Le congrès du PS nous intéresse

jeudi 30 avril 2015.
 

Le congrès du PS est en marche. Je veux en dire un mot. Non que j’en espère quelque chose. Mais j’ai été interrogé dimanche dernier sur France 3. J’ai dit l’essentiel. Je souhaite le succès de la motion menée par Christian Paul et les frondeurs. Cela ne veut pas dire que je la crois possible. J’ai quitté ce parti il y plus de 6 ans en faisant le bilan qu’on ne pouvait plus le changer de l’intérieur. Il n’empêche que dans les faits, le vote pour la motion de Christian Paul, c’est en quelque sorte la motion de censure à disposition des militants socialistes contre le gouvernement Valls. Le PS nous rebat les oreilles et nous appelle sans cesse à « l’union ». Si les militants du PS veulent sincèrement « l’union » avec notre gauche, il faut qu’ils s’en donnent les moyens. Et donc qu’ils votent pour ceux avec qui nous pourrions débattre, plutôt que pour les diviseurs de la gauche qui insultent les communistes, méprisent les écologistes et s’obsèdent a vouloir isoler le parti de gauche tout en volant et détournant au profit de leurs basses besognes tout le vocabulaire de la gauche.

Je vois bien comment le ton est monté dans le débat entre les factions du PS. On touche a présent aux fondamentaux. La critique de la gauche du PS se fait avec les mots du Front de Gauche quand bien même les chefs se sentent-ils continuellement tenus de marquer leurs distances avec moi pour satisfaire aux rites exigés d’eux et qui contribuent surtout à les isoler de tous dedans et dehors. Ainsi quand l’un des leaders de cette motion dénonce « la transgression permanente » du gouvernement à l’égard des principes de gauche. Je parle de Benoît Hamon et de son interview dans Paris Match il y a quelques jours. Je suis d’accord avec lui quand il dit « on n’attend pas de la gauche qu’elle favorise les licenciements, qu’elle favorise la rémunération des actionnaires et qu’elle persévère dans une politique économique qui manifestement ne marche pas au regard des chiffres de la pauvreté et du chômage. Cela désarçonne nos électeurs qui constatent amèrement le fossé entre nos promesses de campagnes et la politique que l’on mène ». Et encore quand il ajoute « quand on invite les jeunes à devenir milliardaires, quand on dit qu’il faut mieux contrôler les chômeurs parce qu’ils profitent – alors même que les vrais profiteurs continuent à se gaver par l’évasion fiscale ou les réductions d’impôts ! – et que c’est un ministre de gauche qui le dit, c’est que les choses ne sont plus à leur place. Certaines mesures tournent ouvertement le dos à nos valeurs et à notre histoire ». Enfin, je l’approuve quand il explique que « si la politique économique du gouvernement échoue, sur certains aspects, ce ne sera pas l’échec de la gauche. Cela n’invalide en rien les solutions de la gauche puisqu’elles n’auront pas été tentées dans un certain nombre de domaines ». En fait elles n’ont pas été tentées du tout et c’est même l’inverse. Mais sans doute était-ce la limite de ce qu’un ancien ministre de Valls peut dire sans risquer de se faire renvoyer a ses propres turpitudes. Mais c’est l’intention qui compte. Ici, c’est clairement une dénonciation de la politique du gouvernement.

Je suis heureux d’observer les passerelles mises en place dans notre direction dans les éléments du texte des frondeurs. Ainsi avec l’exigence de la 6e République dans la motion des frondeurs. Cette idée figure aussi dans une autre des quatre motions, intitulée « Osons un nouveau pacte citoyen et républicain ». Mais évidemment elle n’y est pas dans celle de Jean-Christophe Cambadélis, Martine Aubry et Manuel Valls. Ni dans celle de Karine Berger. À la différence de la motion Cambadélis-Valls-Aubry, les frondeurs réclament aussi « l’augmentation du SMIC ». Ils appellent aussi « au combat politique contre la droite allemande et la Commission européenne » pour « rouvrir des marges de manœuvres vis-à-vis des exigences budgétaires européennes ». Ce sont là trois points importants pour l’avenir. Même dans les limites de la motion de Christian Paul. En effet, ces points sont au cœur du programme du Front de Gauche et de notre stratégie. Et ils marquent une rupture avec le modèle de François Hollande et Manuel Valls. Ce serait une remise en cause de fait de la « politique de l’offre », de « compétitivité » et d’austérité. Ce serait un changement radical avec l’autoritarisme de la 5e République et la soumission à l’Europe allemande, deux verrous puissants pour empêcher le changement en France dont François Hollande a bien usé et abusé pour imposer ses reniements. La présence de ces trois éléments indiquent la direction dans laquelle aller pour nouer des convergences avec nous : à rebours de la politique de Hollande et Valls. C’est ce que commencent à faire les frondeurs.

