La dette publique est un dossier européen

vendredi 1er mai 2015.
 

L’argument de la dette publique est utilisé pour revenir sur les prestations et les 
droits sociaux. C’est pourtant la crise bancaire de 2007 qui l’a fait exploser. Le 
meilleur moyen de rembourser la dette publique reste la croissance. Mais ce n’est 
pas le chemin choisi par les institutions européennes qui privilégient l’austérité.

Il y a voilà trois mois, la Grèce se donnait un nouveau gouvernement, après une série d’exécutifs dont la mission – assignée par Bruxelles et le FMI– était de travailler au remboursement de la dette grecque. Changement politique, changement d’attitude  : le nouveau pouvoir, emmené par Syriza, estime que le problème de la dette hellène n’est pas un problème gréco-grec. C’est «  un problème systémique, un problème européen posé par-delà les nations  », faisait valoir dans nos colonnes, le 17 mars, le ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis.

Force est de constater que les moyens d’y répondre sont européens, mais pas n’importe lesquels. Depuis le traité de Maastricht (1992), les institutions européennes ont déployé un arsenal pour intimer aux États de réduire leurs dépenses publiques. Il s’est agi d’abord de limiter à 3 % du PIB le déficit autorisé et à 60 % la dette publique admise. Ensuite, d’autres obligations, avec le TSCG, les paquets de directives two-pack et six-pack (1). Voilà les États maintenant contraints de présenter leur projet de budget plusieurs fois par an, pour contrôle, à la Commission européenne. Pourtant, avant la crise, la dette publique européenne stagnait. C’est, plus que l’augmentation des dépenses sociales pour faire face à la crise humanitaire, le renflouement des banques qui a fait grimper la dette publique des pays les plus en crise. Pour l’Irlande, le soutien au secteur financier a coûté 37,3 % de points de PIB, selon une étude publiée en avril par la Banque centrale européenne. Pour la Grèce, il s’est agi de 24,8 % de la richesse nationale. En ce qui concerne la Slovénie, cela a représenté 14,2 % du PIB. Même l’Allemagne a dû y consacrer 10 % pour soutenir son secteur bancaire.

Au pire moment de la crise, Bruxelles a choisi de demander aux pays d’accorder des garanties quasi illimitées au secteur bancaire en crise afin d’éviter un krach généralisé. C’est du fait de ce mécanisme que la dette publique irlandaise a bondi de 24,9 % du PIB en 2007 à 123,7 % du PIB en 2007. La crise des établissements financiers était nourrie dans ce pays par la spéculation immobilière. En Espagne, ce sont 30 milliards d’euros de deniers publics qui ont réparé les erreurs du système bancaire. Dans la pratique, la dette privée est passée au public.

Depuis, sous la houlette de Michel Barnier, le commissaire au Marché intérieur entre 2010 et 2014, Bruxelles a émis une régulation du secteur bancaire visant à faire financer ses propres pertes par lui-même, sans demander le soutien du contribuable. Pour le moment, le compte n’y est pas. Et la réforme a eu un effet pervers  : afin de respecter les ratios de sécurité, les banques prêtent moins. Quand elles prêtent, elles doivent conserver dans leurs coffres une somme plus importante qu’auparavant. Or, le meilleur moyen de rembourser la dette publique reste la croissance. Mais ce n’est pas le chemin choisi par les institutions européennes qui privilégient l’austérité. Les pays les plus en difficulté, au sud – mais c’est aussi le cas de l’Irlande ou de l’Allemagne au nord – manquent cruellement d’investissements publics. Ceux-ci, dans les infrastructures ou encore l’éducation sont pourtant nécessaires pour combler les écarts de productivité entre les différents pays européens.

C’est pour réduire ce déséquilibre et financer les services publics qu’en 2012 le Parti de la gauche européenne (PGE) avait lancé une initiative citoyenne visant à récolter un million de signatures afin de créer une Banque publique européenne destinée au financement des investissements publics et industriels. La Commission européenne avait répondu par un «  nein  ». Hors de question que la création monétaire de la Banque centrale européenne puisse permettre aux États de ne pas se financer sur les marchés financiers et d’accéder à des taux d’intérêts bas. Cette décision des services de José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne d’alors, était venue rappeler que la question de la dette publique est une question démocratique. La pression mise sur Athènes le confirme aujourd’hui. Ce serait tout à l’honneur de la France de reprendre le chemin de l’esprit du Bourget, quand un aspirant à la présidence de la République avait fait de la finance son principal ennemi. La bataille d’Athènes ne doit pas être perdue.

Gaël De Santis, L’Humanité


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