dans les entreprises. Autre élément positif, en plus des traditionnelles manifestations partout en France, la CGT appelle à faire du défilé de Paris une manifestation nationale. Cette volonté de grossir les rangs parisiens pour être visible donne une nouvelle dimension à l’action. Il s’agit de montrer la force. C’est la logique que nous avons développée dans le champ politique en appelant à plusieurs marches nationales depuis l’élection présidentielle. Pour faciliter la mobilisation, nous appelons à des marches le weekend. Les syndicats appellent à la grève, donc nécessairement en semaine. C’est plus difficile pour les salariés, notamment ceux aux petites payes ou en contrat précaire. Mais c’est aussi la base de la construction du rapport de force contre le MEDEF et les actionnaires.

Cette situation est un révélateur puissant du lien entre la lutte sociale et la lutte démocratique pour la 6e République. Contester la politique d’austérité, c’est nécessairement s’attaquer aux diktats de la Commission européenne et donc défendre la souveraineté populaire. Dénoncer les effets du traité budgétaire, c’est souligner comment la 5e République a permis à un président à peine élu de renier sa promesse sur ce point comme sur tant d’autres et de faire ratifier ce traité sans référendum. Combattre la loi Macron, c’est aussi refuser la brutalité de Manuel Valls imposant l’adoption de ce texte sans vote à l’Assemblée nationale grâce à l’article 49-3 de la Constitution. Réclamer des hausses de salaires ou défendre les droits des salariés, c’est remettre en cause la toute puissance du patronat et des actionnaires dans les entreprises. Les deux volets ne s’opposent pas, bien au contraire. Ils se renforcent mutuellement comme ils l’ont toujours fait dans l’histoire du socialisme républicain dans notre pays.


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