Je ne recommande pourtant pas d’avoir des illusions sur les conséquences de ce texte. Le caractère convenu de l’exercice rituel des congrès socialistes ne le permet pas. « Le Canard enchainé » a montré avec quel cynisme un seul auteur, désormais rallié à Valls, a écrit dans les trois textes des oppositions au texte de Cambadélis. Nous savons bien aussi que les frondeurs sont rarement allés au bout de leurs certitudes. Du coup, leur ambition paraît étrangement décalée par rapport au moment que nous vivons. Les auteurs pensent faire 30% à 40% des suffrages. C’est évidemment un beau score compte tenu de la distance qui sépare les deux orientations proposées au vote. Il confirmerait que la majorité composite qui se déduirait de là est faible. En effet, sa seule opposition serait plus forte que chacune des fractions qui constituent la majorité rassemblée par Cambadélis, qui ne sont pas séparées entre elles par de simples nuances, elles non plus. Quoi qu’il en soit, il est très pauvre d’avoir pour ambition un score dans le PS sans conséquence sur son orientation pour faire face à la catastrophe sociale et politique que les auteurs du texte analysent. A qui, à quels secteur de la société ses auteurs pourront-ils dire au lendemain du vote : « les choses vont aller du bon côté dorénavant parce que nous avons fait 40% et Valls seulement 60% ! » ? D’une façon générale, quel impact sur le futur qu’un score dans un congrès du PS ? De toutes façons le gouvernement n’en fait et n’en fera qu’a sa tête et tout cela n’est qu’une formalité pour lui. En attestait le fait qu’aucun ministre du gouvernement n’était présent pendant le conseil national qui ouvrait le congrès alors même que la question de la pratique gouvernementale était au centre du débat.

Pour finir, il faut voir aussi qui anime le regroupement de la « gauche » du PS. Certes, Benoît Hamon a voulu préempter l’autorité du groupe par des surenchères dans son interview de « Paris Match ». Mais c’est Christian Paul qui est désigné pour diriger le tout. Comme homme, il est aimable et prévenant. Comme responsable politique, il n’est pas du tout la marionnette de circonstances que certains ont prétendu. Sa seule présence à la tête d’un tel groupe où s’additionnent et se contrarient tant d’ambitions prouve son habileté. Mais le choix ne peut être sans signification. Il s’est fait au détriment d’Emmanuel Maurel réputé « trop marqué a gauche dans le PS » selon les mots du journal « le Monde ». Christian Paul a voté pour le traité budgétaire. Il a aussi voté pour l’ANI et l’allongement de l’âge de la retraite. Autrement dit il n’a pris en charge aucun des marqueurs traditionnels de la gauche du parti. Ce choix a valeur de recentrage, dans la même pente que le choix final d’Aubry de ne pas aller au combat d’idées. D’ailleurs, Paul a donné immédiatement des gages. Ici, il a dit préférer le terme « éclaireur » à celui de « frondeur ». Là, il rappelle « je ne suis pas frondeur par tempérament. Je ne suis pas parti avec Mélenchon ! J’ai voté toutes les lois depuis deux ans ». Encore ailleurs, il explique qu’il « soutiendra Hollande, s’il a réussi ». Benoit Hamon aussi indique déjà qu’en 2017, il votera « évidemment » pour François Hollande « face à Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen ». Façon de dire avant l’heure que les primaires sont déjà enjambées elles aussi.

Dès lors, le congrès sans issue est aussi un congrès sans objet quant aux rapports de forces qui s’y noueront puisque la pièce est déjà entièrement écrite. La ligne du parti et du gouvernement ne changera pas. « Il ne s’agit pas de renverser le gouvernement ni de renoncer au redressement » a rappelé Jean-Christophe Cambadélis. La primaire n’aura pas lieu puisque les chefs de la gauche du parti annoncent déjà leur ralliement a la candidature du président sortant, s’il est candidat. Et cela, même s’il semble perdant d’avance, comme le souligne Benoît Hamon quand, dans sa réponse sur 2017, il déclare ceci : François Hollande « peut-il être au second tour si ce quinquennat ne laisse pas une empreinte sociale forte ? Dans l’état actuel de désespérance de nos électeurs, je ne le crois pas » !

Faut-il pour autant désespérer du congrès socialiste ? Je crois qu’une prise de conscience y est possible. En dehors des prébendiers de toutes sortes et des nomenclaturistes de toutes les variétés qui s’y trouvent, de nombreux adhérents vont faire un sérieux examen de conscience quand ils vont prendre la mesure de l’imposture qui est en train de se jouer. Pourquoi voudraient-ils s’y impliquer davantage ? Je pense que certains voudront mettre leurs convictions en accord avec leur actes. Peut-être se décideront-ils à venir mener avec nous le combat clair et net sans lequel il n’y a pas d’avenir pour la gauche dans notre pays après l’épisode suicidaire de Hollande et Valls. Mais à chaque jour suffit sa peine. Car il faut impérativement ouvrir un autre chemin. Nous avons commencé à le faire. Toute opportunité est bonne a prendre qui abrège les souffrances du chemin… Un vote sanction de Manuel Valls et de sa politique dans le congrès du PS nous donnerait un renfort idéologique de poids. Il faciliterait la suite de notre action si nous voulons faire de 2017 le point de départ d’un renouveau et non un enterrement sans lendemain.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message