Urgence !

lundi 6 avril 2015.
 

Il est certain que si rien de nouveau ne se passe à gauche, les inquiétants phénomènes électoraux issus des élections départementales, après ceux des municipales et des européennes, se reproduiront et s’amplifieront.

Nous en appelons donc au débat et à l’action pour que le couple Hollande-Valls cesse ce cynisme consistant, défaite après défaite, à expliquer qu’il mène la seule et meilleure politique possible. Celle qui accroît mois après mois le chômage, la précarité et taillade le pouvoir d’achat des familles populaires, alors qu’elle permet aux actionnaires d’empocher d’énormes dividendes, issus des profits de grandes multinationales. Ces dernières bénéficient de réductions d’impôt, de cadeaux sociaux, que paient les travailleurs et les petites et moyennes entreprises sous-traitantes. Au lieu de porter un projet de justice etde progrès social, voici que le premier ministre veut encore précariser plus le travail avec son projet de contrat unique. C’est avec cette logique qu’il faut rompre d’urgence !

Refuser de s’y engager continuerait à élargir le lit d’une droite de plus en plus arrogante et réactionnaire qui veut aller encore plus loin en ce sens et d’une extrême droite surfant sur le désespoir et la division de la société. Elle a été copieusement servie, à la fois par le premier ministre et les grands médias qui l’ont placée au centre du débat avant le premier tour et par M. Sarkozy, déclarant toute la semaine dernière, pour tenter de s’en différencier, que l’extrême droite avait le même programme que le Front de gauche. Assez de ces jeux politiciens qui poussent la France vers l’aventure. Assez de cette surdité ausommet de l’État qui, non content d’avoir trahi les engagements de la campagne présidentielle, veut pousser plus avant les feux d’un libéralisme qui ne mène qu’à l’impasse et peut engager le pays dans le scénario du pire.

Si nous nous réjouissons que l’extrême droite lepéniste ne dirige aucun département, nous ne pouvonscacher, ni sous-estimer, l’ampleur de ses scores dans un scrutin local et les ambitions qu’elle nourritpour les élections régionales et présidentielle. Aucune statistique ou extrapolation électoraliste ne peut faire fi des différences de modes de scrutin et de situations. Chaque élection a ses particularités et ses logiques. L’oublier peut conduire à de sévères déconvenues pour les uns et à des triomphes pour les autres. Qu’on ne compte pas sur nous pour favoriser le scénario dont rêve l’extrême droite.

Mais ce n’est pas l’appel permanent à l’unité sans contenu, qui n’est qu’une manière d’imposer l’alignement sans discussions derrière l’exécutif, qui nous permettra d’y parvenir. Certes, la désunion est un lourd handicap.

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Mais c’est précisément parce qu’il a été décidé à l’Élysée et à Matignon qu’il n’y aurait pas de débat sur une autre politique sociale, économique, écologique, alternative que nous en sommes là. La thèse lancée en pâture depuis quelques jours sur un tripartisme, ancré dans le pays, sert à cela.

Les classes dominantes sont ainsi protégées et servies par un pouvoir se réclamant du Parti socialiste. Elle camoufle et rejette l’immensité des forces abstentionnistes qui n’en peuvent plus du sort qui leur est fait et qui, pourtant, ne demanderaient qu’à se mobiliser pour une politique et un projet répondant aux intérêts populaires et nationaux.

Continuer à raisonner ainsi revient à abandonner définitivement les classes populaires et les jeunes laissés dans le désarroi. Il faut donc en finir avec les contre-réformes régressives et lancer vite le débat sur de nouvelles réformes de progrès, visant à améliorer le sort des travailleurs, des créateurs, des plus défavorisés, des jeunes et des retraités tout en promouvant un nouveau type de développement humain durable. Il s’agit de fédérer la société et non plus de la diviser en désignant des boucs émissaires, responsables des difficultés.

La voisine, l’étranger ou la personne de confession musulmane ne sont pas la cause des difficultés. Laresponsabilité en incombe à la loi de l’argent-roi qui domine tout, écrase tout, fracture et précarise les vies personnelles et collectives. La mal vie prend sa source dans l’inégale répartition des richesses, dans le pillage et l’exploitation du travail, le mépris des humbles, quand l’élite liée à l’oligarchie s’accapare tout et dicte ses lois contre l’intérêt général. Le pays est entré dans un état d’urgence !

Une nouvelle période politique et sociale, inquiétante à beaucoup d’égards, avec une droite et une extrême droite dominantes, commence. Face au danger, les citoyens progressistes, de toutes tendances, doivent se réunir, se parler, agir ensemble et se solidariser pour chercher des réponses neuves, citoyennes et populaires, adaptées aux conditions de notre temps, afin que revive une gauchesociale, politique et écologique, utile, combative, populaire, efficace.

Le bon report des voix au second tour des départementales (qui a d’ailleurs permis que des départements, comme le Val-de-Marne ou la Seine-Saint- Denis, restent à gauche) montre que, dans les villes, les localités, les entreprises, des citoyens aux opinions diverses, mais partageant le même souci d’amélioration de la vie des familles populaires, du recul du chômage, de défense du service public, la même aspiration à l’égalité et la justice, à la démocratie et au vivre mieux ensemble, le même rejet du racisme, de l’antisémitisme et de la xénophobie, peuvent se parler et agir ensemble. Ils pourraient se retrouver pour exiger ensemble des mesures immédiates d’amélioration de la vie comme des augmentations des salaires, des retraites et des prestations sociales, la transformation des emplois précaires en emplois stables, un moratoire sur les plans de licenciement et des actions pour obtenir un nouveau rôle des banques et du crédit pour l’investissement industriel et de services créateurs d’emplois s’inscrivant dans la transition environnementale, la suspension de la décision de réduction des dotations aux collectivités territoriales, ainsi qu’au service public de la radio et de la télévision, un moratoire sur les expulsions locatives, l’arrêt du débat sur la loi Macron, des initiatives nouvelles pour refonder la construction européenne, à commencer par le contrôle de l’utilisation des mille milliards d’euros que la Banque centrale européenne débloque, l’arrêt des discussions sur le projet de traité transatlantique. Ceciconstitue quelques orientations immédiates pour le débat et l’action commune. Si les travailleurs et les citoyens se font entendre, des évolutions importantes sont susceptibles d’intervenir dans les rapports entre les soutiens du Front de gauche, des communistes, des socialistes, des écologistes, des syndicalistes, des militants du monde associatif et beaucoup d’autres encore, tous animés de la même ambition d’inventer enfin une voie inédite qui permette de sortir du marasme mortifère actuel.

Cela peut commencer dans la cité ou le village et connaître une première concrétisation ce 9 avril dans la journée unitaire de mobilisation intersyndicale. Cela peut constituer le ciment d’une nouvelle unité populaire pour un nouveau progressisme. C’est l’urgence. C’est indispensable !

Patrick Le Hyaric

Article tiré de L’Humanité Dimanche le 4 avril 2015


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